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Prescription de l’action en répétition d’indu de cotisations O.N.S.S.

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 décembre 2024, R.G. 2022/AB/799

Mis en ligne le lundi 20 octobre 2025


Cour du travail de Bruxelles, 11 décembre 2024, R.G. 2022/AB/799

Terra Laboris

Résumé introductif

Si l’article 42 de la loi du 27 juin 1969 contient une règle de prescription particulière en matière de répétition d’indu de cotisations, celle-ci ne s’applique que pour les cotisations visées par l’article 5/2 de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 24 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.

Dans les autres hypothèses, la prescription et est celle de l’article 2262bis, § 1er, de l’ancien Code civil.

Dispositions légales

  • Loi du 24 octobre 2011 assurant un financement pérenne des pensions des membres du personnel nommé à titre définitif des administrations provinciales et locales et des zones de police locale - article 4
  • Loi du 27 juillet 1969 révisant l’arrêté-loi du 24 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs - article 42
  • Code civil (ancien) - article 2262bis, § 1er.

Analyse

Faits de la cause

Les faits concernent la période 2005–2019.

Pendant celle-ci Bruxelles Propreté (organisme d’intérêt public au sens de l’article 3 de l’Ordonnance du 19 juillet 1990 portant création de l’Agence Régionale pour la Propreté) a retenu 13,07 % sur le pécule de vacances de ses agents statutaires.

Il s’agissait de subsidier dans un premier temps (période 2005–2011) un Fonds d’égalisation du taux des cotisations de pension et, à partir du 1er janvier 2012 , un Fonds de pension solidarisé des administrations provinciales et locales ainsi qu’un Fonds d’amortissement de l’augmentation des taux de cotisation de pension.

Pour la première période, l’organisme se fondait sur la loi du 6 août 1993 relative aux pensions du personnel nommé des administrations locales (article 10). Pour la seconde, sur la loi du 24 octobre 2011 assurant un financement pérenne des pensions des membres du personnel nommé à titre définitif des administrations provinciales et locales et des zones de police locale (article 4). Celle-ci avait modifié la loi du 6 mai 2002 portant création du Fonds des pensions de la police intégrée et portant des dispositions particulières en matière de sécurité sociale et contenant diverses dispositions modificatives.

Les retenues ont été versées dans un premier temps à l’ONSS–APL et ensuite à l’ORPS, qui l’a remplacé, et ultérieurement à l’O.N.S.S., qui a repris les compétences de ce dernier (1er janvier 2017).

Suite à un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 22 mai 2014 (n° 81/2014), Bruxelles Propreté a interrogé l’ONSS sur la base légale ou réglementaire de cette retenue.

N’étant pas convaincu par la position de l’O.N.S.S., qui persistait à en affirmer le bien fondé, Bruxelles Propreté a introduit une procédure devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles le 17 septembre 2018.

Objet de la demande

A titre principal, était sollicitée la condamnation de l’O.N.S.S. au remboursement des sommes payées indûment, étant un montant de l’ordre de 2.300.000 € et, à titre subsidiaire, l’Office demandait qu’une question soit posée à la Cour constitutionnelle.

La décision du tribunal

Le tribunal a statué le 5 mai 2021 et a interrogé la Cour constitutionnelle, suivant en cela la demande développée à titre subsidiaire, vu que les membres statutaires de Bruxelles Propreté bénéficient d’un régime de pension propre (en vertu de l’Ordonnance du 13 avril 1995 relative à la pension des membres du personnel de l’Agence pour la Propreté et du Service d’Incendie et d’Aide médicale urgente de la Région de Bruxelles-Capitale), posant la question de la conformité des articles 2 et 4 de la loi du 24 octobre 2011 aux articles 10 et 11 de la Constitution.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle

La Cour a répondu dans un arrêt du 7 juillet 2022 (n° 93/2022), disant pour droit que la question n’appelait pas de réponse, et ce au motif que les dispositions visées ne peuvent pas servir de fondement au prélèvement de la retenue en cause, Bruxelles Propreté, personne morale de droit public dépendant de la Région de Bruxelles-Capitale et ne pouvant être considéré comme une administration provinciale ou une administration locale au sens des dispositions visées.

La procédure après l’arrêt de la Cour constitutionnelle

Appel du jugement du 5 mai 2021 a été interjeté par l’Agence par requête du 6 décembre 2022.

L’affaire a dès lors été instruite par la cour du travail, tenant compte de l’enseignement de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 7 juillet 2022.

À la suite de celui-ci, l’O.N.S.S. a procédé au remboursement partiel de la somme indûment versée.

Position des parties devant la cour du travail

Bruxelles Propreté considère que reste un solde de l’ordre de 1.270.000 €, la prescription applicable étant la prescription ordinaire, montant sur lequel il demande en sus la condamnation aux intérêts moratoires et judiciaires, les dépens devant être mis à charge de l’ONSS, dont 22.500 € d’indemnité de procédure par instance.

Quant à l’Office, il sollicite que la cour déclare l’appel recevable mais non fondé, s’agissant de retenir un délai de prescription de trois ans, et ce vu les travaux préparatoires de la loi du 24 octobre 2011.

La décision de la cour du travail

La cour note que l’objet du litige est circonscrit à cette seule question.

Il s’agit de déterminer la qualification juridique du prélèvement opéré, étant de savoir c’est une cotisation de sécurité sociale ou non.

Ceci entraîne des effets sur le plan de la prescription, s’agissant soit d’appliquer le délai de prescription propre à l’action intentée contre l’O.N.S.S. en répétition de cotisations indues (étant un délai de trois ans à partir de la date du paiement, ainsi que prévu à l’article 42 de la loi du 27 juillet 1969 révisant l’arrêté-loi du 24 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs) soit de retenir que c’est une action personnelle, ce qui entraîne l’application du délai de 10 ans en vertu de l’article 2262bis, § 1er, de l’ancien Code civil.

La cour rejette la position de l’O.N.S.S., selon laquelle il s’agirait de cotisations de sécurité sociale, et ce au motif que ce prélèvement n’entre pas dans le champ d’application de la loi du 24 octobre 2011.

Elle relève que l’article 5/2 de la loi du 27 juin 1969 ne donne à l’O.N.S.S. que certains pouvoirs en matière de perception et de recouvrement de cotisations et que les prélèvements en cause ne sont pas visés.

Par ailleurs, il n’existe pas d’autre fondement légal permettant de justifier la mesure.

Il ne s’agit dès lors pas de cotisations de sécurité sociale et l’action ne peut être qualifiée d’action en répétition de cotisations indues au sens de l’article 42 de la loi du 27 juin 1969.

Le délai applicable n’est pas de trois ans mais de dix ans.

Enfin, la cour constate que le caractère indu n’est pas contesté.

Elle examine dès lors les chiffres et accueille l’appel, condamnant l’O.N.S.S. au remboursement avec intérêts ainsi qu’iaux dépens.


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