Terralaboris asbl

Refus de communiquer avant la procédure judiciaire les preuves du motif du licenciement d’un ouvrier : l’employeur doit supporter les dépens de l’instance

Commentaire de Trib. trav. Bruxelles, 28 août 2007, R.G. 54.379/03

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Tribunal du travail de Bruxelles, 28 août 2007, R.G. 54379/03

TERRA LABORIS ASBL - Pascal Hubain

Dans un jugement du 28 août 2007, le Tribunal du travail de Bruxelles, après avoir rejeté la demande d’un ouvrier introduite sur la base de l’article 63 LCT (licenciement abusif) met néanmoins à charge de l’employeur les dépens de l’instance, l’action ayant été introduite en raison du refus de l’employeur de produire les preuves du motif allégué.

Les faits

Monsieur N., chauffeur de bus pour le compte d’une société de transport en commun, est licencié moyennant le paiement d’une indemnité de rupture. La lettre de licenciement précise le motif, étant que l’intéressé a effectué une partie d’un trajet en téléphonant et, alors qu’un passager lui a fait remarquer la dangerosité de cette attitude, a adopté une attitude grossière et proféré des menaces à son encontre. Le passager en question s’est avéré être un employé de ladite société.

La lettre fait était de cet incident, ainsi que d’antécédents (7 sanctions pour négligence en matière de conduite et grossièreté envers des passagers). Elle se fonde notamment sur le règlement de travail, qui érige en motif grave le fait de proférer des insultes ou des grossièretés, tant à l’égard des membres du personnel qu’à l’égard des tiers.

Les preuves des motifs invoqués, à savoir le dossier personnel, ont été demandées, sans succès, l’employeur refusant de communiquer celui-ci en-dehors d’une procédure judiciaire.

Le travailleur introduit dès lors une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles, action ayant pour seul objet la condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité pour licenciement abusif.

La position des parties

L’intéressé concluait au fondement de la demande, arguant que c’est l’attitude du passager qui était exclusivement responsable de l’incident ayant conduit au licenciement. Quant aux antécédents, il relevait les avis successifs de son chef de service, le recommandant pour le passage à un statut plus protecteur. Enfin, il demandait, à titre subsidiaire, que l’employeur soit condamné aux dépens, vu son refus injustifié de produire, hors procédure judiciaire, les pièces établissant les éléments à la base de la décision de licenciement.

L’employeur estimait quant à lui qu’il n’y avait pas licenciement abusif, l’intéressé ayant été licencié en raison de son comportement. Il faisait valoir les sanctions encourues par l’intéressé, dont 3 avaient été données pendant l’année précédant le licenciement, ainsi que le dernier incident.

La décision du tribunal

Examinant les documents produits par l’employeur quant au comportement professionnel de l’intéressé, le Tribunal conclut à l’existence de motifs légitimes de licenciement. Il déboute ainsi le travailleur de sa demande d’indemnité pour licenciement abusif.

Sur la question des dépens, le Tribunal note que la communication des rapports et plaintes démontrant la réalité des griefs reprochés au travailleur aurait permis à ce dernier d’infléchir sa décision quant à l’intentement d’une procédure judiciaire.

Le Tribunal rappelle également la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle, en règle, c’est la partie qui succombe qui doit supporter les dépens, sauf si elle les a causés par sa faute (Cass., 24 avril 1978, J.T.T., 1979, 254).

Sur la base de ces considérations, le Tribunal condamne l’employeur aux dépens, quoi qu’il ne soit pas fait droit à la demande de l’intéressé.

Intérêt de la décision

Rappelons que l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 permet d’obtenir un contrôle judiciaire du motif du licenciement, les juridictions du travail devant, notamment, vérifier la matérialité des faits invoqués au titre de motif du licenciement ainsi que leur adéquation avec l’un des motifs énoncés par la disposition. En l’absence de preuve des faits à la base du motif du licenciement, celui-ci est abusif, ouvrant le droit au bénéfice de l’indemnité prévue par la loi.

Dès lors que l’employeur refuse de communiquer les éléments de preuve dont il dispose, il y a matière à action judiciaire. En conséquence, il apparaît logique de considérer que l’employeur est responsable de l’intentement de la procédure et doit en supporter le coût même si le travailleur succombe dans sa demande (en ce sens C. trav. Liège (sect. Neufchâteau), 6 mai 1998, R.G., 2.660/95 et C. trav. Liège (sect. Neufchâteau), 17 juin 1998, R.G., 2.987/97, citant Cass., 24 av. 1978, J.T.T., 1979, 254).

Le jugement est définitif.


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