Terralaboris asbl

Enseignant prestant en qualité d’indépendant pendant une pause carrière : activité principale ou complémentaire ?

Commentaire de C. trav. Mons, 9 février 2007, R.G. 19.515

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Cour du travail de Mons, 9 février 2007, R.G. 19.515

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 9 février 2007, la Cour du travail de Mons rappelle les principes quant au maintien du caractère complémentaire de l’assujettissement d’un enseignant en interruption de carrière qui effectue un travail indépendant. A défaut de cotiser pour préserver ses droits en matière de pension, l’activité exercée après les 12 premiers mois d’interruption est une activité principale.

Les faits

Mme D, professeur statutaire dans l’enseignement secondaire, bénéfice, à partir du 1er septembre 1991, d’une interruption de carrière.

La première année, elle suit une licence spéciale en notariat. Elle effectue une activité de juriste à partir du 15 septembre 1992. Elle s’affilie à une caisse sociale le 11 janvier 1993, comme indépendante à titre accessoire. L’activité indépendante est arrêtée le 31 août 1994.

La caisse sociale estimant que l’activité doit être considérée comme une activité exercée à titre principal, un litige se noue entre ces parties sur le montant exact des cotisations sociales dues par l’intéressée, la caisse demandant régularisation pour les années 1993 et 1994.

La position du tribunal

Le Tribunal estima qu’il s’agissait d’une activité à titre complémentaire, se fondant sur la règlementation applicable aux allocations d’interruption de carrière (A.R. du 12 août 1991).

La position des parties en appel

La caisse interjeta appel de la décision du Tribunal, estimant que la question du caractère principal ou complémentaire de l’activité doit être appréciée non au regard de l’A.R. du 12 août 1991 mais de l’A.R. n° 442 du 14 août 1986 relatif à l’incidence de certaines positions administratives sur les pensions des agents des services publics au regard de l’article 36, 2° de l’A.R. du 19 décembre 1967. Sa position est que, pour que soit maintenu le caractère complémentaire de l’activité (et de l’assujettissement), l’intéressée, dont l’activité principale était suspendue en raison de l’interruption de carrière, aurait dû, à partir du 13e mois d’interruption, cotiser pour sauvegarder ses droits à la pension. A défaut, l’activité devait être considérée comme exercée à titre principal depuis son commencement.

Mme D. estimait quant à elle que la question devait être résolue au regard de l’A.R. du 12 août 1991. Or, dans la mesure où le cumul entre les allocations d’interruption de carrière et l’exercice d’une activité indépendante est autorisé pendant deux ans, les deux premières années de cette activité (septembre 1992 à août 1994) doivent être considérées comme « accessoires ».
Vu le délai mis par la caisse sociale pour interjeter appel (plus de 6 ans), elle invoquait également une violation du principe général du droit à un procès équitable (article 6 C.E.D.H.).

La décision de la Cour

La Cour suivit l’argumentation développée par la caisse sociale. La Cour rappelle ainsi que le caractère complémentaire de l’activité n’est maintenu en cas d’arrêt de l’exercice de l’activité principale dans le cadre de l’interruption de carrière que lorsqu’il y a maintien des droits à la pension dans le régime de l’activité principale. La Cour estime en conséquence que, pour examiner la question litigieuse, c’est la règlementation applicable aux pensions de l’activité principale qui doit être examinée, soit l’A.R. n°442.

Examinant les dispositions pertinentes de cet A.R., la Cour relève que la première année d’interruption de carrière est assimilée à du travail pour ce qui est du droit à la pension. Elle signale à cet égard que cette période d’assimilation vise bien la première année de l’interruption et non la première année de travail. Pour les 48 mois qui suivent cette première année, il n’y a assimilation que moyennant le paiement d’une cotisation personnelle de 7,5 % (sauf si l’intéressé ou son conjoint perçoit des allocations familiales pour un enfant de moins de 6 ans). Vu l’absence de perception d’allocations familiales et de cotisations, la Cour retient qu’il n’y a pas eu maintien des droits à la pension pour la période de régularisation demandée par la caisse (qui vise la période postérieure à la première année).

Quant à l’argument du droit au procès équitable, la Cour le rejette. Elle estime en effet que l’article 6 de la C.E.D.H. ne peut être invoqué si celui qui l’invoque est également responsable de l’écoulement du temps. En l’espèce, la Cour retient une erreur dans le chef de l’intéressée, qui n’a pas fait signifier le jugement (partant du présupposé inexact que le délai d’appel courait du fait de la notification). Par ailleurs, la Cour estime que, si l’argument de la croyance légitime en l’absence d’appel aurait pu permettre la suspension du cours des intérêts pendant la période antérieure au dépôt de la requête d’appel, aucune demande claire en ce sens n’a été formulée par Mme D.

Intérêt de la décision

L’arrêt éclaire sur les conditions de l’assujettissement comme indépendant à titre complémentaire pour le personnel statutaire de l’Etat qui exercent une activité pendant une période d’interruption de carrière.


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