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Paiement de pension alimentaire ne répondant pas aux exigences de la réglementation et effets de la bonne foi du chômeur

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 16 décembre 2024, R.G. 2023/AL/478

Mis en ligne le jeudi 12 juin 2025


Cour du travail de Liège (division Liège), 16 décembre 2024, R.G. 2023/AL/478

Terra Laboris

Résumé introductif

La notion de travailleur ayant charge de famille est une notion transversale en sécurité sociale.

Dans le secteur du chômage, l’octroi des allocations au taux correspondant à cette catégorie suppose le paiement effectif de la pension alimentaire.

L’effectivité est assurée par l’exigence d’un jugement ou d’un acte notarié, à défaut desquels elle ne peut être admise.

Le chômeur peut cependant établir sa bonne foi aux fins de limiter la récupération et l’exclusion.

Dispositions légales

  • Arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage - article 110

Analyse

Faits de la cause

Par un formulaire C1 du 18 septembre 2001, M. T. a déclaré vivre seul et payer une pension alimentaire pour sa fille, S., sur la base d’un jugement du Tribunal de 1re instance de Liège du 8 novembre 1989, déclaration qui sera confirmée en 2012 et 2015.

L’ONEm a constaté que S. travaillait depuis le 1er mai 2011 et a convoqué M. T., qui a expliqué qu’il avait deux autres enfants de 18 et 20 ans toujours scolarisés et pour lesquels il payait une pension alimentaire de 200 euros par mois de la main à la main et a fourni les preuves de ses dires.

L’ONEm a refusé de tenir compte de cette pension aux motifs qu’elle n’était basée sur aucune décision judiciaire ni acte notarié et que son montant avait été fixé arbitrairement.

Il a exclu M. T du droit aux allocations comme travailleur ayant charge de famille à partir du 1er mai 2011, a décidé de la récupération dans les limites de la prescription et lui a infligé une sanction administrative de 13 semaines.

La procédure judiciaire

M. T. a formé contre cette décision un recours recevable et l’ONEm a formé une demande reconventionnelle en remboursement de l’indu.

Par jugement du 11 octobre 2023, le Tribunal du travail de Liège, division Liège, a dit ce recours non fondé et a accueilli la demande reconventionnelle.

M. T. a formé contre ce jugement un appel recevable.

La décision de la cour

La cour expose les raisons de la modification de l’article 110 de l’AR du 25 novembre 1991 par l’arrêté royal du 24 janvier 2002.

L’exigence que la pension alimentaire soit prévue par un jugement est destinée à garantir son paiement effectif.

Compte tenu de l’obstacle psychologique et financier qu’est le recours à la justice, il n’est désormais plus nécessaire d’avoir été marié pour recourir à l’acte notarié, ce qui est également une mesure destinée à garantir le paiement effectif.

La cour renvoie sur cette finalité à un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles (C. trav. Bruxelles, 17 février 2016, R.G. 2014/AB/488 publié sur www.terralaboris.be ainsi qu’à deux arrêts de la Cour du travail de Mons ( cités par LAMBRECHT F., « Titre 3 – Calcul des allocations de chômage » in SIMON, M. (dir.), Chômage, 1re édition, Bruxelles, Larcier, 2021, p. 362)

La seule existence d’une obligation alimentaire ou même d’un accord ne suffit donc pas.

Concernant la notion d’effectivité, l’arrêt renvoie à deux arrêts de la Cour du travail de Bruxelles publiés sur www.terralaboris.be (C. trav. Bruxelles, 27 février 2013, R.G.2011/AB/335 et C. trav. Bruxelles, 29 juin 2017, R.G. 2016/AB/335).

La charge de la preuve de ce paiement repose sur le chômeur en vertu du § 4 de l’article 110 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

En l’espèce, aucune décision judiciaire ou acte notarié ne prévoit de paiement de pension alimentaire pour les deux autres enfants dont la filiation paternelle est établie et l’offre du chômeur de prouver par témoin les paiements n’est pas pertinente concernant le droit aux allocations de chômage majorées.

La décision de l’ONEm et le jugement dont appel sont donc confirmés en ce qui concerne le taux des allocations.

Concernant la récupération, l’arrêt retient cependant que le versement régulier de 200 € en faveur des enfants d’un second lit depuis au moins 10 ans au moment où sa première fille a commencé à travailler a été admis par l’administration fiscale, comme le prouvent les avertissements-extraits de rôle.

M. T. a donc pu légitimement croire qu’il était en règle vis-à-vis de l’ONEm.

Vu sa bonne foi, la sanction administrative est ramenée à 8 semaines.

Intérêt de la décision

Ainsi que le souligne notamment un arrêt de la Cour du travail de Liège (division Liège) du 26 mai 2023 (C. trav. Liège (div. Liège), 26 mai 2023, R.G. 2022/AL/509) rendu en matière d’assurance-maladie-invalidité, la notion de travailleur ayant charge de famille est transversale en sécurité sociale. C’est aussi une notion qui donne lieu à un contentieux très important.


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