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Quand une demande de congé parental pour assistance médicale à un enfant hospitalisé se transforme en parcours du combattant

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 avril 2024, R.G. 2021/AB/651

Mis en ligne le mardi 26 novembre 2024


Cour du travail de Bruxelles, 18 avril 2024, R.G. 2021/AB/651

Terra Laboris

Résumé introductif

Si l’article 19 de l’AR du 2 janvier 1991 prévoit l’envoi de la demande d’interruption de carrière par lettre recommandée, cette formalité n’est pas requise à peine de nullité.

L’ONEm a mis sur pied un système d’envoi des demandes par voie électronique, recommandant ce mode d’envoi (feuille info T14).

En cas d’envoi par courrier simple, la charge de la preuve du respect des délais repose sur le travailleur.

Dispositions légales

  • Code judiciaire - article 582, 5° et 1347
  • Arrêté royal relatif à l’octroi d’allocations d’interruption – article 19

Les faits

Le 26 novembre 2019, M. B. a informé son employeur de son souhait de prendre un congé parental pour assistance médicale à son fils souffrant d’une maladie grave et étant hospitalisé.

Le document C61 - assistance médicale contient la justification médicale de cette situation et a été introduit à l’ONEm par l’employeur par voie électronique.

Cet organisme a, le 20 décembre, informé le demandeur que la partie « travailleur » du formulaire faisait défaut.

M. B. a le jour même scanné cette partie qu’il avait signée le 6 décembre et l’a adressée par e-mail à l’ONEm.

Celui-ci l’a, par courrier du 23 décembre 2019, invité à lui adresser les documents originaux par recommandé, ce que M. B. n’a pas fait.

Par courrier du 9 janvier 2020, l’ONEm a informé M. B. qu’il manquait sa signature sur le formulaire C61 et que le formulaire complété devait lui parvenir avant le 7 février pour que la demande soit accordée à la date sollicitée.

M. B. lui a envoyé le document par courrier simple au tout début du mois de février mais ce courrier est revenu dans sa boite aux lettres, ce dont il informe l’ONEm le 3 mars, lui adressant le C61 signé et sollicitant une prorogation de délai.

L’ONEm a invité M. B. à faire valoir les raisons de cette demande de prorogation puis, le 15 juin 2020 a refusé de lui accorder les allocations à la date demandée du 27 novembre 2019.

Le droit à ces allocations d’interruption lui a été reconnu à partir du 11 mai par une décision du 18 juin.

M. B. a introduit contre ce refus un recours déclaré recevable et fondé par le Tribunal du travail de Bruxelles dans un jugement du 12 mars 2021 notifié par pli judiciaire du 18 mars 2021.

Un appel a été interjeté par l’ONEm par requête du 8 septembre 2021.

La décision commentée

Sur la recevabilité de l’appel, la cour confirme sa jurisprudence : le litige est visé à l’article 582, 5° C.J. et n’est pas concerné par l’article 704 du même code, en sorte que la notification du jugement ne fait pas courir le délai d’appel (cfr not. l’arrêt de la même chambre du 23 février 2024, RG 2021/AB/340). Le jugement n’ayant pas été signifié, l’appel est recevable.

M. B. soutenait également que l’ONEm avait, en procédant à l’exécution provisoire du jugement, acquiescé à celui-ci, argument que la cour écarte : cette exécution a été faite en application de l’article 1347 du CJ et à la demande de M. B.

Sur son fondement, l’arrêt écarte tout d’abord le moyen de M. B. qui invitait la cour à prononcer la nullité de la décision : M. B. a bien été convoqué et a fait valoir par écrit ses moyens de défense.

La cour poursuit que, de l’instruction du dossier, il ressort notamment que :

  • M. B. a rempli la partie manuscrite du formulaire C61 et l’a remise à son employeur ;
  • l’employeur, via son secrétariat social, n’a pas utilisé ce document original complété par M. B. et a envoyé à l’ONEm la partie employeur du C61 par voie électronique, comme le prévoient les instructions de l’ONEm ;
  • l’ONEm a réceptionné ce document le 20 décembre 2019 et s’est adressé à M. B. par e-mail sur l’adresse professionnelle de l’employeur pour lui signaler que la partie travailleur faisait défaut ; M. B. a envoyé la partie scannée du C61 avec sa signature dès le 20 décembre ;
  • l’ONEm a demandé à M. B. d’envoyer les documents originaux par lettre recommandée.

M. B. a expliqué à la cour qu’il avait remis les originaux à son employeur et qu’ensuite il n’a plus eu accès à sa boite mail professionnelle, ayant quitté l’entreprise.

Il n’avait pas compris qu’une signature originale était requise mais a renvoyé le document à l’ONEm en apposant sa signature sur chaque page de celui-ci ; ce courrier est revenu dans sa boite aux lettres, ce qui explique que l’ONEm ne l’ait pas reçu avant la date limite du 7 février 2020.

La cour constate que, si l’article 19 de l’AR du 2 janvier 1991 prévoit l’envoi de la demande d’interruption de carrière par lettre recommandée, cette formalité n’est pas requise à peine de nullité ; l’ONEm a lui-même apporté un tempérament à cette obligation en mettant en place un système d’envoi des demandes par voie électronique et en recommandant ce mode d’envoi (feuille info T14). Cette feuille précise qu’en pratique, les envois par courrier simple sont acceptés, la charge de la preuve du respect des délais reposant alors sur le travailleur. Ce qui importe c’est que le travailleur prouve avoir adressé sa demande de manière complète et dans les délais.

La cour du travail constate que cette preuve est apportée, confirme, en conséquence, le jugement, annulant les décisions des 15 et 18 juin 2018.

Intérêt de la décision

Les décisions des premiers juges et de la cour condamnent dans le chef de l’ONEm un excès de formalisme qui nuit au but même de la mesure sollicitée, étant un congé pour assister un enfant gravement malade et hospitalisé, alors que l’envoi par recommandé n’est pas prescrit à peine de nullité.

Le cas d’espèce est aussi l’occasion de rappeler quelques règles de droit judiciaire.


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