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Bonification d’années d’études pour la pension dans le secteur public

Commentaire de C. trav. Mons, 23 octobre 2024, R.G. 2023/AM/287

Mis en ligne le lundi 16 juin 2025


C. trav. Mons, 23 octobre 2024, R.G. 2023/AM/287

Résumé introductif

Pour le personnel de HR RAIL, la base légale est le statut du personnel de la SNCB et en particulier l’avis n° 35 PS, qui règle la question du calcul de la bonification des diplômes. Celui-ci est directement lié à l’article 32 de la loi du 9 juillet 1969 modifiant et complétant la législation relative aux pensions de retraite et de survie des agents du service public, qui précise que la bonification est égale au nombre d’années d’études requis pour l’obtention du diplôme exigé.

L’article 8 de la loi du 18 février 1977 (qui a créé le grade d’ingénieur industriel après quatre années d’études, celui-ci remplaçant celui d’ingénieur technicien) prévoit l’assimilation du grade et du diplôme ’avec tous les droits y attachés’.

La bonification de quatre années d’études octroyée vaut non seulement pour les titres et rémunérations mais également pour le calcul de la pension.

Sur le plan du droit judiciaire, l’instruction de la cause avant et après cassation constitue une seule instance et il ne peut en conséquence être accordé qu’une seule indemnité de procédure pour celle-ci.

Dispositions légales

  • Loi du 18 février 1977 concernant l’organisation de l’enseignement supérieur et notamment des enseignements supérieur technique et supérieur agricole de type long
  • Loi du 9 juillet 1969 modifiant et complétant la législation relative aux pensions de retraite et de survie des agents du service public – article 32
  • Arrêté royal du 18 février 1964 portant règlement des études conduisant au diplôme et au grade d’ingénieur technicien

Analyse

Faits de la cause

Un ingénieur technicien (Institut Gramme à Liège) a travaillé à la SNCB à partir de 1974 et a obtenu un grade organique correspondant au diplôme dont il était titulaire.

En 1987, ce grade et ce diplôme ont été assimilés à ceux d’ingénieur industriel par voie d’arrêté ministériel. Il a par conséquent été nommé à ce nouveau grade.

Le 1er juillet 2011, il a été admis à la pension et a perçu des avances sur sa pension de retraite. Celles-ci ont été calculées en tenant compte d’une bonification de quatre années sur la base du diplôme d’ingénieur technicien figurant à son dossier.

HR RAIL a pris une décision le 9 avril 2014, selon laquelle, suite à une observation du service de vérification du Service des Pensions du Secteur Public, cette bonification ne peut s’élever qu’à trois ans maximum, les motifs de cette conclusion étant relatifs au plan d’études.

Il était renvoyé à l’arrêté royal du 16 février 1964 portant règlement des études conduisant au diplôme et au grade d’ingénieur technicien, qui impose un programme minimum d’au moins trois années d’études et de trois épreuves à une année d’intervalle au moins, permettant une bonification pour diplôme de trois années.

Les avances accordées étant plus élevées que le montant définitif auquel l’intéressé avait droit, HR RAIL n’a cependant pas récupéré les montants versés, appliquant d’initiative la charte de l’assuré social et admettant qu’il y avait erreur incombant au service.

La procédure

Une requête a été déposée le 9 juillet 2014 devant le Tribunal du travail de Liège, division Namur.

Celui-ci a statué par jugement du 13 octobre 2016. Il a dit la demande fondée et a mis la décision de HR RAIL à néant, disant pour droit que la pension devait être fixée en tenant compte d’une bonification de quatre années d’études.

Il a condamné le défendeur au paiement de la pension, prenant en compte cette bonification, sous déduction des montants déjà versés.

Appel a été interjeté.

Celui-ci est formé par le SFP, qui, depuis le 1er avril 2016, a repris les missions relevant de HR RAIL.

La décision de la Cour du travail de Liège

La cour a statué par arrêt du 13 mars 2018 (C. trav. Liège (div. Namur), 13 mars 2018, R.G. 2016/AN/214 et 2016/AN/220).

Elle a considéré en substance que le statut du personnel de la S.N.C.B. prévoit une bonification de temps dans le calcul de la pension pour les détenteurs de diplômes de l’enseignement supérieur universitaire ou non universitaire, ou encore de l’enseignement supérieur technique de plein exercice, et ce dans certaines conditions.

Ce texte étant inspiré de la loi du 9 juillet 1969 modifiant et complétant la législation relative aux pensions de retraite et de survie des agents du secteur public, applicable notamment aux fonctionnaires fédéraux, il en découle que la durée à prendre en compte est la durée minimale théorique, indépendamment notamment d’une durée minimale spécifique propre à certains établissements d’enseignement ou à certaines organisations de cet enseignement.

Pour l’obtention d’un diplôme d’ingénieur technicien, il s’agit, pour la cour, d’une période de 3 ans, indépendamment du nombre d’années effectivement accomplies ou de la circonstance que les études suivies l’étaient dans un établissement d’enseignement ne délivrant ce diplôme qu’après un plus grand nombre d’années.

L’arrêt de la Cour de cassation

L’arrêt de la Cour du travail de Liège a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2020 (Cass., 18 mai 2020, n° S.18.0046.F).

Selon cet arrêt, la bonification pour diplôme en matière de pensions ne peut être limitée au nombre d’années minimum requises pour l’obtention du diplôme en cause (ingénieur-technicien en l’espèce) dès lors que le demandeur est titulaire par assimilation d’un diplôme d’ingénieur industriel pour lequel au moins quatre années d’études sont requises.

L’affaire a été renvoyée devant la cour du travail de Mons, qui rend l’arrêt commenté.

Position des parties devant la cour du travail de Mons

Le SFP demande à la cour de lui donner acte d’un référé à justice quant à la durée de la bonification en matière de pension et plus particulièrement quant à la prise en compte des quatre années au lieu de trois pour le diplôme d’ingénieur technicien obtenu par l’intéressé.

Celui-ci sollicite de la cour qu’elle confirme le jugement du Tribunal du travail de Liège du 13 octobre 2016.

L’arrêt de la cour du travail

La cour reprend les textes applicables, s’agissant d’un ancien travailleur statutaire de la SNCB (actuellement HR RAIL).

La base légale est dès lors le statut du personnel de la SNCB et en particulier l’avis n° 35 PS, qui règle la question du calcul de la bonification des diplômes.

Il prévoit de manière expresse que celle-ci est égale au nombre d’années requis pour l’obtention du diplôme et ne peut excéder quatre ans que si pour l’exercice d’une fonction spécialisée un diplôme ayant nécessité des études plus longues a été requis.

Cet avis est intervenu suite à la modification de la loi du 9 juillet 1969 modifiant et complétant la législation relative aux pensions de retraite et de survie des agents du service public par une loi du 21 mai 1991.

La cour souligne qu’il est directement lié à l’article 32 de cette loi du 9 juillet 1969, qui précise que la bonification est égale au nombre d’années d’études requis pour l’obtention du diplôme exigé.

Le grade d’ingénieur technicien était visé par un arrêté royal du 5 juillet 1933, qui l’a créé. Celui-ci a été abrogé par l’arrêté royal du 18 février 1964 portant règlement des études conduisant au diplôme et au grade d’ingénieur technicien.

Quoique, au moment des études de l’intéressé, l’arrêté royal disposait que le programme d’études devait faire l’objet d’au moins trois années d’études et de trois épreuves à subir à une année d’intervalle, certaines écoles procédaient différemment, délivrant le diplôme au bout de quatre années d’études. Tel était le cas de l’institut Gramme de Liège, où l’intéressé avait étudié.

Ensuite, la loi du 18 février 1977 concernant l’organisation de l’enseignement supérieur et notamment des enseignements supérieur technique et supérieur agricole de type long a créé le grade d’ingénieur industriel après quatre années d’études, qui a remplacé celui d’ingénieur technicien. La cour souligne l’article 8 de cette loi, qui prévoit l’assimilation du grade et du diplôme ’avec tous les droits y attachés’.

Elle examine les moyens des parties, l’intéressé plaidant pour sa part que le renvoi au nombre d’années minimal vise à exclure les années redoublées (lui-même ne l’ayant pas fait) et que l’assimilation légale doit avoir pour conséquence l’octroi de tous les avantages liés à ce dernier grade, en ce compris en matière de bonification de pension.

Le SFP relève pour sa part que la bonification est un maximum.

La cour reprend, dès lors, l’arrêt de la Cour de cassation, censurant la position de la Cour du travail de Liège pour qui l’assimilation n’avait pour effet ni de délivrer un nouveau diplôme d’ingénieur industriel ni de modifier le programme des anciennes études.

En conséquence, la cour du travail, suivant la conclusion de la Cour de cassation selon laquelle la bonification de quatre années d’études octroyée vaut non seulement pour les titres et rémunérations mais également pour le calcul de la pension, annule la décision de HR RAIL du 9 avril 2014.

Le SFP est dès lors condamné au paiement des sommes correspondantes, sous déduction des montants versés mais à augmenter des intérêts moratoires calculés au taux légal à dater de leur exigibilité, puis judiciaires à partir de l’introduction de la procédure, et ce jusqu’au parfait paiement.

Sur les dépens, la cour confirme le montant de l’indemnité de procédure octroyé par le tribunal dans son jugement du 13 octobre 2016 mais rejette que l’intéressé puisse prétendre à deux indemnités de procédure devant la cour.

L’instruction de la cause avant et après cassation constitue en effet une seule instance et il ne peut être accordé qu’une seule indemnité de procédure pour l’instance d’appel (avec renvoi à Cass., 7 juin 2018, C.17.0543.N ainsi qu’à Cass., 16 novembre 2020, S.20.0039.F).


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