Commentaire de C. trav. Mons, 26 février 2025, R.G. 2024/AM/157
Mis en ligne le dimanche 12 octobre 2025
Cour du travail de Mons, 26 février 2025, R.G. 2024/AM/157
Terra Laboris
Résumé introductif
Si, en règle, la partie qui succombe dans une procédure judiciaire doit être condamnée aux dépens, ceux-ci sont, en matière sociale, automatiquement (sauf procédure téméraire ou vexatoire) à charge des autorités et organismes tenus d’appliquer les lois et règlements en sécurité sociale, dans les procédures introduites par ou contre les assurés sociaux personnellement.
La notion d’assurés sociaux renvoie à la Charte de l’assuré social.
Les montants versés par le Fonds de Fermeture ne sont pas des prestations de sécurité sociale, celui-ci ne rentrant pas dans le champ d’application de la Charte.
En conséquence, les dépens doivent être pris en charge par le justiciable en personne physique s’il échoue dans sa procédure.
Dispositions légales
Analyse
Faits de la cause
Une ouvrière a presté pour le compte d’une société A du 1er juin 2015 au 31 août 2021.
La faillite de celle-ci a été prononcée par le Tribunal de l’entreprise du Hainaut, division Mons, 6 septembre 2021.
Deux semaines plus tard, l’intéressée a été réengagée par une société B.
Elle a introduit une demande d’indemnisation auprès du Fonds de fermeture.
Celui-ci a estimé que l’entreprise faillie avait fait l’objet d’une reprise après faillite par la société B et que, ayant été réengagée par celle-ci dans les quatre mois suivant la reprise de l’actif, la demanderesse n’avait pas droit, en application de l’article 42, alinéa 1er, 2°, 3e tiret, de la loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures d’entreprise, à une indemnité compensatoire de préavis.
Ayant réclamé un montant de l’ordre de 20.000 € par la formule F1, elle ne s’en est vu allouer que la moitié environ, le Fonds de fermeture ayant appliqué les plafonds légaux.
Elle a introduit une action judiciaire par requête du 7 juin 2023, contestant la décision du Fonds de fermeture devant le Tribunal du travail du Hainaut, division de Mons.
Son action a été déclarée prescrite par jugement du 10 avril 2024.
Appel est interjeté.
Il porte essentiellement sur les dépens.
Le tribunal du travail a en effet condamné la travailleuse à ceux-ci, non taxés par le Fonds, et elle demande à la cour de les mettre en charge de ce dernier, et ce pour les deux instances.
La décision de la cour
La cour rappelle l’article 580, 2°, du Code judiciaire, qui donne aux juridictions du travail une compétence générale pour les contestations relatives aux droits et obligations des travailleurs salariés et apprentis et de leurs ayants droits résultant des lois et règlements prévus par son 1°, (étant les contestations relatives aux obligations des employeurs (et des personnes solidairement responsables) pour le paiement des cotisations prévues par la législation en matière de sécurité sociale, de prestations familiales, chômage, AMI, pensions de retraite ou de survie, vacances annuelles, sécurité d’existence, ainsi que fermeture d’entreprise, notamment).
Sur la question des dépens, le Code judiciaire fait en son article 1017 obligation à la juridiction de prononcer même d’office la condamnation aux dépens contre la partie qui a succombé (sauf exception).
Cependant, ceux-ci sont (sauf action téméraire ou vexatoire) à charge de l’autorité ou de l’organisme tenu d’appliquer les lois et règlements en matière de sécurité sociale, le texte renvoyant ici aux demandes introduites par ou contre les assurés sociaux personnellement.
Ceci amène la cour à préciser la notion d’assurés sociaux.
Le Code judiciaire renvoie ici à la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la Charte de l’assuré social (article 2, 7°), étant les personnes physiques qui ont droit à des prestations sociales, qui y prétendent ou qui peuvent y prétendre, ainsi que leurs représentants légaux et leurs mandataires.
La cour relève que le montant versé par le Fonds de fermeture n’est pas une prestation de sécurité sociale, renvoyant ici à la notion de sécurité sociale au sens de la Charte (article 2, 1°).
Elle énumère toutes les branches couvertes, ne pouvant que constater que l’intervention du Fonds de fermeture n’entre pas dans cette notion, qui elle-même renvoie à l’article 21 de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés.
La cour liste les diverses branches de la sécurité sociale au sens de cette disposition et elle ne peut encore que conclure que la prestation fournie par le Fonds de fermeture n’y figure pas et ne peut être assimilée à des allocations de chômage.
Le Fonds a une personnalité juridique propre et a pour objet de suppléer aux carences de l’employeur défaillant.
Il est exclu du champ d’application de la Charte de l’assuré social, ce qui a été confirmé par une proposition de loi (19 décembre 2020, Doc. 55 0999, 2/001), proposition qui n’a jamais abouti.
La Charte n’étant pas applicable au Fonds de fermeture, l’appelante ne peut être considérée comme une assurée sociale au sens de celle-ci et ne peut bénéficier de la disposition spécifique mettant les dépens à charge de l’autorité qui fournit des prestations de sécurité sociale.
En conséquence, la cour liquide les dépens, condamnant l’intéressée à ceux-ci et rappelant que le juge doit déterminer d’office le montant de base correct de l’indemnité de procédure conformément au tarif (avec renvoi à Cass., 13 janvier 2023, C.22.0158.N et à J.-F. VAN DROOGHENBROECK, « Indemnité de procédure et principe dispositif », J.T., 2023, p.174).