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Notion de « catégorie de personnel » en matière de pensions complémentaires

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 septembre 2024, R.G. 2020/AB/451

Mis en ligne le samedi 29 mars 2025


Cour du travail de Bruxelles, 3 septembre 2024, R.G. 2020/AB/451

Terra Laboris

Résumé introductif

En matière de pensions complémentaires, la notion de « catégorie de personnel » a été définie en jurisprudence comme un groupe homogène de travailleurs, auquel il est justifié d’accorder les mêmes avantages complémentaires de sécurité sociale, déterminés en fonction de la nature de leur travail ou du niveau de responsabilité ou encore d’autres critères plus stricts, comme un régime spécifique de rémunération.

Dispositions légales

  • Loi du 28 avril 2003 relative aux pensions complémentaires et au régime fiscal de celle-ci et de certains avantages complémentaires en matière de sécurité sociale - article 14, § 1er
  • Code judiciaire - article 1022, alinéa 3

Analyse

Rétroactes

La Cour du travail de Bruxelles a rendu en cette affaire un premier arrêt en date du 13 février 2024 (précédemment commenté).

Un bref rappel des faits figure ci-après, étant pour le surplus renvoyé au commentaire de l’arrêt du 13 février 2024.

Un employé supérieur d’un organisme bancaire avait été licencié et, peu avant la rupture, des discussions étaient intervenues avec son employeur à propos de l’assurance de groupe en faveur du personnel de direction, dont les conditions avaient évolué au fil du temps.

Il avait réclamé une prime de l’ordre de 395 000 €, ce qui fut contesté par l’employeur.

Il introduisit dès lors une procédure judiciaire.

Le premier juge avait par jugement du 17 juin 2020 débouté l’employé au motif qu’il ne prouvait pas se trouver dans une situation comparable à un directeur de banque ou à une autre catégorie visée par le contrat, s’agissant de personnel transféré d’une autre société.

Le tribunal avait rejeté l’existence d’une discrimination interdite par l’article 14, § 1er, de la loi du 28 avril 2003 relative aux pensions complémentaires et au régime fiscal de celle-ci et de certains avantages complémentaires en matière de sécurité sociale.

L’arrêt du 13 février 2024

La cour reprend dans cet arrêt le cadre légal, dont la définition d’affilié (étant le travailleur qui appartient à la catégorie de personnel pour laquelle le régime de pension a été instauré et qui remplit les conditions d’affiliation ou pour lequel un engagement individuel de pension a été conclu ou encore l’ancien travailleur qui continue à bénéficier de droits actuels ou différés).

Elle se penche également sur l’article 14 de la loi, qui interdit toute forme de discrimination, relevant qu’il s’agit d’une disposition « ouverte ».

La question se pose cependant de la notion de « catégorie de personnel ».

Celle-ci a été définie en jurisprudence comme un groupe homogène de travailleurs, auquel il est justifié d’accorder les mêmes avantages complémentaires de sécurité sociale, déterminés en fonction de la nature de leur travail ou du niveau de responsabilité ou encore d’autres critères plus stricts, comme un régime spécifique de rémunération.

La cour s’estime en l’espèce insuffisamment informée quant aux fonctions et responsabilités réelles de l’appelant – dont elle avait noté qu’il participait au comité de direction – et ordonne la réouverture des débats sur ces points ainsi que sur les règles de fonctionnement de ce comité de direction, les statuts de la banque et les liens hiérarchiques. Elle demande encore une analyse du personnel de direction lors des élections sociales de 2008, 2012 et 2016.

L’arrêt du 3 septembre 2024

L’arrêt procède d’abord au rappel de la décision du 13 février, après quoi la cour reprend la discussion, rappelant que le règlement écarte les sous-directeurs, ce qui est le grade de l’intéressé.

La cour procède cependant à diverses vérifications afin de voir si malgré tout l’appelant n’entre pas dans le champ d’application de celui-ci. Sont en effet visés de manière spécifique les membres du personnel de direction transférés d’une autre société (société italienne en l’occurrence), pour lesquels l’exclusion ne vaut pas.

L’appelant plaidant que son grade n’a volontairement pas été adapté après le transfert, et ce afin qu’il ne puisse entrer dans la catégorie de personnel visée, la cour examine la question sous l’angle d’une éventuelle discrimination, étant de vérifier si sa situation est comparable à celle d’un bénéficiaire du règlement identifié.

Elle précise que si une telle discrimination existait, il conviendrait alors d’examiner s’il y a une justification objective à la différence de traitement.

Après examen des pièces produites par les parties, elle aboutit à la conclusion qu’il n’y a pas discrimination, au motif que les deux intéressés ne se trouvaient pas dans une situation comparable.

L’autre employé, en effet, en plus d’être responsable d’une division de l’établissement, était directeur général adjoint, soit le numéro deux de la banque, alors que l’appelant ne jouait aucun rôle au niveau de la direction générale, n’ayant pas de pouvoirs particuliers en dehors de sa division.

La cour passe ensuite en revue les tâches et responsabilités de la direction générale, qui sont bien réelles, le titre n’étant pas seulement honorifique.

Elle constate également qu’au niveau de l’organigramme le directeur général adjoint est au même niveau que le directeur général et à un niveau supérieur par rapport au directeur de division de l’entreprise (ce qui est le cas de l’appelant.).

D’autres éléments sont encore repris, notamment au niveau de la responsabilité financière.

Même si la situation pouvait paraître à première vue ambigüe, essentiellement eu égard à la participation de l’intéressé au comité de direction, il ne se trouvait pas dans une situation comparable en termes de fonctions et de responsabilités au membre du personnel qui a bénéficié de l’assurance de groupe.

La cour rejette dès lors la demande, confirmant la décision du premier juge.

Elle ne vide cependant pas sa saisine, constatant que les dépens, vu la tranche dans laquelle se situe la demande, sont élevés (18 900 € au total). Conformément à l’article 1022, alinéa 3, du Code judiciaire, elle interpelle les parties à cet égard et ordonne une nouvelle réouverture des débats limitée à cette seule question.


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