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Chômage : exercice d’une activité professionnelle par le conjoint et taux des allocations

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 janvier 2024, R.G. 2022/AB/171

Mis en ligne le mercredi 13 novembre 2024


Cour du travail de Bruxelles, 24 janvier 2024, R.G. 2022/AB/171

Terra Laboris

La Cour du travail de Bruxelles rappelle dans un arrêt du 24 janvier 2024 que lorsque l’organisme de paiement a été informé mois par mois des revenus du conjoint de la chômeuse - dont la faible importance aurait permis le cumul avec ses allocations de chômage -, sa responsabilité est engagée lorsque, faute de déclaration préalable, ce cumul est interdit.

Les faits

Mme H. a perçu des allocations de chômage au taux travailleur ayant charge de famille à partir du 25 janvier 2013 sur la base du formulaire C1 du 25 janvier 2013 mentionnant que son époux, M. A., ne percevait qu’un revenu professionnel de 450 euros.

Dans un formulaire C1 du 26 octobre 2018, Mme H. a indiqué que son époux n’avait plus aucun revenu à partir du 1er octobre 2018.

Celui-ci a repris, le 8 novembre 2018, une activité salariée à temps partiel à raison de 10H par semaine.

Mme H. n’a pas fait la déclaration préalable requise mais a, à partir du mois de novembre, adressé à son organisme de paiement, avec ses cartes de chômage, les copies des fiches de paie de son époux.

Lors d’une consultation de la Banque carrefour de la sécurité sociale, l’ONEm a découvert ce travail salarié de M. A.

Invitée à se défendre sur cette situation, Mme H. a indiqué avoir téléphoné à son syndicat CSC suite à cette reprise.

Par une décision du 28 janvier 2021, l’ONEm a exclu Mme H. des allocations au taux travailleur ayant charge de famille et lui a accordé les allocations comme travailleur cohabitant, a décidé de récupérer les allocations perçues indûment à partir du 8 novembre 2018 et lui a infligé une sanction administrative de 13 semaines.

Mme H. a formé contre cette décision un recours recevable, l’organisme de paiement a fait intervention volontaire et l’ONEm a formé une action reconventionnelle visant à la condamnation de Mme H. au remboursement d’un indu de 19.419,02€.

La décision du tribunal

Par un jugement du 19 janvier 2022, la 17e chambre du Tribunal du travail francophone de Bruxelles a confirmé cette exclusion, limité la récupération aux 150 dernières allocations indûment perçues, dit pour droit que la CSC a commis une faute au regard des articles 3 et 4 de la Charte de l’assuré social et 24 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui engage sa responsabilité vis-à-vis de Mme H. au sens de l’article 1382 du Code civil et l’a en conséquence condamné à lui verser des dommages et intérêts correspondant au montant des 150 dernières allocations indûment perçues.

La sanction a été limitée à un avertissement.

L’action reconventionnelle de l’ONEm a été déclarée recevable et cet organisme a été invité à fournir un nouveau calcul des allocations indûment perçues.

L’appel

L’organisme de paiement a interjeté appel de cette décision, sollicitant à titre principal de dire l’action de Mme H. dirigée contre lui non fondée et, à titre subsidiaire, de constater que la responsabilité de l’ONEm est engagée à part égale avec la sienne et à prendre en charge la moitié de toutes les condamnations que la cour du travail prononcerait.

L’arrêt de la cour

La cour du travail confirme tout d’abord la décision d’exclusion du bénéfice des allocations de chômage : la déclaration préalable des revenus du conjoint doit être faite au plus tard au début de l’exercice d’une activité par celui-ci.

Faute d’avoir effectué cette déclaration, Mme H. n’a pas satisfait à une des conditions posées par l’article 60 de l’arrêté ministériel qui eût permis de neutraliser les revenus de son époux.

La décision administrative est donc confirmée sur le principe de l’exclusion du taux réservé au travailleur ayant charge de famille, ce qui n’était au demeurant pas contesté par Mme H.

L’ONEm n’ayant pas formé d’appel contre le jugement en ce qu’il a limité la récupération aux 150 derniers jours d’indemnisation et réduit la sanction à un simple avertissement, ces décisions sont confirmées.

Sur la responsabilité de l’organisme de paiement, l’arrêt retient que celui-ci a reçu de Mme H., dès le mois de novembre 2018, copie des fiches de paie attestant des revenus de son conjoint, ce qui était en contradiction avec la situation déclarée dans le formulaire C1 signé le 26 octobre 2018 et qu’il se devait donc d’informer Mme H. de son obligation de déclaration préalable.

Mme H. ne devait pas nécessairement savoir qu’elle devait à nouveau déclarer préalablement des revenus inférieurs au plafond fixé par l’article 60 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 alors que l’organisme de paiement disposait de toutes les données qui devaient l’amener à conseiller utilement la chômeuse.

L’arrêt décide ensuite qu’il ne peut être question d’un partage de responsabilité entre l’organisme de paiement et l’ONEm, ce type d’information et de conseil incombant à l’organisme de paiement en vertu de l’article 24 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

L’article 26 bis de l’arrêté royal ne prévoit une information subsidiaire de l’ONEm que lorsque la réponse à la demande d’information n’incombe pas à l’organisme de paiement, que le travailleur n’a pas encore fait choix d’un organisme ou est en litige avec celui-ci ou enfin si la réponse requiert une appréciation du directeur auquel un pouvoir d’appréciation discrétionnaire a été attribué.

Toutes les conditions autres que la déclaration préalable fixées par l’article 60 de l’arrêté ministériel étant réunies pour que Mme H. ait droit au taux de travailleur ayant charge de famille, le dommage qu’elle a subi est équivalent au montant à rembourser à l’ONEm.

L’appel de la CSC est donc déclaré non fondé.

Intérêt de la décision

Cet arrêt met une nouvelle fois en évidence le caractère incontournable de la déclaration préalable de la reprise d’un travail par le conjoint d’un.e chômeur.se.

A défaut, même si les faibles revenus du conjoint lui auraient permis de maintenir sa qualité de travailleur ayant charge de famille, cette qualité est perdue et la différence de taux récupérée.

La CSC (organisme de paiement), qui avait fait intervention volontaire devant le premier juge, a permis un débat contradictoire sur sa responsabilité, qui est retenue car il était admis qu’elle avait reçu de Mme H. la copie des fiches de paie de son mari jointes à ses cartes de chômage, ce qui contredisait sa déclaration récente sur l’absence de revenus dans le chef de ce dernier.

L’arrêt retient également que la chômeuse ne devait pas nécessairement savoir qu’elle devait faire une nouvelle déclaration préalable après une courte période où son conjoint était sans aucun revenu.

Dans la mesure où l’organisme de paiement a soutenu une responsabilité partagée avec l’ONEm, la cour du travail a été amenée à aborder la répartition des obligations d’information entre l’ONEm et l’organisme de paiement pour conclure à la seule responsabilité de ce dernier.


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