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Un congé parental peut-il être accordé en cas de décès de l’enfant ?

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 18 juin 2024, R.G. 2023/AN/51

Mis en ligne le jeudi 10 avril 2025


Cour du travail de Liège (division Namur), 18 juin 2024, R.G. 2023/AN/51

Terra Laboris

Résumé introductif

Le droit au congé parental est un congé thématique qui poursuit un objectif précis : s’occuper de l’enfant pour lequel il est demandé.

Le congé ne peut être accordé que pour prendre soin de l’enfant qui ouvre le droit, seule la présence effective d’un enfant en bas âge dans le ménage permettant d’ouvrir le droit à celui-ci. En cas d’adoption, il n’est d’ailleurs ouvert qu’une fois que l’enfant est inscrit à l’adresse des parents.

En cas de décès d’un enfant, le droit à ce congé est perdu et ne peut être exercé pour s’occuper des autres enfants du ménage.

Dispositions légales

  • Arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de la carrière professionnelle - articles 2, § 1, 3, § 1, 4, 5, et 6
  • C.C.T. n° 64 instituant un droit au congé parental – article 1er

Analyse

Faits de la cause

Une maman de trois enfants nés respectivement travaille comme employée de pharmacie. Un de ses enfants est décédé quelques jours après la naissance (4 janvier 2019).

En 2021, elle demande à l’ONEm si elle peut bénéficier d’un congé parental suite à la naissance de cet enfant, expliquant qu’elle entend pouvoir mettre ce congé à profit pour ses autres enfants.

Des échanges ont ensuite lieu avec l’ONEm, qui ne répond pas, la demande initiale aayant été égarée. En fin de compte, l’intéressée complète le formulaire ad hoc et demande une réduction des prestations d’un cinquième temps pour la période du 1er janvier 2022 au 31 octobre 2022, ce congé parental étant lié à sa fille décédée.

Si un premier courrier répond positivement, une seconde lettre de l’ONEM informe l’intéressée qu’elle ne remplit pas les conditions, vu le décès. L’ONEM lui demande si elle souhaite prendre ce congé pour un autre enfant.

Le dossier ayant été transmis à l’administration centrale, une réponse intervient le 17 janvier 2022, refusant le congé. L’ONEm se fonde sur les articles 2, § 1, et 3, § 1, de l’A.R. du 29.10.1997, exposant que le motif réglementairement prévu par l’article 2 pour ouvrir le droit au congé parental n’existe plus vu le décès de l’enfant.

À la suite de ceci, l’intéressée sollicite le bénéfice d’un autre congé parental, et ce pour un autre enfant, qui est accepté.

Un recours est néanmoins introduit devant le tribunal du travail de Liège division Namur.

La décision du tribunal du travail

Par jugement du 2 mars 2023, le tribunal du travail a débouté la demanderesse de son action.

Elle interjette appel.

L’appel

La mère demande à pouvoir bénéficier du congé parental ouvert par l’enfant décédé ainsi que le paiement d’une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts au motif de l’existence d’une faute dans le chef de l’ONEM, qui n’a pas donné suite à sa première demande (articles 3, 4 et 6 de la Charte de l’assuré social).

Le dossier a en effet été transmis à l’administration centrale aux fins d’obtenir une position nationale sur la question, mais l’ONEm a fait, pour l’appelante, preuve d’un manque total d’intérêt. D’autres manquements sont encore pointés sur le plan du traitement du dossier sur le plan administratif.

Quant aux motifs du refus, l’appelante expose que les conditions des articles 3, 4, 5 et 6, de l’arrêté royal du 29 octobre 1997 sont remplies. Il s’agit d’un congé parental en raison de la naissance de son enfant, congé qui peut être pris jusqu’à ce qu’il atteigne son douzième anniversaire ; la demanderesse a été pendant la période requise (12 mois au cours des 15 mois précédant l’avertissement écrit) dans les liens d’un contrat de travail ; les documents relatifs à la naissance de l’enfant qui ouvre le droit au congé parental ont été communiqués et la demande a été faite dans les formes requises.

En outre, l’appelante estime que d’une part l’ONEM ajoute une condition à la réglementation, étant que l’enfant doit être en vie au moment de la demande et de l’exercice du congé, et de l’autre qu’il interprète erronément le texte, en exigeant que le congé soit accordé pour prendre soin de l’enfant qui ouvre le droit à celui-ci.

Enfin, elle voit une discrimination entre les parents qui ont donné naissance à un enfant qui vit ou à un enfant mort-né ou encore à un enfant vivant et qui est décédé ensuite, la nécessité de prendre soin de la famille au sens large étant tout aussi réel dans les trois cas de figure.

L’ONEM (qui comparait en appel contrairement à la première instance) estime quant au fond que l’article 2 de l’arrêté royal du 29 octobre 1997 et l’article 1er de la CCT n° 64 précisent que le droit au congé parental est institué pour pouvoir s’occuper de l’enfant pour lequel celui-ci est obtenu.

La décision de la cour

Dans son rappel des règles encadrant le congé parental (arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de la carrière professionnelle et C.C.T. n° 64 instituant un droit au congé parental), la cour souligne que, selon l’article 2, § 1er de l’arrêté royal du 29 octobre 1997, le droit est institué « afin de prendre soin de son enfant », terminologie confirmée dans l’article 1er de la C.C.T. n° 64, qui vise un droit individuel au congé parental en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant « pour pouvoir s’occuper de cet enfant ».

Ce congé thématique poursuit un objectif précis, (la cour renvoyant à la doctrine de F. VERBRUGGE, « Les nouvelles modalités d’exercice d’un congé thématique », Ors., 2019/7, p. 9), selon qui il doit permettre au travailleur de s’absenter du travail pour se consacrer à l’éducation d’un enfant en bas âge.

La cour reprend la jurisprudence de la Cour de Justice (C.J.U.E., 16 juin 2016, Aff. n° C-351/14 (RODRIGUEZ SANCHEZ c/CONSUM SOCIEDAD COOPERATIVA VALENCIANA), mettant en exergue que le congé parental est accordé aux parents pour qu’ils puissent s’occuper de leur enfant et qu’il peut être pris jusqu’à un âge déterminé de ce dernier, pouvant aller jusqu’à huit ans.

Tout en précisant qu’elle est sensible à la situation qui lui est soumise, la cour rappelle qu’elle est tenue de faire application des dispositions légales et réglementaires. L’objectif de la réglementation est de pouvoir s’occuper de l’enfant en bas âge pour lequel le congé est sollicité et il ne pouvait plus être atteint.

Elle rejette par ailleurs l’argumentation développée concernant la discrimination au motif de la différence entre les catégories présentées. Elle rappelle par ailleurs que, en cas de décès d’un enfant, existent des congés spécifiques (petits chômages, …).

Sur la question de savoir si le congé ne peut être accordé que pour prendre soin de l’enfant qui ouvre le droit, la cour considère que c’est la présence effective d’un enfant en bas âge dans le ménage qui permet d’ouvrir le droit au congé parental, l’adoption n’ouvrant d’ailleurs ce droit qu’une fois que l’enfant est inscrit à l’adresse des parents.

C’est dès lors à juste titre que l’ONEm a décidé de refuser le droit au congé parental sollicité.

La cour en vient à la demande de dommages et intérêts formée sur pied de l’article 1382 de l’ancien Code civil et examine s’il y eu ou non faute de l’ONEm. Elle conclut que la seule faute est le fait de n’avoir pas réagi dans un délai raisonnable à la demande, dans un contexte qui justifiait que celle-ci soit traitée avec un minimum d’égards. Elle fixe le dommage à un euro symbolique.


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