Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 janvier 2025, R.G. 2023/AB/520
Mis en ligne le lundi 13 octobre 2025
C. trav. Bruxelles, 13 janvier 2025, R.G. 2023/AB/520
Résumé introductif
Le mécanisme d’indexation ou de non-indexation de l’article 13 de la loi du 3 juillet 1967 n’opère que pour le futur de la rente et non pour les étapes du calcul qui précèdent la détermination de son montant réel.
Pour calculer le montant de la rente, il faut multiplier le montant nominal de celle-ci, obtenu sur la base de la rémunération désindexée, par le coefficient ayant servi à la désindexation de la rémunération de base à la date de l’accident.
Le taux d’intérêt applicable aux arriérés est de 7 %, conformément à l’article 2, § 3, de la loi du 5 mai 1865 relative au prêt à intérêt, taux applicable aux matières sociales.
Dispositions légales
Analyse
Faits de la cause
Une employée d’un organisme d’intérêt public avait fait une glissade et une chute dans un tram alors qu’elle était sur le chemin du travail.
L’employeur public ayant consolidé avec 0 % d’IPP, suivant en cela l’avis du Medex, une procédure a été lancée devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui a admis une incapacité permanente de 5 %.
Il a en outre, en application de l’article 3bis de la loi du 3 juillet 1967, condamné l’employeur, à rémunérer l’intéressée à temps plein pendant une période d’incapacité temporaire où elle avait presté à temps partiel ainsi qu’à des frais de déplacement.
Il a précisé que des intérêts étaient dus au taux légal à dater de l’exigibilité des sommes.
Il a réservé a statué en ce qui concerne l’indexation de la rente.
L’intéressée a interjeté appel.
Les demande en appel
L’appelante réclame une rente indexée et sollicite la condamnation aux intérêts de retard au taux légal de 7 %.
Pour le calcul de la rente, elle estime qu’il faut (i) prendre la rémunération de base désindexée comparée au plafond légal non indexé, n’étant retenu que le montant le moins élevé, (ii) multiplier ce montant par le taux d’incapacité permanente (avec application éventuelle du coefficient de réduction prévu par l’article 3, § 3, de la loi du 3 juillet 1967 et (iii) multiplier le résultat par le coefficient de majoration ayant servi à la désindexation de la rémunération de base.
Pour l’intimé, il y a lieu uniquement d’appliquer le taux d’incapacité permanente à la rémunération de base désindexée (ou au plafond légal non indexé s’il est inférieur) et de tenir compte s’il échet du coefficient de réduction ci-dessus.
En l’espèce, le montant est de 1.467,59 € pour l’appelante et de 912,45 € pour l’employeur.
La cour reprend longuement le débat sur la question à partir des dispositions de la loi du 3 juillet 1967 (articles 1, 3, 4 et 13) ainsi que de l’article 3 de l’arrêté royal du 12 juin 1970 relatif à la réparation, en faveur des membres du personnel des organismes d’intérêt public, des personnes morales de droit public et des entreprises publiques autonomes, des dommages résultant des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail.
Elle souligne les interventions récentes de la Cour constitutionnelle (arrêts du 13 avril 2023, n° 61/2023 et 23 novembre 2023, n° 157/2023) et fait de longs développements sur les diverses solutions jurisprudentielles intervenues vu les dispositions de l’article 13 de la loi relatif à la question de l’indexation de la rente, qui contient en son alinéa 2 une exception, la rente n’étant pas indexée lorsque l’incapacité de travail permanente n’atteint pas 16 %.
Renvoyant à diverses décisions, la cour confirme l’interprétation selon laquelle le mécanisme d’indexation ou de non-indexation de l’article 13 de la loi du 3 juillet 1967 n’opère que pour le futur de la rente et non pour les étapes du calcul qui précèdent la détermination de son montant réel, lequel est fixé en multipliant le montant nominal de la rente (obtenu sur la base de la rémunération désindexée) par le coefficient ayant servi à la désindexation de la rémunération de base à la date de l’accident.
La cour accueille ainsi la demande de la victime d’obtenir le paiement d’une rente dont le montant est indexé à la date de l’accident.
Par ailleurs, il lui appartient également de trancher la question de l’intérêt de retard, l’appelante demandant d’assortir les condamnations principales de celle aux intérêts de retard au taux légal de 7 %, l’employeur demandant pour sa part qu’il soit dit pour droit que le taux doit être fixé ‘au taux légal’, étant le taux en matière civile.
Il s’agit dès lors de déterminer si est applicable le taux légal en matière sociale visé à l’article 2, § 3, de la loi du 5 mai 1865 relative au prêt à intérêt ou le taux d’intérêt légal en matière civile, visé à l’article 2, § 1er de la même loi (ce qui est également la position du ministère public).
La cour reprend dès lors cette disposition.
Son § 1er dispose que le taux d’intérêt légal en matière civile et en matière commerciale dépend du taux d’intérêt EURIBOR et est fixé annuellement par l’administration générale de la Trésorerie du Service public fédéral Finances.
Le taux d’intérêt légal en matière sociale, visé au § 3, est fixé à 7 % même si les dispositions sociales renvoient au taux d’intérêt légal en matière civile et pour autant qu’il n’y soit pas explicitement dérogé dans des dispositions sociales, notamment dans la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.
La cour relève que ce texte a été inséré dans l’article 2 de la loi du 5 mai 1865 par une loi-programme du 8 juin 2008 mais qu’elle ne définit pas ce qu’il faut entendre par ‘matière sociale’.
Elle estime qu’il faut donner à ces termes une acception large et que notamment la matière des accidents du travail est couverte.
Elle renvoie à différentes décisions de jurisprudence en ce sens (dont C. trav. Bruxelles, 15 mai 2023, R.G. 2020/AB/673), selon lesquelles il ne trouve en effet pas seulement à s’appliquer en faveur de l’O.N.S.S. Il ne vise pas seulement les dettes de cotisations sociales mais l’ensemble des matières sociales.
La cour renvoie encore au terme ‘notamment’ repris dans la disposition ci-dessus.
Elle note en outre que cette interprétation est confortée par le fait que l’article 42 de la loi-programme en cause, qui a inséré la disposition litigieuse, figure à la Section 3 du Chapitre 4 « O.N.S.S. » du titre V « Affaires sociales » de la loi-programme, cette section visant l’intérêt légal en sécurité sociale.