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Montant des allocations de chômage en cas de cumul avec une activité accessoire autorisée et devoir d’information de l’ONEm

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 26 octobre 2023, R.G. 2022/AL/454

Mis en ligne le mercredi 13 novembre 2024


Cour du travail de Liège (division Liège), 26 octobre 2023, R.G. 2022/AL/454

Terra Laboris

Dans un arrêt du 26 octobre 2023, la Cour du travail de Liège (division Liège) rappelle que, en cas d’exercice d’une activité accessoire, l’article 130, § 2, de l’arrêté royal organique précise que, lorsque ladite activité a été entamée ou arrêtée en cours d’année, le montant journalier du revenu est obtenu en divisant le revenu annuel par un nombre de jours proportionnel à la période durant laquelle l’activité a été exercée. Une mauvaise information donnée par l’ONEm quant à ce donne dès lors droit à des dommages et intérêts.

Faits de la cause

Mme G., admise aux allocations de chômage sur la base de ses études, a, le 28 juillet 2017, sollicité l’avantage de la mesure tremplin pour exercer l’activité de psychologue/coach en ligne, le revenu étant estimé à environ 4.000 € en brut et 3.000 € en net. Pour raisons familiales, elle a demandé à l’ONEm de postposer le début de son activité au 6 octobre 2017.

Mme G. s’est rendue à l’ONEm le 19 octobre 2017 pour demander des informations, les parties ne s’accordant pas sur le contenu de celles reçues et aucun PV de l’entretien n’étant fourni.

Par une décision du 26 octobre 2017, l’ONEm admet Mme G. au bénéfice des allocations de chômage à partir du 6 octobre 2017 et lui octroie le montant complet des allocations, une révision étant possible quand les revenus de l’activité accessoire seront connus. La décision indique que « le montant journalier est obtenu en divisant les revenus annuels nets par 312 » et donne l’exemple suivant : « 3.000 EUR/312=9,62 EUR », étant précisé que « (p)our l’instant, les revenus que vous percevez n’ont pas d’incidence sur le montant journalier de votre allocation ».

Entre le 6 octobre 2017 et le 31 décembre 2017, Mme G. a exercé son activité accessoire pendant 74 jours, pour un revenu imposable de 2.482,00 € et un revenu net de 2.188,40 €. Elle n’a pas exercé d’activité accessoire en 2018.

Lors de son audition en vue de la récupération d’une partie des allocations, Mme G. indique qu’elle ignorait que son revenu annuel serait divisé par 74 jours ouvrables et non par 312.

Par la décision soumise aux juridictions du travail, l’Onem l’exclut des allocations au taux plein du 6 octobre 2017 au 31 décembre 2017 et fixe le trop-perçu à 1.153,66 €.

Rétroactes

Mme G. a soumis cette décision au Tribunal du travail de Liège (division Verviers), invoquant la perte d’une chance suite à la mauvaise information de l’ONEm qui, reconventionnellement, a demandé sa condamnation à rembourser l’indu.

Par jugement du 16.9.2022, ce tribunal a débouté Mme G. de sa demande et condamné celle-ci à rembourser l’indu.

L’arrêt commenté

La cour du travail relève que, lorsque l’exercice d’une activité accessoire est autorisé par l’ONEm, l’article 48, § 1bis, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 impose l’application de l’article 130, § 2, de cet arrêté, qui précise que, lorsque ladite activité a été entamée ou arrêtée en cours d’année, « le montant journalier du revenu est obtenu en divisant le revenu annuel (…) par un nombre de jours proportionnel à la période durant laquelle l’activité a été exercée ».

Le calcul de l’ONEm, conforme à cette disposition, est donc entériné et l’appel de Mme G. est dit non fondé sur ce point.

Sur la demande de Mme G. contre l’ONEm, fondée sur la perte d’une chance due à l’information que lui a donnée cet organisme que, pour vérifier le plafond de l’article 130, on prenait en compte les revenus annuels nets imposables et que le montant journalier de ces revenus était divisé par 312, l’arrêt retient que la décision écrite individuelle indique clairement que le revenu allait être divisé par 312 sans aucune réserve et sans mention de proratisation.

Cette information était en tout cas incomplète et par conséquent fautive.

L’information étant claire, la chômeuse n’avait aucune raison de s’adresser à son organisme de paiement pour d’autres informations.

La perte d’une chance est un dommage spécifique qui se distingue de l’avantage qui a été perdu. Elle peut être définie comme la perte certaine d’un avantage probable, étant une grande partie des allocations de chômage.

Si elle avait eu l’information correcte, Mme G. aurait pu s’organiser en conséquence.

Quant au dommage, l’arrêt retient que Mme G. a obtenu un montant de 1.034,85 €, correspondant au revenu net de l’activité accessoire (2.188,40 €) moins la somme à rembourser (1.153,55 €) qu’elle n’aurait pas perçue si elle n’avait pas exercé l’activité.

Le dommage s’élève donc au maximum à 118,70 € (1.153,55 € - 1.034,85 €).

Estimant la probabilité que ladite chance se serait réalisée à 80%, la cour fixe le dommage qui, sans la faute de l’ONEm, ne se serait pas produit comme il s’est produit, à 94,96 € que cet organisme est condamné à payer à Mme G.

Intérêt de la décision

Dans le cas d’espèce, l’information incomplète se trouvait dans la décision d’octroi de l’ONEm, en sorte que la question de la répartition de l’obligation d’information entre cet office et l’organisme de paiement était aisée.

L’arrêt se réfère à ce propos à M. SIMON, « Institutions compétentes et responsabilité » in Chômage, Bruxelles, Larcier, 2021 pp.35-37 et la jurisprudence y citée.

Sur la perte d’une chance, l’arrêt cite notamment les conclusions très fouillées du ministère public avant l’arrêt de la Cour de cassation du 6 décembre 2013 (sur Juportal, C.10.0204.F).


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