Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. La Louvière), 6 décembre 2024, R.G. 2021/484/A
Mis en ligne le jeudi 29 mai 2025
Tribunal du travail du Hainaut (division La Louvière), 6 décembre 2024, R.G. 2021/484/A
Terra Laboris
Résumé introductif
La notion d’activité n’est pas définie dans la réglementation chômage. Elle reçoit cependant une acception large.
La seule circonstance qu’un chômeur possède des parts dans une SPRL ne suffit pas à établir qu’il a exercé une activité incompatible avec le bénéfice des allocations de chômage.
Le fait d‘être simple détenteur de parts sociales ne doit pas être déclaré à l’ONEm.
Dispositions légales
Analyse
Faits de la cause
Le litige oppose M. M. à l’Onem, la FGTB organisme de paiement et l’ASBL Acerta. La décision du tribunal rend toutefois sans intérêt la présence à la cause de ces deux dernières parties.
Par sa décision du 22 janvier 2021 soumise au tribunal, l’Onem a exclu M. M. du droit aux allocations de chômage pour la période du 1er novembre 2018 au 31 juillet 2019 pour avoir exercé une activité en tant que gérant d’une SPRL dont il détenait des parts sans l’avoir déclaré et sans en avoir fait mention sur ses cartes de contrôle, a décidé de la récupération des allocations perçues et lui a infligé une sanction administrative de 17 semaines.
M. M. a formé contre cette décision un recours recevable par lequel il a contesté l’exercice de cette activité.
La décision du tribunal
Le litige porte sur la notion d’activité au sens des articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, les règles relatives à la charge de la preuve et leur application dans le cas d’espèce.
Le tribunal souligne que la notion d’activité n’est pas définie par l’arrêté royal. Il s’appuie sur la doctrine et la jurisprudence pour conclure qu’elle est très large puisqu’elle « vise aussi bien l’activité rémunérée que l’activité bénévole ou d’intérêt général ».
Le jugement cite notamment un arrêt inédit de la Cour du travail de Mons (C. trav. Mons (5e chbre), 17 mai 2018, R.G. 2017/AM/167), qui renvoie à la contribution de E. DERMINE et S. PALATE : « Questions de preuve en matière de chômage », in Regards croisés sur la sécurité sociale, F. Etienne et M. Dumont (coord.), coll. CUP Anthemis, 2012, p. 524).
Le tribunal examine ensuite la question centrale que pose ce litige, étant les règles relatives à la charge de la preuve et leur application en l’espèce au regard de l’article 8.5 du nouveau Code civil aux termes duquel, « (H)ormis les cas où la loi en dispose autrement, la preuve doit être rapportée avec un degré raisonnable de certitude ».
Selon les termes d’un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 17 janvier 2022 (J.T.T. 2022/16, pp. 274-279), cela n’implique pas une certitude absolue mais bien une conviction qui exclut tout doute raisonnable.
Le tribunal retient qu’il ressort du dossier que pendant la période litigieuse le gérant de la société était le père du chômeur et non celui-ci et que M. M. n’était pas inscrit au RGTI.
Il décide que le seul fait que M. M. était propriétaire de parts de la SRL S.T. n’établit pas à lui seul l’exercice d’une activité dépassant la gestion normale des biens propres, citant ici M. SIMON, « Chapitre 1- Privation de travail – Activités du chômeur » in Chômage, M. Simon (dir.), 1re éd., Bruxelles, Larcier, 2021, p.81) et C. trav. Bruxelles (8e ch.), 26 mai 2010, R.G. 2009/AB/51.896, terralaboris.be.
En outre, selon le même passage de M. SIMON, le chômeur ne devait pas déclarer cette qualité de propriétaire à l’ONEm.
Enfin, rien dans le dossier n’indique qu’il aurait, du fait de cette détention de parts, exercé une activité dépassant la gestion normale des biens propres. M. M. était donc pendant cette période privé de travail et de rémunération et la décision de l’ONEm est annulée.
Intérêt de la décision
Ce litige se situe dans le contexte d’un conflit familial entre un père qui a été nommé gérant de la SPRL à partir de la date à laquelle le chômeur a été admis au bénéfice des allocations de chômage mais qui a ensuite soutenu qu’il ne l’était que « sur papier ».
La solution adoptée par le tribunal met en évidence l’importance des règles relatives à la charge de la preuve qui sont bien exposées par le tribunal avec de nombreuses références doctrinales et jurisprudentielles sur l’article 8.5 du nouveau Code civil.