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Demande d’interruption de carrière tardive justifiée par la force majeure et règles régissant l’appel en cette matière - Bref commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), chbre 2-E, 18 novembre 2024, R.G. 2023/AL/501

Mis en ligne le dimanche 27 avril 2025


C. trav. Liège (div. Liège), chbre 2-E, 18 novembre 2024, R.G. 2023/AL/501

L’intérêt principal de la décision réside dans l’exposé des règles qui régissent la force majeure, notion de droit civil s’appliquant, en règle, aux matières de droit du travail et de sécurité sociale.
Elle est aussi intéressante sur la question du point de départ du délai d’appel en matière d’interruption de carrière, l’avis de l’Avocat général divergeant de la décision de la cour du travail.

Faits de la cause

M. PK a, en date du 26 juin 2019, informé son employeur qu’il souhaitait prendre un congé parental d’1/5 temps pour sa fille du 1er juillet au 30 novembre 2019.
Ce n’est que le 1er octobre que l’ONEm reçoit cette demande et informe M. PK qu’elle est hors délai et que seul un cas de force majeure pourrait justifier le retard.
M. PK justifie par certificats médicaux qu’une dépression majeure à partir du 1er août l’a empêché de compléter son dossier.
L’ONEm refuse de lui accorder le congé à la date sollicitée et l’accorde uniquement pour la période allant du 1er octobre au 30 novembre.
M. PK a introduit contre ce refus un recours jugé recevable et fondé par la 6e chambre du Tribunal du travail de Liège (division Liège), le 11 septembre 2023, qui retient l’existence d’un cas de force majeure, étant l’état de santé de M. PK.
Ce jugement est notifié aux parties le 14 septembre 2023 sur base de l’article 792, al.2, et 3, du Code judiciaire.
La requête d’appel de l’ONEm est déposée le 24 novembre.
Le premier problème que la cour se pose est donc celui de la recevabilité de cet appel.
Elle dit, sur avis contraire du parquet général, l’appel recevable en rappelant tout d’abord que les allocations d’interruption de carrière ne sont pas des allocations de chômage sensu stricto, renvoyant à deux arrêts de la Cour du travail de Bruxelles du 13 février 2024, R.G. 2022/AB/243 et R.G. 2021/AB/340.
Elle se réfère ensuite notamment à un arrêt de la Cour du travail de Liège (division Liège), du 17 mai 2024 (R.G. 2023/AL/397), qui, sur avis non conforme de M. l’Avocat général, a conclu que le délai pour interjeter appel était, en matière d’interruption de carrière, d’un mois à partir de la signification. L’appel est donc recevable en l’absence de signification du jugement.
Quant à son fondement, l’arrêt reproduit la teneur de l’article 22 de l’arrêté royal du 2 janvier 1991 relatif à l’octroi d’allocations d’interruption. Cette disposition et les dispositions suivantes ne prévoient pas d’hypothèses dans lesquelles une demande tardive pourrait être admise et aucun pouvoir (discrétionnaire ou non) de dérogation n’est accordé à l’ONEm.
Cette rigueur de la loi est tempérée par le principe général du droit de force majeure, lorsqu’il n’est pas exclu par cette loi. L’arrêt renvoie à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 février 2008, n°30/2008. Cette force majeure est un événement insurmontable et pour certains imprévisible, indépendant de toute faute de la partie qui s’en prévaut, qui met celle-ci dans l’impossibilité d’exécuter l’obligation qui lui incombe. L’arrêt renvoie à P. Van OMMESLAGHE, Droit des obligations, Bruylant, 2010, n° 966, p. 1381 ainsi qu’à l’article 5.226 du nouveau Code civil.
Selon la Cour de cassation, l’effet de la force majeure est de proroger, pendant qu’elle existe, le délai en faveur de la partie mise dans l’impossibilité d’accomplir cet acte (Cass. 13 janvier 2012, C.11.0091.F sur Juportal).
Pour qu’elle soit reconnue par les juridictions, l’événement invoqué doit non seulement rendre impossible, temporairement ou définitivement, le respect des obligations, mais il doit également échapper totalement au contrôle du débiteur (cfr C. trav. Liège (div. Liège), 11 octobre 2024, R.G. 2023/AL/518).
En l’espèce, deux certificats médicaux, le second de son psychiatre, rendent crédibles les affirmations de M. PK qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de rester en contact avec le monde extérieur et n’a pu prendre connaissance du courriel de l’ONEm en temps utile. Le jugement est donc confirmé.


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