Commentaire de C. trav. Mons, 25 septembre 2024, R.G. 2024/AM/4
Mis en ligne le samedi 17 mai 2025
C. trav. Mons, 25 septembre 2024, R.G. 2024/AM/4
Résumé introductif
En matière de taux d’allocations de chômage, l’arrêté royal portant réglementation du chômage organise la répartition de la charge de la preuve.
Le.chômeur a la charge de la preuve de la catégorie de bénéficiaire qu’il revendique.
Si l’ONEM conteste, il doit établir que sa déclaration n’est pas exacte.
Dès lors que le bénéficiaire d’allocations maintient sa prétention relative à la catégorie revendiquée, il y a un renversement de la charge de la preuve et il doit alors prouver le bien-fondé de sa position.
Dispositions légales
Analyse
Faits de la cause
M. L.C. a déclaré dans le formulaire C1 du 18 novembre 2002 vivre seul, ce qui lui a permis de percevoir des allocations de chômage au taux isolé.
Cette déclaration a été réitérée à plusieurs reprises.
En 2020, un contrôle de l’AVIQ dans le cadre des allocations familiales a toutefois mis en évidence plusieurs constats.
M. L.C. était toujours marié avec Mme C.D., aucun jugement n’organisait l’autorité parentale sur leur fille ni ne fixait de part contributive, Mme vivait dans la maison dont il était propriétaire et dont il payait le précompte immobilier, le chômeur louait la maison voisine, il n’avait pas de téléphone ni d’internet et n’avait qu’une très faible consommation d’eau et d’électricité.
L’ONEm va donc enquêter sur sa situation puis décider de l’exclure à partir du 11 août 2008 des allocations au taux de travailleur isolé et de les lui octroyer au taux cohabitant, de récupérer les allocations indûment perçues du 1er juillet 2019 au 31 juillet 2022 et de lui infliger une sanction administrative de 13 semaines.
M.L.C. introduit un recours judiciaire.
Le jugement du tribunal
Par un jugement du 1er décembre 2023, le tribunal du travail du Hainaut, division de Charleroi a confirmé cette décision.
Le demandeur s’est pourvu en appel de cette décision.
L’arrêt de la cour du travail
La cour reprend, en droit, après le rappel de la notion de cohabitation, la répartition de la charge de la preuve entre l’ONEM et le chômeur.
Le montant des allocations est déterminé dans un premier temps sur la base de la déclaration de la situation familiale telle que faite par le chômeur.
En cas de contestation de l’ONEM, l’Office doit établir que la situation n’est pas conforme à la déclaration faite.
Si le caractère inexact de la déclaration est établi, la charge de la preuve est renversée et le chômeur doit prouver qu’il se trouve dans une situation qui lui permet d’être indemnisé au taux qu’il réclame (isolé ou travailleur avec charge de famille).
Il en découle que, au sens de l’article 110, § 4, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, c’est le chômeur qui a la charge de la preuve.
Examinant les éléments de l’espèce, la cour du travail va réformer le jugement, disant pour droit que M. L.C. pouvait bénéficier des allocations de chômage au taux isolé pendant la période litigieuse. La réouverture des débats est ordonnée concernant les allocations à partir du 1er août 2022.
La cour juge crédibles les précisions du chômeur, ayant expliqué à l’audience n’avoir jamais utilisé de carte bancaire, n’avoir ni téléphone ni télévision ni ordinateur et régler ses dépenses quotidiennes par les sommes retirées de son compte par sa fille ou son frère.
Elle retient que le contrôleur de l’AVIQ n’a pas relevé d’indice matériel de cohabitation, que l’enquête de résidence effectuée par l’agent de quartier n’est pas suffisamment précise pour remettre en cause l’inscription au registre national et n’a pas conduit à une domiciliation d’office de M. L.C. à l’adresse de son épouse.
La cour indique qu’un assuré social est en droit de s’attendre à ce que les institutions de sécurité sociale et les autorités administratives n’appréhendent pas sa situation de fait de manière totalement divergente, voire contradictoire.
La cour écarte l’argumentation de l’ONEm que la consommation d’eau de l’épouse est proche de celle d’un ménage de trois personnes alors qu’on ignore avec qui d’autre que sa fille celle-ci a cohabité.
Quant à la consommation d’eau de M. L.C., ses explications sont crédibles vu son mode de vie frugal.
Il prouve payer un loyer dont le faible montant s’explique par le faible équipement des lieux.
L’arrangement financier concernant l’immeuble occupé par son épouse est inhabituel mais peut s’expliquer par l’absence de contribution alimentaire en faveur de sa fille et ensuite par son souhait que cet immeuble revienne à celle-ci.
Son absence lors de deux visites domiciliaires non annoncées n’est par ailleurs pas révélatrice d’une absence de résidence effective.
La cour conclut ainsi que M. L.C. démontre à suffisance qu’il résidait effectivement seul à l’adresse de son domicile au cours de la période litigieuse.