Commentaire de Cass., 7 octobre 2024, n° S.22.0024.F
Mis en ligne le mercredi 12 mars 2025
Cour de cassation, 7 octobre 2024, n° S.22.0024.F
Terra Laboris
Résumé introductif
L’article 7 de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés (tel que modifié par l’arrêté royal du 19 décembre 2017) a pour objectif d’harmoniser les conditions de la prise en compte des périodes d’études pour le calcul de la pension.
Les grades délivrés par l’enseignement supérieur de promotion sociale en Communauté française qui sont de niveau équivalent à ceux de l’enseignement supérieur de plein exercice constituent des diplômes de l’enseignement non universitaire de plein exercice au sens de cette disposition.
Dispositions légales
Analyse
Faits de la cause
La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi du Service Fédéral des Pensions contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Mons le 9 mars 2022 (2021/AM/119 – inédit).
L’affaire concerne une demande d’assimilation, en application de l’article 7 de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés, de période d’études, étant celle ayant abouti à l’obtention d’un diplôme de graduat en marketing management.
Il s’agit d’un diplôme de gradué en marketing de l’enseignement supérieur économique de promotion sociale de type court.
Suite au refus du SFP, l’intéressé introduisit un recours devant le Tribunal du travail du Hainaut, division Mons, qui y fit droit.
L’arrêt de la Cour du travail de Mons
L’appel du SFP a été rejeté par l’arrêt (attaqué) de la Cour du travail de Mons du 9 mars 2022, qui a confirmé le jugement dans toutes ses dispositions.
La cour du travail a d’abord examiné la régularité de la décision au regard de l’article 13, alinéa 1er de la Charte de l’assuré social (obligation de motivation) ainsi que des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs (obligation de motivation formelle).
Elle a rappelé qu’il appartient au juge du fond d’apprécier en fait si la motivation de la décision est adéquate, ce défaut de motivation constituant un motif, non d’octroi des prestations, mais d’annulation de la décision. Elle a rapproché les deux dispositions, rappelant qu’en cas de non-respect de la loi du 29 juillet 1991 le juge a un contrôle de pleine juridiction et va se substituer à l’autorité administrative. Il appréciera ainsi le droit dont l’assuré social est privé, en examinant si les conditions en sont remplies.
La cour a sur cette question constaté une référence erronée dans le fondement juridique de la décision, un arrêté royal du « 29/12/2017 » étant invoqué alors qu’il devait s’agir de celui du 19 décembre 2017. Cette erreur suffit à entraîner l’annulation pour défaut de motivation formelle.
Sur le droit de l’intéressé à obtenir l’assimilation de la période d’études, la cour du travail a estimé qu’un grade de bachelier obtenu dans l’enseignement supérieur de promotion sociale est équivalent à un grade identique obtenu dans l’enseignement supérieur de plein exercice. Le diplôme obtenu par l’intéressé est un diplôme de gradué en marketing management, titre qui a été transformé en « bachelier », de telle sorte que l’équivalence est établie. L’assuré social était donc en droit de revendiquer la valorisation de ses études.
Le pourvoi
Le premier moyen du pourvoi porte sur l’annulation de la décision administrative pour défaut de motivation formelle.
Pour le demandeur en cassation, s’il existait une erreur quant à la date de l’arrêté royal, il était cependant fait mention, dans la motivation de la décision elle-même, de l’arrêté royal « qui définit les modalités pratiques de la régularisation » (arrêté qui ne mentionne pas les études de promotion sociale). Ces éléments ne pouvaient permettre à la cour du travail de conclure que l’intéressé ne pouvait connaître les motifs de la décision le concernant. Il y avait ainsi une erreur matérielle quant à la date mais les motifs de la décision étaient adéquats non seulement quant à l’objet de la base juridique mais également sur la raison du refus de régularisation.
Le moyen du pourvoi s’appuie également sur la loi du 29 juillet 1991, considérant que la motivation formelle ne se confond, en principe, pas avec les motifs mais concerne la légalité externe de l’acte. Il rappelle que la Cour de cassation opère un contrôle marginal de la décision du juge au regard de la notion légale d’obligation de motivation incombant aux autorités (renvoyant à Cass., 22 mai 2008, F.06.0077.N). Il conclut ici également à l’existence d’une erreur matérielle quant à la date, les motifs de la décision indiquant cependant de manière adéquate l’objet de la base juridique et la raison du refus.
Le pourvoi développe également un second moyen, tiré de l’article 7 de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 tel que modifié par l’article 1er de celui du 19 décembre 2017.
Le SFP considère ici que les diplômes obtenus dans le cadre d’études de promotion sociale ne sont pas des diplômes obtenus dans celui de formations de plein exercice et qu’ils ne peuvent pas être régularisés. La décision administrative a donc été prise en conformité avec la législation. Il fait ainsi grief à la cour du travail d’avoir estimé qu’il s’agissait d’apprécier l’équivalence d’un diplôme et non d’un type d’établissement. Il conclut à la violation de l’article 7 de l’arrêté royal du 21 décembre 1967, la régularisation des études sanctionnées par un diplôme ayant pour objectif de viser les périodes d’études donnant lieu à un diplôme accordé au terme d’études supérieures de l’enseignement supérieur de plein exercice, ce qui exclut implicitement mais certainement des périodes d’études accomplies dans le cadre de la promotion sociale.
La décision de la Cour de cassation
Sur le premier moyen, la Cour énonce brièvement que la constatation par la juridiction du travail de la nullité de la décision du SFP pour non-respect de la motivation formelle est sans incidence sur le pouvoir de cette juridiction de statuer sur le droit du travailleur salarié à cette assimilation. Sa décision d’examiner le droit de l’assuré social à cette assimilation est ainsi légalement justifiée par un motif de droit déduit des articles 144 et 145 de la Constitution. Le premier moyen est dès lors jugé irrecevable.
Quant au second moyen, il résulte, pour la Cour, de l’article 7 de l’arrêté royal et des travaux préparatoires de la loi du 2 octobre 2017 que la volonté du législateur est d’harmoniser les conditions de la prise en compte des périodes d’études pour le calcul de la pension, l’article 2, § 2, 7°, a) de la même loi s’appliquant aux pensions du secteur public et l’arrêté royal du 21 décembre 1967 (article 7, § 1er, alinéa 2, 1°, a) visant les diplômes de l’enseignement universitaire ou non universitaire de plein exercice.
Renvoyant à l’article 47, § 1er, du Décret de la Communauté française du 16 avril 1991 organisant l’enseignement de promotion sociale, la Cour conclut que les grades délivrés par l’enseignement supérieur de promotion sociale en Communauté française qui sont de niveau équivalent à ceux de l’enseignement supérieur de plein exercice constituent des diplômes de l’enseignement non universitaire de plein exercice au sens de l’article 7, § 1er, alinéa 2, 1°, a) en cause.
Elle rejette dès lors le pourvoi.