Terralaboris asbl

Etudiant et administrateur de société : activité principale ou complémentaire ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 septembre 2007, R.G. 48.637w

Mis en ligne le jeudi 27 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 14 septembre 2007, R.G. 48.637W

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 14 septembre 2007, la Cour du travail de Bruxelles estime qu’un étudiant, désigné administrateur dans des sociétés familiales dont les statuts ne prévoient pas la gratuité du mandat, doit être assujetti au statut social des travailleurs indépendants (activité principale).

Les faits

M. T. poursuit, entre 1975 et 1979, une formation pour devenir pilote professionnel. Il est à cette époque fiscalement à charge de sa mère. Pendant cette période, il est également nommé administrateur de sociétés dirigées par son père (à partir du 11 décembre 1975 pour deux d’entres elles et du 24 mars 1978 pour la troisième). Les sociétés sont déclarées en faillite en janvier 1979.

Il s’affilie ultérieurement, le 15 février 1980, à une caisse sociale pour indépendants dans le cadre de l’exercice d’une activité de pilote.

Il sollicite, en avril 1980, une dispense de cotisations pour le 4e trimestre 1978 et le 1er trimestre 1980.

En août 1980, il est informé d’une affiliation d’office pour les années 1975 à 1978. En novembre, il étend sa demande de dispense pour la période du 4e trimestre 1975 au 1er trimestre 1979, ainsi que pour l’année 1980. Il obtient la dispense la période du 1er avril 1978 jusqu’au 30 juin 1980, limitant ainsi la période litigieuse du 4e trimestre 1975 au 1er trimestre 1978 inclus.

Les cotisations restant impayées, la caisse sociale l’assigne devant le Tribunal du travail de Bruxelles le 15 décembre 1980. Le Tribunal fait droit à cette action.

La position des parties

M. T. interjette appel de la décision rendue, estimant que, pendant la période pour laquelle sont réclamées les cotisations, son activité principale était celle d’un étudiant, de sorte qu’il n’y avait pas lieu à assujettissement au statut social des travailleurs indépendants, à tout le moins pas comme activité principale mais comme une activité complémentaire, d’aidant ou occasionnelle. Il fait valoir notamment que son activité d’administrateur lui a été conférée presqu’à son insu et que la caisse ne pouvait tenir compte des montants pris en compte par l’administration fiscale.

La caisse demande quant à elle la confirmation du jugement, faisant valoir l’absence de contestation de la qualité d’administrateur ainsi que le fait que, puisque les statuts des sociétés ne précisent pas que les mandats d’administrateur sont gratuits, la présomption d’assujettissement n’est pas renversée. Elle conteste par ailleurs la qualité d’aidant ou la qualification d’activité occasionnelle, dès lors que les dispositions ad hoc n’existaient pas pendant la période litigieuse.

La décision de la Cour

La Cour relève tout d’abord que les revenus perçus pendant la période litigieuse ont été qualifiés de revenus d’administrateur sur la base des données fournies par l’administration fiscale tandis qu’aucun recours n’a été introduit, sur le plan fiscal, à l’encontre de ces données. Retenant l’absence de mention dans les statuts des sociétés quant à la gratuité du mandat d’administrateur, la Cour rejette les arguments de M. T. quant à son assujettissement.

Sur la question du caractère complémentaire, occasionnel ou d’aidant de l’activité de l’intéressé, la Cour rejette également ses moyens. Elle ne relève en effet que la notion d’activité complémentaire suppose l’exercice d’une activité professionnelle principale, ce qui n’est pas le cas de la qualité d’étudiant. Par ailleurs, elle estime que la qualité d’aidant suppose que l’activité soit déployée pour une personne physique indépendante et non une société. Enfin, elle relève que la qualité d’administrateur s’est prolongée sur plusieurs années, de sorte qu’on ne peut retenir le caractère occasionnel de l’activité.

Quant aux intérêts, M. T. demandait qu’ils soient suspendus vu la longueur de la procédure. La Cour refuse d’y faire droit, soulignant que l’intéressé n’a pas usé des possibilités pour une mise en état rapide.

Intérêt de la décision

L’arrêt annoté démontre tout l’intérêt de prévoir la gratuité des mandats d’administrateur dans les sociétés commerciales pour les administrateurs qui, comme en l’espèce, n’exercent pas de profession leur permettant d’échapper à un assujettissement complet au statut social des travailleurs indépendants.

Concernant la question des intérêts, la Cour semble mettre à charge des deux parties (aussi bien du demandeur – en l’espèce la caisse – que du défendeur) la nécessité de diligence puisqu’elle refuse la suspension du cours des intérêts au défendeur originaire. Le déroulement de la procédure explique peut-être cette décision, qui contraste avec une jurisprudence assez fréquente selon laquelle le défendeur peut, dans le cadre d’une procédure, adopter une attitude attentiste, pouvant, en fonction des circonstances de l’espèce, légitimement considérer que le demandeur s’est désintéressé de la procédure en cours.


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