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Les pièges pour un jeune chômeur d’un travail à temps partiel qui sera considéré comme volontaire faute de formalisation d’une demande d’allocations de garantie de revenus

Commentaire de C. trav. Bruxelles (8e ch.), 6 mars 2024, R.G. 2022/AB/232

Mis en ligne le mercredi 14 août 2024


C. trav. Bruxelles (8e ch.), 6 mars 2024, R.G. 2022/AB/232

Terra Laboris

La Cour du travail de Bruxelles rappelle dans un arrêt du 6 mars 2024 qu’il n’y a au sens de la réglementation chômage que deux catégories de travailleur à temps partiel : celui qui a obtenu le statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits et le travailleur à temps partiel volontaire.

Faits de la cause

M. A. a terminé des études de bachelier-bibliothécaire documentaliste le 30 juin 2018.

Le 2 septembre 2019, il a été engagé pour une charge à prestations incomplètes de 7 heures par semaine pour une durée déterminée (du 2 septembre 2019 au 30 juin 2020) en remplacement d’un membre du personnel provisoirement absent du Pouvoir Organisateur Catholique Bruxelles Nord-Ouest.

Sa rémunération était constituée d’une subvention-traitement payée par la Communauté française.

Il travaillait tous les lundis sauf exceptions et congés scolaires.

A l’issue de son stage d’insertion, il a demandé des allocations d’insertion à partir du 8 août 2019.

Il a noirci chaque lundi de travail sa carte de contrôle mais le problème est qu’il n’a pas demandé d’allocations de garantie de revenus ou, du moins, s’il en a fait la demande à son organisme de paiement, que cette demande n’a pas été formalisée.

Selon M. A., la CSC lui aurait assuré le 8 octobre 2019 que la demande d’allocations de garantie de revenus allait être remplie, ce qui n’a pas été fait.

Le chômeur a accompli des démarches auprès du service de médiation de la CSC mais aucun résultat ne lui a été communiqué.

L’ONEm a considéré, par trois décisions successives des 25 août 2020, 17 février 2021 et 5 octobre 2021, qu’il n’était pas privé de rémunération pour les journées non prestées mais couvertes par un contrat de travail de septembre 2019 à juin 2020, les journées prestées ayant été déclarées et non indemnisées.

M. A. a donc été exclu du bénéfice des allocations et la récupération a été décidée pour ces journées. Trois sanctions administratives ont été prononcées sur la base de l’article 71 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

M. A. a introduit contre la première décision un recours recevable et a étendu celui-ci aux décisions suivantes.

Le jugement du tribunal du travail

Par un jugement du 15 février 2022, la 17e chambre du Tribunal du travail de Bruxelles a mis à néant ces décisions et a rétabli M. A. au bénéfice des allocations de chômage à partir du 1er septembre 2019.

Le tribunal a décidé que l’activité de M. A. pouvait être qualifiée d’occasionnelle, ce qui lui permettait de bénéficier des allocations de chômage pour les jours non prestés.

L’ONEm a formé contre ce jugement un appel recevable.

L’arrêt commenté

La cour du travail, par réformation du jugement, confirme l’exclusion du bénéfice des allocations.

Elle souligne qu’il n’y a que deux catégories de travailleur à temps partiel :

• celui qui a obtenu le statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
• le travailleur à temps partiel volontaire, ce qui est le cas de M. A.

Citant l’arrêt de la Cour de cassation du 20 mai 2019 (S.17.0004.F), l’arrêt souligne que ce travailleur ne peut prétendre à une allocation pour les heures pendant lesquelles il ne travaille pas habituellement.

Contrairement au tribunal, la cour du travail décide que « La durée de l’occupation, la régularité, le caractère récurrent des prestations et l’absence d’aléa dans la détermination du nombre d’heures et de jours prestés (7 heures par mois, essentiellement les lundis, sauf congés scolaires) ne correspondent pas à une activité occasionnelle).

L’arrêt cite notamment : C. trav. Bruxelles (8e chbre), 27 avril /2023, R.G. 2021/AB/511 (consultable sur www.terralaboris.be) et conclut que : « Cela suffit pour confirmer l’exclusion du droit aux allocations décidée par les trois décisions de l’ONEm ».

Concernant la sanction prise sur la base de l’article 71 de l’arrêté royal du 25.11.1991, la question est de savoir si M. A. devait compléter ses cartes de contrôle pour toutes les journées non travaillées mais couvertes par un contrat de travail.

La cour du travail décide que l’ONEm reste en défaut d’établir qu’une inscription susceptible d’être interprétée en ce sens figurait sur les cartes de contrôle de M. A. alors que, selon l’article 6 de la Charte de l’assuré social, « les institutions de sécurité sociale doivent utiliser, dans leurs rapports avec l’assuré social, quelle qu’en soit la forme, un langage compréhensible pour le public. On ne peut attendre d’un assuré social qu’il devine qu’une instruction veut en réalité dire le contraire de ce qu’elle dit ».

En conséquence, la cour du travail annule les décisions en ce qu’elles sont prises sur la base de cet article 71.

L’arrêt aborde ensuite la question de la récupération des allocations.

La cour relève que, dans ses conclusions d’appel, l’ONEm admet qu’il lui est possible, dans certaines conditions, de limiter la récupération des allocations indues mais n’explique pas pourquoi il n’a pas fait choix de cette possibilité dans le cas d’espèce.

Elle rappelle que depuis la Charte de l’assuré social, un assuré social de bonne foi ne doit en principe pas rembourser les prestations sociales accordées par une erreur de l’institution.

L’arrêt fait application de l’alinéa 3 de l’article 169 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 qui permet au chômeur d’établir qu’il n’a travaillé que certains jours ou certaines périodes afin de limiter la récupération aux jours ou périodes travaillés.

Il souligne que cette disposition n’est « pas une simple possibilité pour le juge : dès lors que la preuve des jours ou périodes travaillées est rapportée, la limitation doit être accordée « avec renvoi à M. SIMON, « Récupération des allocations de chômage », in Chômage, R.P.D.B., Larcier, 2021, p.433).

En l’espèce, M. A. prouve qu’il n’a travaillé que les jours pour lesquels il a biffé sa carte et n’a pas été indemnisé.

L’arrêt ajoute pour autant que de besoin qu’il est de bonne foi : il n’a jamais été contesté qu’il a informé son organisme de paiement de l’existence du contrat de travail dès sa première demande d’allocations et qu’il a mentionné sur sa carte de contrôle tous ses jours de prestations effectives.

Le timing interpelle également la cour du travail : M. A. n’a été contacté par l’ONEm qu’en juin 2020, soit à la fin de la période d’occupation, ce qui n’a pas permis à l’intéressé de régulariser la situation pour les périodes de l’année scolaire concernées par les deux décisions suivantes.

Or, son contrat d’engagement a nécessairement donné lieu à une DIMONA d’entrée aisément repérable par les institutions en charge de son dossier.

Enfin, la cour annule les sanctions prises sur la base de l’article 154, al. 1er, de l’arrêté royal, dans la mesure où elle a décidé que M. A. ne devait pas compléter ses cartes de contrôle pour les journées non travaillées

Intérêt de la décision

Cet arrêt est exemplatif des difficultés que peut rencontrer un chômeur qui accepte de bonne foi un emploi à temps partiel qui va être qualifié de volontaire parce que, pour une raison peu claire, il n’y a pas eu de demande d’allocations de garantie de revenus.

Ainsi que l’enseigne la Cour de cassation dans son arrêt du 20 mai 2019 (S.17.0004.F – précédemment commenté), ce travailleur ne peut prétendre à une allocation pour les heures pendant lesquelles il ne travaille pas habituellement.

La Cour de cassation a repris dans cet arrêt les principes contenus aux articles 44, 27, 1°, 29, §§ 2 et 2bis, ainsi que § 4, et 131bis, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 pour conclure qu’il suit du rapprochement de ces dispositions que, durant la durée de son occupation, le travailleur à temps partiel volontaire ne peut être tenu pour un chômeur complet au sens de l’article 27, 1°, b), de l’arrêté royal.


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