Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 février 2025, R.G. 2023/AB/687
Mis en ligne le lundi 13 octobre 2025
C. trav. Bruxelles, 14 février 2025, R.G. 2023/AB/687
Résumé introductif
Le statut de travailleur indépendant à titre complémentaire suppose que soit exercée également une activité de travailleur salarié.
La perception d’une indemnité compensatoire de préavis doit être assimilée à l’activité professionnelle elle-même, le critère n’étant pas l’exercice effectif de celle-ci mais la sauvegarde des droits à une pension de retraite.
Le caractère complémentaire ne dépend nullement de l’exercice effectif de l’activité principale à laquelle il a été mis fin, et ce d’autant que l’indemnité compensatoire de préavis à un caractère rémunératoire et fait l’objet de cotisations de sécurité sociale.
Dispositions légales
Analyse
Les faits
Une travailleuse salariée prit un congé sans solde en 2015 et s’affilia auprès d’une caisse d’assurances sociales en qualité d’indépendante à titre principal, devenant gérante d’un centre d’esthétique.
En 2020, elle sollicita la réduction ou l’exonération de ses cotisations au motif de faibles revenus.
La décision ne put être prise, l’intéressée ne remplissant pas les formulaires demandés.
Elle demanda le 19 mars 2020 le bénéfice des prestations de droit passerelle.
Celui-ci lui fut accordé jusqu’en avril 2021.
Le 8 avril 2020, elle fut licenciée moyennant règlement d’une indemnité compensatoire de préavis, couvrant la période du 1er juin 2020 au 27 septembre 2022.
Elle n’informa pas la caisse de la chose.
En novembre 2021, des échanges intervinrent avec celle-ci, qui estima que l’intéressée devait être assujettie à titre complémentaire et non à titre principal.
Une révision des cotisations intervint et elle reçut un remboursement.
À partir du 28 septembre 2022 (premier jour suivant la fin de la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis), elle fut de nouveau affiliée à titre principal.
Parallèlement, elle demanda le bénéfice des allocations de chômage à partir du 26 octobre 2022.
La caisse réclama par décision du 8 décembre 2022 le remboursement des prestations de droit passerelle (simple et double ainsi que prime COVID unique perçue de novembre 2020 à avril 2021).
Dans sa motivation, la caisse retint que, s’agissant d’un indépendant à titre complémentaire, doivent être prises en compte des conditions de revenus, étant qu’il doit être redevable de cotisations sociales en 2020, calculées sur le revenu professionnel de 2017 et être compris dans une fourchette (étant de 6.649,53 € à 13.299,06 € pour le droit passerelle partiel et de 6.649,53 € à plus de 13.299,06 € pour le droit passerelle complet).
Était précisé que le droit était également ouvert pour le droit passerelle partiel en cas de revenus de l’année 2020 du même ordre (plus exactement entre 6.996,89 € et 13.993,77 €).
L’intéressée n’ayant pas eu de revenus professionnels en 2020, elle ne remplissait pas les conditions légales.
Pour 2021, les explications étaient du même ordre, visant toujours la question des revenus.
La caisse précisait qu’elle n’avait aucune information concernant les revenus de l’année 2018 et l’intéressée était invitée à envoyer son avertissement-extrait de rôle pour l’exercice d’imposition 2022–revenus 2021 afin que puissent éventuellement être pris en compte les revenus professionnels de l’année 2021.
D’ores et déjà un indu avait été constaté et était réclamé, pour un montant de 16.099,09 €.
Une demande de renonciation auprès de l’INASTI fut introduite mais elle fut rejetée, n’étant pas dûment justifiée et l’état de besoin ou la situation voisine de l’état de besoin n’étant pas démontrés, d’autant que les revenus du ménage étaient considérés comme « substantiels ».
Une action fut dès lors introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles.
La décision du tribunal
Le tribunal a confirmé le refus du double droit passerelle et de la prime unique COVID pour la période du 1er octobre 2020 au 30 avril 2021. Il a accueilli la demande reconventionnelle, qui portait sur la récupération des prestations fournies.
L’intéressée a interjeté appel de cette décision, demandant à la cour de la mettre à néant, de condamner la caisse à un euro provisionnel du chef d’allocations non payées, sollicitant également que celle-ci soit condamnée à effectuer un décompte.
La décision de la cour
Pour la cour, un seul point est en litige, étant de savoir si pendant la période litigieuse l’intéressée avait la qualité de travailleur indépendant à titre principal ou à titre complémentaire.
Pour l’appelante, son activité de travailleuse salariée a pris fin le 31 mai 2021 et n’est plus exercée.
Elle ne peut dès lors se voir reconnaître le statut de travailleur indépendant à titre complémentaire.
Celui-ci suppose, en effet, en vertu de l’article 35, § 1er, a), alinéa 1er, de l’arrêté royal du 19 décembre 1967, que soit exercée également une activité de travailleur salarié, ce qui n’est pas le cas.
En outre, elle estime que la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis ne peut être assimilée, et ce dans la mesure où l’article 3, alinéa 1er, 1°, de l’arrêté royal du 21 décembre 1967 renvoie à l’article 15, 2°, de l’arrêté royal n° 50, qui vise les cotisations de travailleur salarié retenues ‘lors de chaque paye’, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’indemnité compensatoire de préavis ayant été liquidée en une fois.
La cour rejette cette manière de voir.
Elle rappelle l’article 12, § 2, de l’arrêté royal n° 38 organisant le statut social des travailleurs indépendants, qui a confié au Roi le soin de déterminer ce qu’il faut entendre par ‘occupation habituelle et en ordre principal’ au sens de la législation, permettant de retenir qu’une activité indépendante est exercée à titre accessoire.
En son article 35, § 1er, l’arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l’arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants renvoie, pour la notion, en cas de travail salarié, à un régime de travail au moins égal (en termes mensuels) à la moitié du nombre d’heures de travail prestées par un travailleur occupé à temps plein dans la même entreprise ou à défaut dans la branche d’activité.
Pour les périodes d’inactivité, il est renvoyé au régime de pension des travailleurs salariés.
Par ailleurs, l’article 36, § 1er, du même arrêté royal du 19 décembre 1967 prévoit que doit être incluse dans la notion, lorsqu’il a été mis fin à l’activité elle-même, l’hypothèse où l’assujetti bénéficie d’une prestation dans le cadre du régime de la sécurité sociale ou d’une pension légale.
De même s’il sauvegarde ses droits à une pension de retraite sans bénéficier d’une prestation ou d’une pension elle-même.
Pour la cour, le critère est donc la sauvegarde des droits à une pension de retraite (ou d’invalidité) et non l’exercice effectif d’une activité professionnelle.
Le caractère complémentaire ne dépend nullement de l’exercice effectif de l’activité principale à laquelle il a été mis fin.
La cour rappelle encore le caractère rémunératoire de l’indemnité de préavis ainsi que la perception des cotisations sociales sur celle-ci.
Elle souligne encore que lorsque son statut a été régularisé, l’intéressée a accepté le remboursement des cotisations sociales perçues vu l’exercice d’une activité principale.
La cour confirme dès lors le jugement.
Elle rejette encore très brièvement un dernier argument de l’intéressée, qui invoque l’article 17, alinéa 2, de la Charte aux fins d’éviter le remboursement de l’indu.