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Suppression des allocations d’attente : calcul du délai de 36 mois et effet de la radiation comme demandeur d’emploi opérée en dehors des motifs prévus par l’article 58 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), chbre 6A, 15 octobre 2024, R.G. 2022/AN/108 et 2022/AN/114

Mis en ligne le mardi 4 novembre 2025


C. trav. Liège (div. Namur), chbre 6A, 15 octobre 2024, R.G. 2022/AN/108 et 2022/AN/114

Résumé introductif

Sont exclues du calcul du délai de 36 mois fixé à l’article 63, § 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 les périodes pendant lesquelles le jeune chômeur est considéré comme travailleur ayant charge de famille ou comme isolé jusqu’au plus tard le premier jour du mois qui suit son trentième anniversaire.

L’inclusion par l’ONEm, parmi les personnes ne bénéficiant plus des allocations, des chômeurs ayant contesté une décision de refus devant le tribunal du travail, ce sans préciser l’existence d’un recours et donc la persistance de leur obligation de demeurer inscrits comme demandeurs d’emploi, constitue une faute.

Dispositions légales

  • Code civil - article 1382
  • Arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage - articles 52, 58, 63, § 2, et 152

Analyse

Faits de la cause

M. G. a contesté devant le tribunal du travail la décision de l’ONEm ayant mis fin à son droit aux allocations d’attente fin le 20 juin 2019 et a mis en cause la responsabilité de la CAPAC.

Le litige revient devant la cour après un arrêt interlocutoire du 6 février 2024, qui a décidé que la limitation des allocations d’attente à 36 mois ne violait pas l’article 23 de la Constitution et l’effet de standstill découlant de cette disposition.

Ainsi que le rappelle l’arrêt commenté, la cour du travail est dessaisie de cette question litigieuse d’ordre public définitivement tranchée et renvoie sur la question à l’arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 2009 (Pas., 2009 p.1671 avec les conclusions de M. l’avocat général Th. WERQUIN).

Par contre, les débats ayant été repris ab initio en raison de la composition du siège, ceux-ci ne sont pas limités à l’objet de la réouverture. L’arrêt se réfère à cet égard à plusieurs arrêts de la Cour de cassation, dont celui du 13 mai 2013 (Pas., 2013, n°273).

Cet arrêt interlocutoire du 6 février 2024 a ordonné la réouverture des débats sur l’interprétation à donner à l’article 63, § 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui exclut du calcul du nombre de mois la période qui précède le mois qui suit le trentième anniversaire du jeune travailleur chef de famille ou isolé.

Sur l’objet de cette réouverture, la décision commentée se réfère à l’arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2023 ( Cass., 12 juin 2023, S.22.0089.F (publié notamment avec les conclusions du Parquet et un commentaire sur www.terralaboris.be).

La Cour a rappelé que le droit aux allocations d’insertion est limité à une période de 36 mois, calculée de date à date, à partir du jour où le droit a été accordé pour la première fois (article 63, § 2, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991).

Cependant, il n’est pas tenu compte de la période qui précède le mois qui suit le trentième anniversaire, peu importe la situation familiale du jeune travailleur pendant cette période antérieure, pour le jeune travailleur qui est considéré comme travailleur ayant charge de famille ou comme travailleur isolé, conformément à l’article 110, §§ 1er et 2, ou qui est considéré comme travailleur cohabitant, conformément à l’article 110, § 3, mais cohabite avec un conjoint ou une personne assimilée à un conjoint qui, au cours d’un mois civil, ne dispose que de revenus de remplacement (alinéa 2).

Cette mesure a pour but de préserver jusqu’au mois de son trentième anniversaire le droit aux allocations d’insertion du jeune chômeur qui se trouve dans une des situations familiales visées, la période de 36 mois prenant cours au plus tard le mois suivant.

Il s’ensuit que la période de 36 mois ne court pas lorsque le jeune chômeur se trouve dans une de ces situations familiales, jusqu’au plus tard le premier jour du mois qui suit son trentième anniversaire.

Cet arrêt a ainsi exclu du calcul du délai de 36 mois fixé à l’article 63, § 2, de l’arrêté royal précité les périodes pendant lesquelles le jeune chômeur est considéré comme travailleur ayant charge de famille ou comme isolé jusqu’au plus tard le premier jour du mois qui suit son trentième anniversaire.

En l’espèce, l’intéressé est né le 7 juillet 1989 et n’avait pas encore 30 ans à la date du 20 juin 2019, retenue par l’ONEM comme étant celle à partir de laquelle s’arrêtait son droit aux allocations d’insertion.

Depuis le 18 décembre 2012, il a connu plusieurs statuts (isolé, chef de ménage, cohabitant non privilégié,…).

En application de la jurisprudence de la Cour de cassation, la cour du travail considère que la période antérieure au mois qui suit le 30e anniversaire, durant laquelle le chômeur justifie de l’un des statuts protecteurs (ce qui est le cas en l’espèce), demeure neutralisée (c’est-à-dire ne peut pas être prise en compte pour le calcul du délai de 36 mois), même si le chômeur devient ultérieurement cohabitant non privilégié.

M. G. a donc droit aux allocations d’insertion jusqu’au 7 juillet 2022.

L’arrêt décide par ailleurs que l’ONEm ne peut lui reprocher de n’être pas resté inscrit comme demandeur d’emploi, se référant notamment à un arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 2008 (Cass., 26 mai 2008, Chron.Dr.Soc., 2009, liv.3, p. 138), qui a indiqué que l’ONEm devait contrôler le bien-fondé de la radiation et prendre en considération les journées pendant lesquelles l’inscription comme demandeur d’emploi avait été radiée à tort.

La cour ajoute, surabondamment, qu’il n’y a aucune raison de considérer comme chômeurs auxquels le droit aux allocations avait été refusé ceux qui avaient contesté cette décision devant le tribunal du travail, ceux-ci ayant l’obligation de maintenir pendant toute la durée de la procédure leur inscription comme demandeur d’emploi.

Pour la cour, en omettant, soit d’affiner sa communication des personnes susceptibles d’être radiées comme demandeurs d’emploi, soit d’attirer l’attention du service régional de l’emploi sur les réserves à formuler au sujet de sa communication des données, l’ONEM a commis une faute au sens de l’article 1382 du Code civil.

Il s’agit d’un manquement à son obligation de prudence et de vigilance, dont le préjudice pour le chômeur peut être réparé ‘en nature’ en accordant à celui-ci le droit aux allocations de chômage pour les périodes concernées.

Renvoi est ici fait à l’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 15 septembre 2016 (C. trav. Bruxelles, 15 septembre 2016, R.G. 2015/AB/328).

Intérêt de la décision

Après les nombreuses décisions de diverses chambres de la Cour du travail de Liège ayant validé la limitation des allocations d’insertion dans le temps, la question qui se pose est celle de la radiation par le Forem de l’inscription comme demandeur d’emploi lorsque l’ONEm a mal appliqué les règles régissant cette limitation.

La Cour du travail de Liège (division Liège), a rendu dans le même sens que l’arrêt ici commenté 12 arrêts similaires le 26 septembre 2022, dont celui portant le numéro de R.G. 2021/AL/547.

On peut donc espérer que l’ONEm, en tant qu’institution de sécurité sociale chargée de respecter une législation d’ordre public appliquera sa circulaire interne.


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