Commentaire de C. trav. Bruxelles, 10 septembre 2024, R.G. 2022/AB/474 et 2022/AB/475
Mis en ligne le vendredi 28 mars 2025
Cour du travail de Bruxelles, 10 septembre 2024, R.G. 2022/AB/474 et 2022/AB/475
Terra Laboris
Résumé introductif
L’article 28 § 2, de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants, en vertu duquel les prestations sont refusées pour la période couverte par la prestation financière dans le cadre du droit passerelle, s’applique également aux indemnités de maternité.
À défaut de définition spécifique, la notion de « période complète », visée à la disposition, doit s’interpréter conformément au droit commun. Le cumul des deux prestations est dès lors interdit.
Dispositions légales
Analyse
Faits de la cause
Une travailleuse indépendante accouche le 3 avril 2020.
Elle introduit auprès de son organisme assureur une demande d’indemnités de maternité dans le régime des travailleuses indépendantes.
Ne pouvant prendre ses 12 semaines de congé de maternité, elle communique à sa mutuelle les périodes exactes de repos. Il s’agit des trois premières semaines obligatoires, la suite du congé étant entrecoupée de périodes de reprise.
Lors de la crise liée au COVID-19, elle demande un droit passerelle pour travailleurs indépendants.
Elle bénéficie ainsi, entre avril et juin 2020, soit d’indemnités de maternité soit d’allocations droit passerelle.
Le 17 juin 2021, son organisme assureur lui réclame le remboursement d’un montant de l’ordre de 740 €.
Une seconde décision intervient le 8 décembre 2021, ajoutant celui de 92,5 €.
Un recours est introduit contre ces deux décisions.
La décision du tribunal
Par jugement du 7 juin 2022, le tribunal a joint les causes et a fait droit à la position de la demanderesse.
L’organisme assureur interjette appel.
La décision de la cour
La cour rappelle qu’en vertu de l’article 28, § 2, de l’arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur des travailleurs indépendants et des conjoints aidants, tel qu’en vigueur à l’époque, les prestations sont refusées pour la période couverte par la prestation financière mensuelle octroyée en vertu du chapitre 3 de la loi du 23 mars 2020 modifiant la loi du 22 décembre 2016 instaurant un droit passerelle en faveur des travailleurs indépendants et introduisant les mesures temporaires dans le cadre du COVID-19 en faveur des travailleurs indépendants.
L’article 99 du même arrêté royal prévoit quant à lui que, dans la mesure où il n’y est pas dérogé, les dispositions du titre I qui concernent l’incapacité de travail sont applicables en ce qui concerne l’assurance maternité. Il en résulte que l’article 28 § 2, trouve également à s’appliquer aux indemnités de maternité.
La cour rappelle ensuite la finalité du droit passerelle organisé par la loi du 22 décembre 2016, modifiée par celle du 23 mars 2020 ci-dessus.
Elle reprend la position de la mutuelle, qui découle d’une note de l’INAMI du 15 mai 2020 (B7 2020/08). Celle-ci prévoit que lorsque l’incapacité de travail n’a pas encore commencé au début du mois calendrier mais qu’elle débute au cours de celui-ci et se poursuit par après et que l’assuré, pour le même mois, bénéficie également de l’allocation financière dans le cadre du droit passerelle de crise, il n’a pas droit aux indemnités d’incapacité pour le mois en cause, dans la mesure où il peut être déduit que l’événement sur la base duquel le droit passerelle de crise est invoqué existait avant la survenance du risque. Le droit aux indemnités d’incapacité existe cependant à partir du début du mois calendrier suivant.
L’intéressée ayant bénéficié du droit passerelle en avril, elle n’est, pour la mutuelle, pas fondée à obtenir les indemnités d’incapacité pour les jours d’avril qui tombent après la période pendant laquelle elle a bénéficié du droit passerelle. En ce qui concerne le mois de mai, pendant lequel elle a perçu les allocations de droit passerelle du 14 au 20, elle ne peut bénéficier des indemnités d’incapacité pour les jours de ce mois postérieurs à cette période.
Par conséquent, deux périodes en avril et mai ont été indemnisées à tort dans le cadre des indemnités de maternité. La mutuelle considère également que les indemnités de droit passerelle sont prioritaires par rapport aux indemnités de maternité.
La cour rencontre cette argumentation, précisant immédiatement qu’elle ne la partage pas, la note interne du comité de gestion de l’INAMI déposée par la mutuelle étant sans fondement légal. Elle renvoie à l’article 86 § 3, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, qui confie au Roi le soin de fixer les conditions dans lesquelles l’assurance est applicable, ainsi que l’importance des indemnités payées et le montant de la subvention de l’État. L’arrêté royal ne contient aucune délégation de compétence à l’INAMI.
En ce qui concerne la notion de « période complète », la cour conclut, à défaut de définition spécifique, à l’application du droit commun. Il en découle que ce qui est interdit est le cumul des indemnités de maternité avec le bénéfice des dispositions de la loi du 23 mars 2020.
Pour la période litigieuse, la cour constate que l’intéressée n’a pas perçu d’intervention financière dans le cadre des mesures prises suite à la crise du COVID-19, aucune période n’étant ainsi couverte à ce titre.
Elle est par conséquent en droit de percevoir les indemnités de maternité, étant entendu par ailleurs que la mutuelle ne conteste pas qu’elle remplit les autres conditions d’octroi.