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Refus par l’ONEm du chômage pour force majeure Covid, défaut de motivation formelle et contrôle des juridictions du travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8e chbre, 23 octobre 2024, R.G. 2022/AB/843

Mis en ligne le samedi 17 mai 2025


C. trav. Bruxelles, 8e chbre, 23 octobre 2024, R.G. 2022/AB/843

Résumé introductif
Dans les matières d’ordre public, telles que le chômage, un défaut de motivation formelle est sans sanction effective, dans la mesure où le juge, saisi d’un contrôle de pleine juridiction, doit, après avoir constaté celui-ci et annulé la décision litigeuse, examiner les droits de l’assuré social à la prestation. L’irrégularité formelle de la décision est réparée par la décision nouvelle.
En cas de recours au chômage pour force majeure, il y a lieu de vérifier concrètement, à partir du contenu de la fonction du travailleur, s’il pouvait être recouru à l’impossibilité de faire exécuter la prestation de travail.

Dispositions légales

  • Loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs – articles 2 et 3
  • Loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail – article 26
  • Arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage – articles 106 et suivants.

Analyse
Faits de la cause
La SRL G., active dans le courtage en assurances et prêts et qui employait 4 travailleurs à temps plein et 1 à temps partiel, a recouru durant la crise Covid au chômage temporaire pour force majeure, notamment pour une employée administrative et une aide-comptable.
A la suite d’un contrôle, l’ONEm a refusé ce recours au chômage temporaire pour ces deux travailleuses et en a tiré les conséquences en matière d’exclusion et de récupération.
La SRL G. a soumis cette décision au Tribunal du travail francophone de Bruxelles, de même que l’aide-comptable.
Par un jugement du 23 octobre 2022, ce tribunal a dit non fondées les demandes introduites et a condamné l’employée à rembourser les allocations perçues.
Seule la SRL a fait appel de cette décision.

La décision de la cour
L’arrêt commenté examine tout d’abord la motivation formelle de la décision de l’ONEm au regard de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, dont elle rappelle les exigences : résulter de l’acte écrit qui formalise la décision, laisser apparaitre les circonstances concrètes, être claire et permettre de comprendre l’articulation du droit et du fait.
La cour se réfère à un arrêt de la même chambre du 8 décembre 2017 (C. trav. Bruxelles, 8 décembre 2017, R.G. 2016/AB/466), qui a jugé que les obligations formelles ou procédurales, telles que l’obligation de motivation, sont dépourvues de sanction effective puisque le constat de leur violation a pour seule conséquence qu’il faut procéder à un nouvel examen du droit en cause. En substituant une décision légalement motivée à une décision mal motivée, la juridiction répare intégralement l’éventuelle irrégularité formelle de la décision administrative attaquée. Il n’y a, dans cette perspective, pas lieu de faire droit à une demande de dommage moral.
L’arrêt commenté décide que ces exigences ne sont pas réunies et annule cette décision tout en admettant que cette annulation n’a, en l’espèce, guère de portée pratique : la matière étant d’ordre public, la cour doit vérifier si la SRL a fait un usage impropre du chômage temporaire pour force majeure pour les deux travailleuses concernées.
Elle examine donc les tâches concrètes de celles-ci et du personnel de l’entreprise.
Elle décide que le recours au chômage temporaire se justifiait pour l’employée administrative mais uniquement pour la période allant du 4 mai 2020 au 1er février 2021. A cette date en effet, la SRL a engagé une travailleuse n’ayant pas de compétences particulières liées à son activité et qui a du nécessairement accomplir au moins partiellement les tâches auxiliaires de cette dernière.
Quant à l’employée qui gérait le service comptabilité, la mise en chômage temporaire pour force majeure n’était pas justifiée. La SRL confirme une augmentation de son activité commerciale et les tâches de cette travailleuse - consistant à gérer tant les paiements par les clients que la rétribution par commissions des autres travailleurs -étaient nécessaires au fonctionnement de la société, que ce soit sur le lieu du travail ou en télétravail, le cas échéant par un transport du matériel informatique.

Intérêt de la décision
La cour du travail rappelle les exigences de motivation formelle d’une décision de l’ONEm et constate son défaut en l’espèce, ce qui n’a cependant pas d’incidence dès lors que les juridictions du travail doivent exercer un contrôle de pleine juridiction sur la justification de la force majeure invoquée pour placer des travailleurs en chômage temporaire.


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