Terralaboris asbl

Ressortissants d’Etats tiers : petit rappel des règles relatives au permis unique

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 mai 2025, R.G. 2023/AB/665

Mis en ligne le samedi 13 septembre 2025


Cour du travail de Bruxelles, 22 mai 2025, R.G. 2023/AB/665

Terra Laboris

Résumé introductif

La finalité de la directive 2011/98/UE est d’établir dans les divers Etats membres une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique ainsi qu’un socle commun de droits pour les ressortissants des Etats tiers.

La décision de retrait du permis unique ne peut être prise que par l’autorité régionale compétente, et ce dans une décision motivée, qui est transmise à l’Office des étrangers et est notifiée par celui-ci. Cette notification permet l’introduction d’un recours contre la décision.

En cas de rupture du contrat de travail intervenant en cours de validité de l’autorisation de travail, l’employeur doit informer l’autorité régionale, condition pour le retrait.

Il n’est pas prévu que l’autorisation de travail cesse de produire ses effets par le seul fait de la rupturez.

Dispositions légales

  • Arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs - articles 7, §§ 14 et 15
  • Arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage - articles 43, § 1er, 56, § 1er, et 69 § 2
  • Arrêté du Gouvernement flamand du 7 décembre 2018 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers - articles 9, 13 et 14.
  • Accord de coopération entre l’Etat fédéral, la Région wallonne, la Région flamande, la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone du 2 février 2018 portant sur la coordination des politiques d’octroi d’autorisations de travail et d’octroi du permis de séjour, ainsi que les normes relatives à l’emploi et au séjour des travailleurs étrangers – article 36

Analyse

Faits de la cause

Une citoyenne de nationalité brésilienne a bénéficié d’une autorisation de travail délivrée par la Région de Bruxelles–Capitale pour trois ans (1er janvier 2020 – 31 décembre 2022).

Elle a presté pour un premier employeur jusqu’au 7 mai 2021 et pour un deuxième à partir du 10 mai.

Elle a alors bénéficié d’une autorisation de travail limitée, délivrée par l’Autorité régionale flamande.

Elle bénéficia ainsi d’une annexe 46 (permis unique) le 28 avril 2021, délivrée par l’Office des étrangers.

Elle fut licenciée le 1er octobre 2021 et perçut une indemnité compensatoire de préavis de quatre semaines.

Elle épuisa alors ses jours de vacances du 1er au 27 novembre.

Elle sollicita ensuite le bénéfice des allocations de chômage.

La demande, transmise par son organisme de paiement, ne connut pas de suite.

Elle fut alors réengagée à partir du 23 novembre 2021, une demande d’autorisation de travail étant introduite par ce troisième employeur et accordée en date du 2 février 2022.

Elle reprit dès lors le travail le 1er mars.

Vu l’absence de réaction de l’ONEm sur sa demande d’allocations, elle introduisit une procédure devant le Tribunal du travail de Bruxelles.

En cours de procédure, l’ONEm prit une décision de refus, au motif que son permis de travail perdait sa validité au dernier jour de son emploi pour le deuxième employeur et que la réglementation du chômage prévoit qu’un travailleur qui dispose d’un permis de séjour avec accès limité au marché du travail, dont la validité se termine le dernier jour de travail, ne peut pas bénéficier des allocations de chômage.

La décision du tribunal

Le tribunal fit droit à la demande par jugement du 26 septembre 2023.

Il annula la décision de l’ONEm et admit que la demanderesse avait droit aux allocations de chômage du 29 novembre 2021 au 28 février 2022.

L’ONEm interjette appel.

La décision de la cour

La cour reprend longuement la question de l’admissibilité aux allocations de chômage des travailleurs étrangers, renvoyant essentiellement aux articles 7, insérer §§ 14 et 15 de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 et aux articles 43, § 1er, 69 § 2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, dont elle rappelle le texte.

Ces dispositions organisent le droit aux allocations pour les travailleurs étrangers ou apatrides, eu égard à la législation relative aux étrangers et à l’occupation de la main-d’œuvre étrangère.

Elle retient notamment qu’en vertu de l’article 69 de l’arrêté royal organique (§ 2), lorsque le permis travail d’un travailleur étranger est expiré, celui-ci perd le bénéfice des allocations 60 jours après cette expiration sauf si le permis travail ne peut lui être refusé en application de la législation relative à l’occupation de la main-d’œuvre étrangère ou s’il a la qualité de réfugié.

La cour renvoie ensuite à la directive 2011/98/UE du 13 décembre 2011 établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un État membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un État membre.

Elle rappelle longuement la finalité de cette directive, qui est d’établir dans les divers Etats membres une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique ainsi qu’un socle commun de droits, aux fins d’assurer aux ressortissants des Etats tiers un traitement équitable et de leur garantir des droits et des obligations comparables à ceux des citoyens de l’Union.

En droit belge, si la question du droit au séjour demeure une compétence fédérale, l’octroi de l’autorisation de travail dépend exclusivement des Régions.

Au niveau de la Région flamande, la matière est réglée par l’arrêté du Gouvernement flamand du 7 décembre 2018 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers. Celui-ci prévoit les hypothèses spécifiques de retrait de l’admission à l’emploi (articles 13 et 14).

Pour ce qui est du permis unique, les conséquences de la fin de l’autorisation de travail sont précisées dans un Accord de coopération du 2 février 2018 (Accord de coopération entre l’Etat fédéral, la Région wallonne, la Région flamande, la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone du 2 février 2018 portant sur la coordination des politiques d’octroi d’autorisations de travail et d’octroi du permis de séjour, ainsi que les normes relatives à l’emploi et au séjour des travailleurs étrangers).

Celui-ci dispose notamment que, lorsque le ressortissant d’un pays tiers n’est plus autorisé à travailler, son séjour prend fin de plein droit nonante jours après la fin de l’autorisation (sauf possibilité pour le ministre de mettre fin au séjour conformément à la législation relative à l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers).

S’il n’y a pas de décision de fin de séjour pendant cette période, le ressortissant de pays tiers reçoit un document de séjour provisoire.

En l’espèce, la cour considère que l’autorisation de travail n’a pas perdu sa validité le 29 octobre 2021, l’intéressée remplissant les conditions de la législation relative aux étrangers au moment de la demande d’allocations, et ce durant toute la période jusqu’au 28 février 2022 (veille de son dernier emploi).

Elle souligne que l’intéressée disposait d’un permis de séjour valable – ce qui n’est pas contesté.

Quant à l’autorisation de travail, celle-ci a été accordée le 20 avril 2021 par la Région flamande, qui a confirmé transmettre sa décision à l’Office des étrangers.

L’Office des étrangers a ainsi, quelques jours plus tard, délivré une annexe 46, confirmant l’autorisation de travail et la carte A a été prolongée jusqu’au 9 mai 2024.

En cours de route, le permis unique a été retiré à la date du 24 mars 2022.

À partir de ce moment, en vertu de l’article 36 de l’Accord de coopération et de l’article 51/25 – 2, § 5, de la loi du 15 décembre 1980, l’intéressée avait encore trois mois pour chercher un nouvel employeur avant de perdre son droit au séjour.

Au moment de sa demande d’allocations, elle y avait dès lors toujours droit.

Pour ce qui est de la décision de retrait, celle-ci doit être notifiée par l’Office des étrangers, notification qui permet de la contester.

Le retrait de l’autorisation de travail ne peut dès lors être opéré que par l’autorité régionale, et ce dans une décision motivée, qui est transmise à l’Office des étrangers et est notifié par celui-ci.

En l’espèce, l’intéressée a dès lors continué à bénéficier de son autorisation de travail jusqu’à son retrait, en date du 24 mars 2022 et cette autorisation est opposable à l’ONEm.

La cour insiste sur un point précis, étant que le retrait ne peut être opéré que par une décision des autorités compétentes, en l’occurrence la Région flamande, et que n’est prévu dans l’Accord de coopération qu’une seule hypothèse dans laquelle l’autorisation de travail expire de plein droit, étant celle où il est mis fin au séjour (ce qui n’est pas le cas).

Elle souligne également qu’en vertu de l’article 9 de l’Arrêté du gouvernement flamand, l’employeur doit informer l’autorité régionale de la fin du contrat de travail si celle-ci intervient en cours de validité de l’autorisation de travail et qu’il n’est pas prévu que l’autorisation de travail cesse de produire ses effets par le seul fait de la fin du contrat.

Rien ne permettait dès lors à l’ONEm de considérer que l’autorisation travail était « devenue automatiquement caduque au moment (du) licenciement ».

L’ONEm n’est par ailleurs pas compétent pour procéder au retrait de l’autorisation de travail vu que celle-ci appartient exclusivement aux Régions et que celles-ci doivent d’ailleurs prendre à cet égard une décision motivée.

Par conséquent, lors de sa mise au travail auprès du troisième employeur, l’intéressée était couverte par une autorisation de travail.

La cour examine encore un deuxième argument de l’ONEm, tiré à l’absence de disponibilité sur le marché du travail.

L’ONEm soutient ici que l’intéressée ne pouvait être considérée disponible pour l’ensemble du marché de l’emploi au sens de l’article 56, § 1er, de l’arrêté royal puisque l’autorisation de travail n’était valable que pour un seul employeur et qu’elle n’était de ce fait pas disponible pour l’ensemble du marché du travail belge, le simple fait qu’elle était éventuellement en mesure d’obtenir une nouvelle autorisation d’occupation en cas de nouvel engagement n’étant pas suffisant.

La cour répond ici que la condition de disponibilité est une condition d’octroi des allocations et non d’admissibilité et que la position de l’ONEm en l’espèce ne s’appuie sur aucune disposition de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, les hypothèses d’indisponibilité sur le marché du travail étant définies à l’article 56, § 1er, de l’arrêté royal et l’ONEm n’étant pas compétent pour prendre une décision.

Enfin, à supposer qu’il le soit, la cour constate que l’intéressée était disposée à accepter tout emploi convenable, ayant trouvé rapidement un nouveau contrat de travail.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be