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Droit aux allocations de chômage en cas de demande de mise en disponibilité introduite par un membre du personnel enseignant

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 septembre 2024 R.G. 2022/AB/414

Mis en ligne le mardi 13 mai 2025


C. trav. Bruxelles, 11 septembre 2024 R.G. 2022/AB/414

Résumé introductif

Le bénéficiaire d’allocations au titre de chômeur complet sur la base d’une activité à temps plein et qui conclut un contrat de travail à temps partiel sans remplir les conditions du statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits ne peut plus être considéré comme chômeur complet. Il ne peut dès lors bénéficier des allocations pour les jours pendant lesquels il ne travaille pas en vertu de son contrat de travail.

La conclusion d’une convention de mise en disponibilité pour convenances personnelles n’est pas l’une des hypothèses visées à l’article 51 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. En conséquence, le travailleur ne peut pas être considéré comme chômeur par suite de circonstances dépendant de sa volonté. Il n’y a pas abandon d’emploi, celui-ci étant seulement suspendu.

Dispositions légales

  • Arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage – article 51

Analyse

Faits de la cause

Mme M.P., qui était nommée comme enseignante à titre définitif pour 5 heures de cours, a entamé un master en sciences du travail et convenu avec son pouvoir organisateur d’une mise en disponibilité pour ces 5 heures.

Après avoir réussi ce master, elle a demandé le 23 juillet 2020 le bénéfice des allocations de chômage comme chômeuse complète à partir du 1er juillet.

Elle a appris par son organisme de paiement avoir obtenu le statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits sans allocations de garantie de revenus.

Elle a demandé la révision de cette décision, ce que l’ONEm lui a refusé par une décision du 18 décembre 2020 au motif qu’elle était toujours liée par un contrat de travail pour 5 heures.

Le recours en justice

Elle a introduit contre cette décision un recours recevable devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles et l’a étendu à une nouvelle demande d’allocations du 2 juillet 2021, refusée pour le même motif.

La décision du tribunal

Par jugement du 3 mai 2022, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles lui a donné raison, disant qu’elle avait droit aux allocations de chômage en tant que chômeuse complète pendant les périodes litigieuses.

L’ONEm a formé contre ce jugement un recours.

Position des parties devant la cour

L’ONEm a invité la cour à débouter Mme M.P. de ses prétentions.

La chômeuse a sollicité, à titre principal, la confirmation de ce jugement et, à titre subsidiaire, l’octroi des allocations de garantie de revenus.

La décision de la cour

La cour du travail décide tout d’abord que Mme M.P. ne pouvait être considérée comme chômeuse complète, étant toujours liée à son employeur par un contrat de travail pour 5 heures.

Elle se réfère à un arrêt de la Cour de cassation du 20 mai 2019 (S.17.0004.F, publié sur Juportal avec les conclusions du ministère public – arrêt précédemment commenté), qui a jugé que le bénéficiaire d’allocations au titre de chômeur complet sur la base d’une activité à temps plein et qui conclut un contrat de travail à temps partiel sans remplir les conditions du statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits ne peut plus être considéré comme chômeur complet et ne peut dès lors bénéficier des allocations pour les jours pendant lesquels il ne travaille pas en vertu de son contrat de travail.

La question est donc si elle peut prétendre à une allocation de garantie de revenus.

La cour ne vide pas sa saisine. Elle décide cependant déjà que, la conclusion d’une convention de mise en disponibilité pour convenances personnelles n’étant pas l’une des hypothèses visées à l’article 51 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, l’intéressée ne peut pas être considérée comme chômeuse par suite de circonstances dépendant de sa volonté et qu’elle n’a pas abandonné son emploi, celui-ci étant seulement « suspendu ».

Elle ordonne la réouverture des débats pour permettre à la chômeuse et à son employeur de remplir les formulaires nécessaires en vue d’obtenir les allocations de garantie de revenus et à l’ONEm de vérifier si les autres conditions d’octroi sont réunies.

Intérêt de la décision

Le tribunal avait décidé que la chômeuse avait droit aux allocations en tant que chômeuse complète. Par son appel, l’ONEm invitait la cour du travail à débouter celle-ci de ses demandes.

La cour du travail ne suit aucune de ces solutions et adopte la thèse subsidiaire de Mme M.P., étant qu’elle pouvait prétendre à une allocation de garantie de revenu, ce que l’ONEm contestait sans préciser en quoi les conditions d’octroi de cette allocation ne seraient pas réunies.

La démarche de la cour est intéressante en ce sens qu’avant d’ordonner la réouverture des débats, elle décide déjà et dit dans son dispositif que Mme M.P. ne peut être considérée comme chômeuse par suite de circonstances dépendant de sa volonté, qu’elle n’a pas abandonné son emploi de 5 heures, celui-ci n’étant que suspendu et qu’elle était privée de travail et de rémunération.

L’arrêt est également important dans la mesure où l’arrêt de la Cour de cassation auquel il se réfère a été rendu sur des conclusions contraires du ministère public. Celui-ci a notamment souligné que le principe retenu par l’article 130 de l’ancien arrêté royal du 20 décembre 1963, aux termes duquel les allocations de chômage ne sont octroyées qu’en cas de chômage subi dans un emploi à temps plein ne se retrouvait plus dans l’arrêté royal du 25 novembre 1991. L’Avocat général relève de la doctrine en sens contraire à la solution qu’il propose mais le statut du travailleur à temps partiel volontaire au regard du droit aux allocations de chômage n’a pas fait l’objet de beaucoup de commentaires.


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