Commentaire C. trav. Liège (div. Liège), 23 décembre 2024, R.G. 2023/AL/499
Mis en ligne le lundi 20 octobre 2025
C. trav. Liège (div. Liège), 23 décembre 2024, R.G. 2023/AL/499
Résumé introductif
Une circulaire administrative ne peut modifier ou étendre les droits et obligations des assurés sociaux au-delà de ce qui est prévu par un texte légal et ne lie nullement le juge. Doit dès lors être écartée une circulaire administrative qui ajoute des conditions qui ne sont pas conformes au texte.
En matière d’allocations familiales auxquelles peut prétendre l’enfant qui n’est plus soumis à l’obligation scolaire et est inscrit comme demandeur d’emploi, les textes ne prévoyaient pas avant l’entrée en vigueur de la régionalisation des allocations (1er janvier 2019) de durée entre les évaluations du FOREm.
Par ailleurs, la réglementation chômage n’impose pas de nouvelle évaluation dans un délai maximum de six mois sauf en cas d’évaluation négative. Tel n’est pas le cas après une évaluation positive, où la périodicité de six mois n’existe pas.
Dispositions légales
Loi générale relative aux allocations familiales du 19 décembre 1939 – articles 56bis et 62, §§ 1er, et 5
Arrêté royal du 12 août 1985 portant exécution de l’article 62, § 5 de la LGAF - articles 1er, §§ 1er, et 4
Décret wallon du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales – article 120
Arrêté du Gouvernement wallon du 20 septembre 2018 exécutant l’article 5, §§ 3, et 4, du Décret wallon du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales – article 15
Arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage – article 36/5
Analyse
Faits de la cause
Suite au décès de son époux, une mère de famille a bénéficié d’allocations majorées pour son enfant né le 29 août 1995 de février 2007 au 28 février 2019 en application de l’article 56bis de la loi générale sur les allocations familiales.
A partir du 1er janvier 2019, la poursuite du paiement des allocations au taux majoré est intervenue en application de l’article 120 du Décret wallon du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales.
L’enfant a été scolarisé (enseignement secondaire) jusqu’en juin 2012 et a suivi l’enseignement professionnel au CEFA pendant les années scolaires 2014–2015 et 2015–2016.
Après la fin de cette formation en alternance, il s’est inscrit comme demandeur d’emploi le 8 décembre 2016.
Les deux premières évaluations de recherche d’emploi ont été négatives et la troisième a été positive.
Six mois après celle-ci, FAMIWAL a mis fin au paiement des allocations familiales.
Une deuxième évaluation positive étant intervenue en août 2019, l’intéressé a demandé des allocations d’insertion à partir de cette date.
Le recours devant le tribunal
La mère a introduit une requête devant le Tribunal du travail de Liège, division Liège, contestant la décision de FAMIWAL, précisant que « en plus (son) fils (n’avait) pas droit au chômage ».
M. L’auditeur du travail a invité le greffe à mettre l’ONEm à la cause.
Un premier jugement (avant-dire droit) a été rendu le 22 septembre 2022, posant diverses questions aux parties.
Le tribunal a vidé sa saisine par jugement du 26 octobre 2023.
Il accueille l’action contre FAMIWAL, admettant le droit de la mère au paiement des allocations familiales majorées du 1er mars 2019 au 30 août 2019 et jugeant non fondée l’action contre l’ONEM.
Dans son jugement, le tribunal rappelle la position de FAMIWAL, selon laquelle les allocations ne sont plus dues après février, se fondant sur le point 3.3, 2e étape, option 2 a, de la circulaire 1410 (CO 1410 du 10 juin 2016 - Prolongation du stage d’insertion professionnelle - Régionalisation de la politique d’activation en matière de recherche d’emploi - Conséquences sur les allocations familiales - Adaptation de la procédure pour l’établissement du droit aux allocations familiales), selon lequel les allocations continuent à être payées sur la base du résultat de la dernière évaluation jusqu’à la réception du résultat de l’évaluation suivante et tout au plus pendant six mois.
Le tribunal rappelle que la circulaire prévoit expressément que lors de la prolongation du SIP il existe un droit aux allocations familiales jusqu’à la fin du mois au cours duquel le deuxième entretien d’évaluation positif a eu lieu.
C’est sur cette base qu’il admet, vu le deuxième entretien positif du 26 août 2019, le droit aux allocations jusqu’à la fin du mois.
Position des parties devant la cour
Pour FAMIWAL, qui sollicite la réformation du jugement, le tribunal a fait une lecture partielle de la circulaire et lui fait grief de ne pas avoir interrogé la demanderesse sur la raison de l’absence d’évaluation entre août 2018 (première évaluation positive) et août 2019 (seconde). Il renvoie à l’article 36/5 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, en vertu duquel il doit toujours y avoir un maximum de six mois entre deux évaluations. Telle est également la teneur de l’article 15 de l’AGW.
Pour l’intimée, il y a lieu de confirmer le jugement dont appel. Elle précise qu’entre les deux évaluations, son fils a attendu la convocation du FOREm.
Quant à l’ONEM, il fait valoir qu’aucune demande à son encontre n’est formulée par FAMIWAL et qu’il a purement et simplement appliqué l’article 36 de l’arrêté royal organique.
La décision de la cour
Les textes applicables sont rappelés en préambule.
Il s’agit pour ce qui est des allocations familiales de l’article 62, §§ 1er, et 5, de la loi générale relative aux allocations familiales du 19 décembre 1939 ainsi que des articles 1er, §§ 1er, et 4, § 1er/2 de l’arrêté royal du 12 août 1985 portant exécution de ce § 5.
En matière de chômage, la cour reprend l’article 35/5 de l’arrêté royal organique.
Elle retient que la réglementation chômage n’impose pas de nouvelle évaluation dans un délai maximum de six mois sauf en cas d’évaluation négative. Tel n’est pas le cas après une évaluation positive, où la périodicité de six mois n’existe pas.
L’arrêt retient que le FOREm reste ainsi maître de celle-ci ainsi que du timing.
Pour ce qui est de la circulaire, la cour souligne que celle-ci ne peut modifier ou étendre les droits et obligations des assurés sociaux au-delà de ce qui est prévu par un texte légal et qu’elle ne lie nullement le juge.
La cour reprend ensuite les éléments de l’espèce.
Après la deuxième évaluation positive, l’article 4, § 1er/2 de l’arrêté royal d’exécution de l’article 62, § 5, de la loi générale permettait à FAMIWAL d’arrêter tout paiement.
Les dispositions ne prévoient pas de durée entre l’évaluation du FOREm et la circulaire administrative ajoute, par conséquent, des conditions qui ne sont pas conformes au texte.
La cour se saisit encore d’un argument de FAMIWAL, qui renvoie aux conditions de l’article 36/5 de l’arrêté royal chômage et elle rappelle que le délai de six mois maximum n’est prévu qu’en cas d’évaluation négative.
La limitation des allocations ne pouvait dès lors intervenir six mois après l’évaluation positive de août 2018.
FAMIWAL excipant encore de l’article 15 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 20 septembre 2018 exécutant l’article 5, §§ 3, et 4, du Décret wallon du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales, la cour rappelle ici que l’arrêté du gouvernement wallon en cause est entré en vigueur le 1er janvier 2019 et qu’il ne trouvait dès lors pas à s’appliquer au moment de la prolongation litigieuse, intervenue en août 2018.
L’ancienne réglementation ne peut dès lors être interprétée en fonction de règles postérieures.