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Le droit au congé parental ne peut être réduit en cas de maladie ou de congé de maternité

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 30 août 2024, R.G. 2022/AB/422

Mis en ligne le mercredi 12 mars 2025


Cour du travail de Bruxelles, 30 août 2024, R.G. 2022/AB/422

Terra Laboris

Résumé introductif

Le congé parental et le mi-temps médical ont des finalités différentes : le congé parental permet au travailleur de s’occuper de son enfant alors que les prestations réduites pour raisons médicales facilitent la réadaptation du travailleur à un rythme normal de travail.

L’article 2, § 1er, de l’arrêté royal du 29 octobre 1997, qui prévoit les diverses modalités de congé parental, fait référence parmi les conditions d’octroi à l’occupation du travailleur à temps plein. Cette notion doit être interprétée comme visant l’existence du contrat à temps plein, sans que ne soit prise en compte la réduction de prestations, en l’occurrence pour un mi-temps médical.

Le droit européen interdit, par ailleurs, la réduction du droit au congé parental en cas de maladie ou en cas de congé de maternité.

Dispositions légales

  • Arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de la carrière professionnelle – articles 2 et 4
  • Loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales - articles 100 et 102
  • Loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail - articles 31 et 31/1
  • Directive 2010/18/UE du 8 mars 2010 du Conseil portant application de l’Accord-cadre révisé sur le congé parental et abrogeant la directive 96/34/CE

Analyse

Faits de la cause

Une employée a été engagée pour le compte d’un C.P.A.S. à temps plein.

Elle travaille en mi-temps médical depuis septembre 2020.

Elle envisage de prendre un congé parental (1/10e) et prend contact avec l’ONEM à cet effet, exposant qu’elle est en mi-temps médical équivalent temps plein.

La réponse que lui fait l’ONEm par e-mail du 20 janvier 2021 est positive, son contrat étant un temps plein.

L’intéressée informe son employeur.

Elle introduit dès lors la demande auprès de l’ONEm, s’agissant de l’octroi d’un congé parental avec allocations sous la forme d’une suspension de 1/10e des prestations. La période va du 1er avril 2021 au 30 septembre 2023.

Les informations données par l’employeur confirment le temps plein (37,5 heures par semaine – qui est le régime de travail à temps plein pour la catégorie de travailleurs), l’intéressé restant occupée à raison de 15 heures par semaine pendant le congé demandé.

Un échange de courrier intervient entre l’ONEm et le C.P.A.S. Celui-ci demande la confirmation écrite de la réponse définitive, les renseignements donnés téléphoniquement n’étant pas conformes aux réponses faites à l’intéressée, l’ONEm ayant précisé au C.P.A.S. que celle-ci devait « prester » à temps plein, ce qui faisait, en l’espèce, obstacle au congé vu l’existence de mi-temps médical.

L’ONEm a alors notifié que l’intéressée devait, pour bénéficier du congé parental, mettre fin à son mi-temps médical et qu’en outre « dans le cadre d’un congé parental 1/10, il faut que le travailleur soit occupé habituellement à temps plein et le travailleur doit effectivement prester 1/10 de ce temps plein pendant toute la durée du congé parental », ce qui, sur un horaire habituel de 37 heures 30 par semaine (hors mi-temps médical) impliquerait des prestations de 33 heures 45 pendant toute la durée du congé parental.

L’ONEm prit alors une décision le 3 avril 2021, refusant le droit au congé parental, sur pied de l’article 2, § 1er, de l’arrêté royal du 29 octobre 1997. La motivation suit l’explication ci-dessus, l’intéressée n’étant pas occupée à temps plein.

Un recours a été introduit devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles le 8 juillet 2021.

Le jugement du tribunal du travail

Celui-ci a statué par jugement du 19 avril 2022, faisant droit à la demande d’annuler la décision de l’ONEm et disant pour droit que l’intéressée peut bénéficier d’un congé parental sous la forme d’une suspension de 1/10e de ses prestations.

L’ONEm interjette appel.

La décision de la cour

Le cadre légal, ainsi que le rappelle la cour, est l’arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de la carrière professionnelle.

Son article 2 prévoit en son § 1er les diverses modalités autorisées de congé parental, celles-ci renvoyant à l’article 100 de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales. Celles-ci peuvent être la suspension de l’exécution du contrat pendant une période de quatre mois (celle-ci pouvant être fractionnée par mois) ou la poursuite à temps partiel sous diverses formes, dont celle sollicitée par la demanderesse originaire, étant la réduction de 1/10e des prestations durant une période de 40 mois (avec référence à l’article 102 de la même loi), étant ici exigé que le travailleur soit occupé à temps plein et ait obtenu l’accord de l’employeur (un fractionnement est ici également possible).

Une autre condition est mise (article 4), étant que le travailleur doit avoir été dans les liens d’un contrat de travail pendant 12 mois au cours des 15 mois précédant l’avertissement écrit.

En l’occurrence, la condition d’ancienneté est remplie, le refus de l’ONEm étant fondé exclusivement sur l’existence du mi-temps médical, qui selon lui ne permettrait pas de remplir la condition d’occupation à temps plein.

C’est dès lors cette notion qu’il faut, pour la cour du travail, interpréter : est-ce l’horaire normal mentionné dans le contrat ou le nombre d’heures effectivement presté au moment de la demande ?

La cour relève que l’article 2, § 1er, ne précise pas que l’occupation doit être effective.
Cette disposition ne contient cependant pas d’autre éclaircissement à cet égard.

Elle renvoie dès lors à la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, dont les articles 31 et 31/1 visent l’exécution du contrat et non le contrat lui-même.

Il découle de l’article 31/1 qu’en cas de mi-temps médical le contrat se poursuit mais est temporairement aménagé ou temporairement modifié. L’occupation à temps plein n’est nullement modifiée malgré les prestations réduites.

La cour souligne encore que les congés ont une finalité différente, le congé parental étant organisé afin de permettre au travailleur de s’occuper de son enfant et les prestations réduites pour raisons médicales ayant pour objet de permettre la réadaptation du travailleur à un rythme normal de travail.

La cour fait encore un détour par le droit européen, la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010 du Conseil portant application de l’Accord-cadre révisé sur le congé parental et abrogeant la directive 96/34/CE (applicable jusqu’au 1er août 2022) prévoyant un droit individuel à un congé parental en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant.

La cour rappelle un jugement rendu par le Tribunal du travail de Liège (Trib. trav. Liège (division Liège), 27 mars 2017, R.G. 428 650), qui a jugé que le droit au congé parental ne peut être mis en cause par des dispositions nationales prévoyant l’exclusion de la constitution ou de la naissance de ce droit et que ceci vaut pour les dispositions nationales lorsque le travailleur en congé de maladie ne pourrait pas être en mesure d’exercer son droit au congé parental.

La cour souligne également que la situation de cumul entre ces deux congés a été examinée au niveau européen. Ainsi, en cas de congé de maternité, où, dans un arrêt du 14 avril 2005 (C.J.U.E., 14 avril 2005, Commission c/ Luxembourg, C-519/03), la Cour enseigne que le congé de maternité ne peut pas mettre fin et se substituer au congé parental en ne laissant à la travailleuse aucune possibilité de reporter la partie du congé dont elle n’a pas pu bénéficier (renvoi est ici fait à F. VERBRUGGE, « Le dédale juridique du congé parental : CCT numéro 64 ou arrêté royal du 29 octobre 1997 ? », Ors., 2015/5, page 10).

La cour cite également un arrêt antérieur de la Cour de justice (C.J.C.E., 20 septembre 2007, Aff. n°116/06, Chron. Dr. soc., 2008, page 303, note J. JACQMAIN), qui a reconnu le droit pour la travailleuse à suspendre son congé parental (qui est alors reporté) afin de prendre son congé de maternité, pour lequel l’indemnisation prévue était plus importante.

La conclusion de la cour est que le droit au congé parental ne peut être réduit en cas de maladie ou de congé de maternité.

La décision de l’ONEM est dès lors annulée.


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