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Un bénéficiaire d’allocations de chômage peut-il être désigné gérant de société ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 avril 2024, R.G. 2022/AB/511

Mis en ligne le mercredi 13 novembre 2024


Cour du travail de Bruxelles, 24 avril 2024, R.G. 2022/AB/511

Terra Laboris

Résumé introductif

L’exercice d’un mandat d’administrateur dans une société commerciale est une activité pour son propre compte.

La circonstance que cette activité ne procure pas de revenus ne suffit pas à exclure le but lucratif.
Le cumul entre des allocations de chômage et l’exercice de ce mandat est donc en règle prohibé, sauf pour l’assuré social à entrer dans les conditions de l’article 48 de l’A.R. chômage.

En matière de chômage, la bonne foi est définie par l’absence de conscience du caractère indu du paiement.

Dispositions légales

  • A.R. 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage – article 48 et 169, al. 5.

Analyse

Faits de la cause

M. D., pilote de ligne, a demandé et obtenu le bénéfice des allocations de chômage temporaire à partir du 17 mars 2020 dans le contexte de la crise sanitaire.

Il avait, avec son épouse, constitué en février 2018, une SPRL dont il a été nommé administrateur le 20 août 2020, ce qu’il n’a pas déclaré à l’ONEm.

L’ONEm a décidé d’exclure M. D. du bénéfice des allocations de chômage temporaire à partir de la date de cette nomination, de récupérer les allocations indument perçues et de lui infliger la sanction d’avertissement.

Le tribunal du travail du Brabant wallon, division Nivelles, a confirmé cette décision et condamné M. D. à rembourser les allocations indument perçues.

La décision de la cour

La cour du travail a été saisie d’un recours recevable du chômeur.

Elle rappelle les principes applicables : l’exercice d’un mandat d’administrateur dans une société commerciale est une activité pour son propre compte.

Le but même de cette activité est lucratif (avec renvoi à Cass., 12 décembre 2016, S.13.0022.F sur Juportal) et la circonstance que cette activité ne procure pas de revenus ne suffit pas à exclure ce but lucratif (citant ici Cass., 3 janvier 2005, S.04.0091.F).

Le mandataire a une obligation légale de contrôle actif et de suivi à tout instant de la situation de la société.

Le cumul entre des allocations de chômage et l’exercice de ce mandat est donc en règle prohibé et n’est autorisé que dans les conditions de l’article 48 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, dont la première est la déclaration préalable.

La cour écarte ensuite la thèse du chômeur, qui soutenait qu’il s’était borné à envisager cette activité : outre la nomination comme administrateur avec effet immédiat, la cour relève notamment son affiliation à la caisse d’assurances sociales pour travailleurs indépendants et l’aveu qu’il avait aidé son épouse pour certaines tâches administratives.

C’est donc à bon droit que l’ONEm a pris la mesure d’exclusion.

La cour examine ensuite si la bonne foi de M. D. est établie, ce qui permettrait de limiter la récupération aux 150 derniers jours d’indemnisation.

Cette notion implique l’absence de conscience du caractère indu du paiement, la cour renvoyant à H. MORMONT (H. MORMONT, « La révision des décisions et la récupération des allocations », in Chômage, vingt ans d’application de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, E.P.D.S. 2011/5, pp 383 et 384) et à plusieurs arrêts de la 8e chambre de la Cour du travail de Bruxelles, dont celui du 28 mai 2014 (R.G. 2011/AB/1018 – précédemment commenté).

Elle répond affirmativement à cette question, en se fondant sur la période de crise sanitaire dans laquelle se sont succédé diverses réglementations, le caractère réduit de l’activité et son cadre familial, ainsi que l’absence de toute intention frauduleuse, ce qui a amené l’ONEm à ne prononcer qu’un avertissement.

L’arrêt confirme donc la décision d’exclusion mais fait droit à la demande de limitation de la récupération aux 150 derniers jours d’indemnisation compte tenu de la bonne foi de M. D.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision est de rappeler que tout mandat d’administrateur de société commerciale implique nécessairement l’exercice d’une activité et doit être déclaré à l’ONEm, ce qui pourrait permettre au chômeur de déterminer s’il peut l’exercer pendant son chômage.

Relevons également sur le sujet un autre arrêt très documenté, rendu par la Cour du travail de Liège, division Liège, le 31 octobre 2016 (C. trav. Liège (div. Liège), 31 octobre 2016, R.G. 2015/AL/179 – également précédemment commenté).


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