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Conditions du cumul d’une indemnité payée en fin de contrat avec les indemnités AMI

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 23 janvier 2025, R.G. 2023/AB/156

Mis en ligne le jeudi 12 juin 2025


Cour du travail de Bruxelles, 23 janvier 2025, R.G. 2023/AB/156

Terra Laboris

Résumé introductif

Certaines indemnités ne peuvent être cumulées avec les indemnités AMI. Celles-ci sont reprises à l’article 103 de la loi coordonnée, qui interdit le cumul avec une rémunération, telle que visée par l’article 2 de la loi sur la protection de la rémunération.

A, ainsi, un caractère rémunératoire l’indemnité versée en cas de rupture pour force majeure médicale, mettant un terme à des négociations intervenues entre parties suite à une situation de harcèlement au travail et ayant abouti à la signature d’une convention prévoyant une telle indemnité, celle-ci faisant par ailleurs l’objet de retenues sociales et fiscales.

Dispositions légales

  • Loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994 – article 103
  • Loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs – article 2
  • Arrêté royal du 10 juin 2001 portant définition uniforme de notions relatives au temps de travail à l’usage de la sécurité sociale en application de l’article 39 de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux de pension - articles 65 et 66

Analyse

Faits de la cause

Une travailleuse ayant presté pour la STIB pendant sept ans (chauffeure de bus et conductrice de tram) est tombée en incapacité de travail en janvier 2021, ceci dans un contexte de harcèlement sexuel au travail, dont elle s’était plainte.

En mars 2021, dans le cadre de la procédure d’évaluation de sa réintégration, le conseiller en prévention-médecin du travail a conclu qu’elle était définitivement inapte à reprendre le travail convenu et qu’elle ne pouvait effectuer aucun travail chez son employeur (travail adapté ou autre).

La rupture a dès lors été actée par la société pour force majeure médicale et celle-ci a fait une proposition d’offre de reclassement professionnel.

Une convention transactionnelle a été conclue, prévoyant le versement d’une indemnité « sociale » de huit semaines de rémunération vu des « difficultés sérieuses d’ordre privé ».

Ultérieurement, son organisme assureur a constaté le paiement d’une indemnité de rupture coïncidant avec celui des indemnités AMI versées et a réclamé un montant de 2 243,44 € (cumul interdit par l’article 103 de la loi coordonnée).

L’intéressée, via son conseil, a demandé la modification de la qualification de l’indemnité, s’agissant, dans le cadre des négociations intervenues, d’une indemnité destinée à compenser le préjudice subi suite au harcèlement dont elle avait été victime.

La contestation persistant, la mutuelle a introduit une procédure en récupération, fondée sur l’interdiction de cumul prévue à l’article 103, § 1er, 3°, de la loi coordonnée.

Le jugement du tribunal

Dans son jugement du 26 janvier 2023, le tribunal a fait droit à la demande de l’organisme assureur, confirmant l’interdiction de cumul.

Position des parties devant la cour

L’intéressée interjette appel, considérant qu’il s’agit d’une indemnité forfaitaire versée pour des raisons humanitaires, en l’absence de quelque obligation dans le chef de l’employeur et que, en conséquence, il ne s’agit pas de rémunération.

La mutuelle, qui sollicite la confirmation du jugement, maintient le caractère rémunératoire de l’indemnité au sens de la disposition légale.

La décision de la cour

La cour relève que, pour le tribunal, il ne s’agit pas d’une indemnité payée à la suite d’une cessation du contrat de travail d’un commun accord, l’indemnité « sociale forfaitaire » ayant été accordée suite au constat de l’existence d’un cas de force majeure médicale.

Il s’agit d’une compensation à la fois de l’abandon de la poursuite d’une procédure pour harcèlement et d’un accord portant sur les indemnités de fin de contrat.

Pour la cour, il s’agit effectivement d’une rémunération au sens de l’article 2 de la loi du 12 avril 1965 et, en conséquence, de l’article 103, § 1er, 1°, de la loi du 14 juillet 1994.

La cour reprend le texte de l’article 103, qui, en son § 1er, dispose expressément que le travailleur ne peut prétendre aux indemnités pour la période pour laquelle il a droit à une rémunération, la notion de rémunération étant déterminée par l’article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs. De même, pour la période pour laquelle il peut prétendre à une indemnité due à la suite de la rupture irrégulière du contrat de travail (.…) ou de la cessation du contrat de travail d’un commun accord (...).

Ces notions ont été définies aux articles 65 et 66 de l’arrêté royal du 10 juin 2001 portant définition uniforme de notions relatives au temps de travail à l’usage de la sécurité sociale en application de l’article 39 de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux de pension.

La cessation du contrat de travail d’un commun accord vise la fin du contrat avec consentement mutuel (article 1134, alinéa 2 du Code civil), pour laquelle l’employeur est tenu de payer une indemnité, et ce d’un commun accord entre parties (article 65).

La rupture irrégulière du contrat de travail est la fin du contrat avec obligation pour l’employeur de payer une indemnité en application des articles 39, § 1er, ou 40, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978 (article 66).

La rupture pour force majeure médicale ne figure pas dans les hypothèses visées, l’article 66 visant l’indemnité compensatoire de préavis et l’indemnité de rupture en cas de résiliation avant terme et sans motif grave d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat pour un travail nettement défini.

La cour se tourne ensuite vers la loi du 12 avril 1965 pour la définition de la rémunération. En font partie les avantages évaluables en argent auxquels le travailleur a droit à charge de l’employeur en raison de son engagement (article 2, 3°). Il s’agit d’une définition très large (la cour renvoyant à Cass., 1er février 2010, S.09.0065.N).

En l’espèce, il s’agit donc bien d’une rémunération, l’intéressée n’établissant pas qu’il y aurait eu une gratification pure et simple accordée pour des motifs humanitaires, ainsi qu’elle le soutient.

Au contraire, vu la transaction intervenue et la plainte déposée pour harcèlement.

La cour relève encore que les retenues sociales et fiscales sont prévues dans la convention et que l’indemnité est reprise sur le document C.4.

Enfin, elle retient également la référence à une « période » (terme repris à l’article 103, § 1er, 1°).

Il n’y a dès lors pas de possibilité de cumul.


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