Terralaboris asbl

Sanction du harcèlement moral exercé à l’égard d’un employé

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 30 octobre 2007, R.G. 02.581/07

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Tribunal du travail de Bruxelles, 30 octobre 2007, R.G. n° 02581/07

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un jugement (définitif) du 30 octobre 2007, le tribunal du travail de Bruxelles a lourdement sanctionné des comportements de harcèlement moral exercé par un chef d’entreprise à l’égard d’une salariée.

Contexte du litige

Une employée est licenciée avec effet immédiat en mai 2006. Elle introduit un recours auprès du tribunal du travail, considérant, en sus du caractère insuffisant de l’indemnité compensatoire de préavis, qu’elle a été licenciée alors qu’elle avait fait une demande de crédit-temps et que les motifs du licenciement n’étaient pas étrangers à celle-ci.
En outre, elle demande une indemnité pour abus de droit de licencier, estimant que le caractère abusif du licenciement est révélé par un échange de mails avec son supérieur hiérarchique.

Elle considère qu’elle a été victime d’un harcèlement de la part de ce dernier, précisant que ni la délicatesse ni le respect de son personnel ne sont les priorités essentielles de celui-ci, non plus d’ailleurs que le respect de la loi.

Pour la société, il s’agit, au contraire, d’une réorganisation interne, qui est à la base du licenciement, l’entreprise ayant dû fusionner deux départements et ayant dû constater que l’intéressée n’avait ni le profil ni l’expérience nécessaires pour assurer pleinement une fonction dans le cadre de cette réorganisation.

La position du tribunal

Le tribunal va rejeter la demande d’indemnité de protection pour violation de la convention collective n° 77bis relative au crédit-temps. Pour le tribunal, des difficultés de fonctionnement et notamment des difficultés relationnelles se trouvent à la base de la rupture du contrat.

Sur l’indemnité pour abus de droit de licencier, par contre, le tribunal suivant en ça l’avis verbal de l’auditeur du travail, retient l’existence d’un harcèlement, celui-ci étant, comme rappelé dans le jugement, tout acte qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité de la personne concernée.

Il relève que les nombreux mails, sarcastiques dans le moins grave des cas, particulièrement humiliants dans les plus graves, constituent la preuve indiscutable d’une absence totale de respect de la part d’un chef d’entreprise à l’égard d’une de ses collaboratrices directes.

Il est en violation à la fois de l’article 16 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail et également des articles 32bis et suivants de la loi du 4 août 1996.

Le tribunal stigmatise un comportement indigne d’un chef d’entreprise « du XXIe siècle, à tout le moins selon les critères de savoir-vivre en vigueur en Europe occidentale ». Le tribunal relève que l’auteur de ces mails s’est comporté en personne harcelante et que le « burn-out » de l’employée, avéré par certificat médical, en est clairement la conséquence. Son licenciement est la suite de l’état d’épuisement total dans lequel elle s’est trouvée, consécutivement à ces faits.

Sur l’indemnisation, le tribunal admet que celle-ci peut s’inscrire dans le cadre d’une indemnité pour abus de droit. Aucun montant n’étant prévu – et le tribunal fait référence également et à contrario à l’indemnité prévue par l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 – il considère que celle-ci doit être fixée ex aequo et bono.

Il retient un montant de 50.000€ net.

Intérêt de la décision

L’employée a assigné en abus de droit, en réparation du harcèlement moral dont elle s’est estimée victime. Le tribunal a admis ce fondement. Les comportements incriminés étant, pour le juge, à la base du motif du licenciement, étant que l’épuisement de la personne, et d’ailleurs une période d’incapacité de travail qui s’ensuivit, ont été induits par ces comportements fautifs.


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