Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 janvier 2025, R.G. 2022/AB/507
Mis en ligne le mercredi 5 novembre 2025
C. trav. Bruxelles, 13 janvier 2025, R.G. 2022/AB/507
Résumé introductif
En cas d’accident du travail, il est renvoyé dans le secteur public, pour le remboursement des frais médicaux et assimilés ainsi que des frais de déplacement, aux textes applicables dans le secteur privé.
La victime a droit à tous les soins de nature à la remettre dans un état aussi proche que possible de celui qui était le sien avant l’accident et il n’est pas exigé que le traitement soit susceptible de réduire l’incapacité de travail.
Ce qui est exigé est la relation causale, qui doit être vérifiée par le juge.
En ce qui concerne le remboursement des frais de déplacement, la victime n’est pas tenue de justifier par son état l’usage de ses déplacements par un moyen de transport autre que les transports en commun, ceci ne résultant d’aucun texte.
Dispositions légales
Analyse
Faits de la cause
Un accident du travail était survenu à une auxiliaire de police en novembre 2015 (chute à l’entrée du bâtiment où elle travaillait).
Le règlement de l’accident a suivi dans un premier temps la voie administrative.
L’intéressée contestant les conclusions de l’Office médico-légal (qui fixait à 3 % le taux d’incapacité permanente), une procédure a été introduite devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.
La décision du tribunal
Après avoir désigné un expert, qui a conclu à une incapacité permanente de travail de 25 %, le tribunal a entériné son rapport par jugement du 24 mai 2022.
La Zone de police a été condamnée à payer les indemnités et allocations forfaitaires dues.
L’appel
L’agente a interjeté appel partiel du jugement, celui-ci portant essentiellement sur l’indemnisation des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques, hospitaliers et de prothèse, ainsi que sur les frais de déplacement.
Le total est supérieur à 12 000 €. Les frais concernent la période de 2015 à ce jour.
À titre subsidiaire, elle sollicite la désignation d’un expert aux fins de déterminer si les soins et traitements litigieux dont elle demande le remboursement étaient nécessités par l’accident.
Quant à la Zone de police, elle postule que ceux-ci soient réduits à un montant bien inférieur, de l’ordre de 2000 €.
La décision de la cour
La cour reprend le cadre légal et réglementaire.
Pour les frais médicaux et assimilés, il s’agit des conditions fixées par l’article X.III.3 de l’arrêté royal du 30 mars 2001 portant la position juridique du personnel des services de police (PjPol), qui rend la loi du 3 juillet 1967 (loi-cadre) applicable à ce personnel.
L’article 3, alinéa 1er, 1°, a) de la loi et l’article X.III.3 de l’arrêté royal renferment le droit pour la victime à l’indemnisation des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers dans les limites des tarifs fixés dans le secteur privé.
Il s’agit de renvoyer, dès lors, à l’arrêté royal du 17 octobre 2000 fixant les conditions et le tarif des soins médicaux applicables en matière d’accident du travail (qui a abrogé celui du 30 décembre 1971 avec le même intitulé).
Les textes permettent lorsque la victime a le libre choix du médecin de bénéficier du remboursement des frais médicaux au tarif des honoraires et prix résultant de la nomenclature des prestations de santé, applicable en AMI.
Pour les frais de kinésithérapie, pour les prestations qui dépassent le nombre autorisé en vertu de la nomenclature AMI, il peut être dérogé au tarif du remboursement des prestations autorisées mais sans pouvoir le dépasser.
Pour les frais pharmaceutiques, lorsque la victime a le libre choix du pharmacien, ceux-ci sont entièrement à charge de l’entreprise d’assurances.
Enfin, pour les frais hospitaliers lorsque la victime a le libre choix de l’établissement hospitalier la référence pour le remboursement est le prix normal de la journée d’hospitalisation.
Par ailleurs, en règle, la victime d’un accident a droit à tous les soins de nature à la remettre dans un état physique aussi proche que possible de celui qui était le sien avant l’accident (la cour citant Cass., 27 avril 1998, S.97.0125 .F) et il n’est pas exigé que le traitement soit susceptible de réduire l’incapacité de travail (renvoi étant ici fait à Cass., 5 avril 2004, S.03.0117.F).
Ce qui est exigé est la relation causale, qui doit être vérifiée par le juge.
Reprenant encore l’enseignement de la Cour de cassation dans son arrêt du 27 avril 1998 ci-dessus, la cour souligne qu’il y a une telle relation causale en cas d’intervention chirurgicale lorsque celle-ci a été présentée à la victime comme étant de nature à réduire son préjudice même si celle-ci a été le fruit d’une mauvaise évaluation.
La cour reprend encore deux principes guidant la question du remboursement de ces frais, étant d’une part que la loi n’a pas prévu de présomption légale pour ce qui est du lien causal ci-dessus et qu’il n’existe aucun automatisme entre la date de la consolidation et la poursuite des soins médicaux.
Elle en vient ainsi aux éléments de l’espèce.
Constatant, pour les frais médicaux, qu’elle n’est pas suffisamment informée quant aux dépenses dont le remboursement est sollicité, elle estime le décompte non suffisamment probant et manquant de lisibilité.
Appliquant cependant d’ores et déjà les principes ci-dessus, la cour statue sur le principe : l’appelante a droit à la prise en charge de tous les soins de nature à la remettre dans un état physique aussi proche que possible de celui qui était le sien avant l’accident et les documents en lien causal avec celui-ci peuvent être relatifs à des frais aussi bien antérieurs que postérieurs à la date de consolidation et il peut même encore s’agir de frais à venir.
Sur les frais de déplacement, la cour énonce également les principes, s’agissant de l’article X.III.6 de l’arrêté royal PjPol, qui reprend les hypothèses où existe le droit à l’indemnisation, étant les déplacements faits à la demande de l’autorité, du tribunal de l’expert, à la demande de la victime moyennant l’autorisation de l’OML ou du service médical ou encore pour des raisons médicales.
Il est ici également renvoyé aux conditions applicables au secteur privé, étant l’arrêté royal du 21 décembre 1971 portant exécution de certaines dispositions de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.
La cour relève que, depuis le 31 décembre 2022, le tarif du remboursement a été modifié (arrêté royal du 11 décembre 2022), étant actuellement non plus de 0,2479 € du kilomètre mais de 0,3704 €.
Elle examine le décompte ainsi que la position de la Zone de police et, la question n’étant pas en état d’être tranchée, renvoie également son examen à la réouverture des débats afin de permettre l’établissement d’un décompte détaillé.
La cour rejette d’ores et déjà que la victime serait obligée de justifier par son état l’usage de ses déplacements par un moyen de transport autre que les transports en commun, ceci ne résultant d’aucun texte.