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Absence de déclaration DIMONA : nature et calcul de la cotisation de solidarité

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 21 mars 2024, R.G. 2023/AN/82

Mis en ligne le vendredi 13 décembre 2024


Cour du travail de Liège (division Namur), 21 mars 2024, R.G. 2023/AN/82

Terra Laboris

Un arrêt de la Cour du travail de Liège (division Namur) du 21 mars 2024 rappelle le caractère indemnitaire de la cotisation de solidarité due en cas d’absence de déclaration DIMONA.

Les faits

Un travailleur indépendant exerçant une activité de dépannage automobile pour compte d’une compagnie d’assurances occupe deux ouvriers, le premier engagé à temps plein et un second, avec statut de travailleur intérimaire à temps partiel.

À l’occasion d’un incident survenu lors d’un dépannage, la police locale de Dinant constate que ce dernier n’est pas déclaré en DIMONA et qu’il est bénéficiaire d’allocations de chômage.

Une enquête est ouverte, à la requête de l’auditorat, et l’intéressé est auditionné le 25 février 2022, de même que le chef d’entreprise.

Il se confirmera par la suite qu’il n’y a pas de contrat d’intérim conclu pour la journée en cause. La société d’intérim n’effectuera de déclaration DIMONA qu’après l’audition de l’indépendant.

L’ONEM va dès lors dresser un Pro Justitia à l’encontre de ce dernier pour avoir fait appel à un travailleur bénéficiant d’allocations de chômage pour la journée correspondante, relevant que des précédents sont déjà intervenus, des procès-verbaux actant la même situation lors de deux journées auparavant dans le courant de l’année 2021.

L’O.N.S.S. va par la suite dans une première décision procéder à la régularisation d’office des rémunérations et prestations du travailleur, suivant les barèmes de la CP 112.

Une seconde décision réclame le paiement de la cotisation de solidarité (2 198,34 €) à augmenter des majorations et intérêts sur pied de l’article 22quater de la loi du 27 juin 1969. L’O.N.S.S. précise dans sa décision avoir calculé le montant de la cotisation de solidarité en se référant au travailleur déclaré à temps plein.

Deux recours sont introduits contre ces décisions, le premier en date du 10 mai 2022 et le second le 12 juillet 2022.

Rétroactes de procédure

Le tribunal du travail de Liège (division Dinant) a statué par jugement du 14 avril 2023.

Il a considéré que le travailleur était sous l’autorité du demandeur lors de la journée du dépannage en cause et qu’il n’était dès lors pas engagé par l’agence d’intérim. La DIMONA devait donc être faite.

Le tribunal a en conséquence, après avoir ordonné la jonction des deux causes, confirmé les décisions administratives.

Le demandeur originaire interjette appel.

Position de la partie appelante

L’appelant sollicite l’annulation de la décision de l’O.N.S.S. en ce qu’elle porte sur la requalification de la relation de travail et l’assujettissement d’office intervenu. Il considère en effet qu’il n’y avait pas de contrat de travail le liant au travailleur.

Il demande également le dégrèvement des cotisations et accessoires et conteste la cotisation de solidarité, au motif qu’il ne devait pas faire de déclaration DIMONA pour la prestation en cause, étant simple client de l’entreprise de travail intérimaire. Il considère que les sanctions en matière de non-respect de la législation sur l’intérim doivent être appliquées au travailleur intérimaire et à l’entreprise de travail intérimaire mais non à lui-même, simple client.

Enfin, il expose avoir régularisé complètement la situation vis-à-vis de cette société.

L’O.N.S.S. pour sa part conclut au non-fondement de l’appel, demandant la condamnation de l’appelant à l’indemnité de procédure d’appel (1 800 €). L’Office plaide que l’occupation du travailleur n’est pas contestable, vu les déclarations et le PV dressé par la police. Vu qu’il n’avait pas noirci sa carte de pointage, l’activité est non déclarée. En outre, l’entrepreneur est coutumier du fait. L’O.N.S.S. souligne encore que la régularisation est intervenue in tempore suspecto.

La décision de la cour

La cour reprend les dispositions pertinentes de la loi du 27 juin 1969 (article 2, 22bis et 22quater), rappelant le mécanisme relatif à cette cotisation, ainsi que son mode de calcul. Elle précise, renvoyant aux travaux préparatoires (Exposé des motifs de la loi-programme du 22 décembre 2008, Doc. Parl., Ch., Sess. Ord. 2008–2009, n° 52/1607/01, page 51), qu’elle a un caractère indemnitaire, visant à instaurer un mode particulier de réparation ou de restitution de nature civile. Elle est en effet créée dans l’intérêt du financement de la sécurité sociale, et ce afin de mettre fin à une situation contraire à la loi.

Cette cotisation est de 2 500 € (indexée) et peut être proratisée lorsque les services d’inspection constatent que le travailleur contrôlé était dans l’incapacité matérielle d’effectuer des prestations à temps plein (l’exemple étant donné d’un étudiant employé durant le week-end ou encore d’une personne employée à mi-temps ailleurs).

La cour souligne, renvoyant à un précédent arrêt (C. trav. Liège (div. Namur), 9 janvier 2018, R.G. 2016/AN/240), que cette mesure de réparation civile tend à indemniser le préjudice administratif subi par l’O.N.S.S. du fait de la non-déclaration de certaines prestations par la déclaration immédiate de l’emploi.

Elle rappelle encore, dans les principes sur la question, l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 1er mars 2012 (C. Const., 1er mars 2012, n° 28/2012), qui confirme que cette cotisation n’a pas de fonction répressive, car elle s’explique par le souci du législateur de réparer un dommage évalué forfaitairement.

La condition de la débition de cette cotisation est, bien entendu, que l’occupation entre dans le champ d’application de la loi du 27 juin 1969, c’est-à-dire qu’il y ait contrat de travail (ou assimilation ou extension prévue par le texte), ce qui implique la réunion des éléments constitutifs de celui-ci.
La cour constate que ceux-ci sont réunis en l’espèce et que le montant des cotisations a été correctement calculé.

Étant la partie succombante, l’appelant est condamné aux dépens d’appel, étant l’indemnité de procédure de 1 800 €, à majorer de 68 € à titre de contribution au Fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.

Intérêt de la décision

Comme rappelé par la cour du travail dans l’arrêt commenté, la cotisation de solidarité à un caractère purement indemnitaire, ce qui a été confirmé dans l’arrêt du 1er mars 2012 de la cour constitutionnelle. Elle n’a pas de fonction répressive, s’agissant de réparer forfaitairement le préjudice subi par l’O.N.S.S. du fait de l’absence de déclaration DIMONA.

L’article 22quater de la loi du 27 juin 1969 confirme la volonté du législateur de renoncer à des cotisations sociales pour des prestations de travail qui n’ont pas donné lieu à des constatations matérielles effectives, et ce eu égard aux exigences de preuve. Ainsi que rappelé par la Cour du travail de Bruxelles dans un arrêt du 23 mai 2018 (R.G. 2017/AB/373), il a préféré le mécanisme de dédommagement forfaitaire, celui-ci étant fondé sur une présomption légale.

Dans un arrêt plus récent du 24 mai 2023 (C. trav. Bruxelles, 24 mai 2023, R.G. 2021/AB/402), la Cour du travail de Bruxelles a confirmé que cette cotisation n’a pas un caractère pénal au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et que le principe « non bis in idem » ne peut être appliqué, non plus que celui de l’octroi d’un sursis (total ou partiel).


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