Terralaboris asbl

Présomption de travail à temps plein (absence d’affichage) : détermination de l’employeur débiteur et de la période de régularisation

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 20 mars 2008, R.G. 7.455/2003 et 8.415/2007

Mis en ligne le mercredi 10 septembre 2008


Cour du travail de Liège, section Namur, 20 mars 2008, R.G. 7.455/2003 et 8.415/2007

TERRA LABORIS ASBL – Pascal HUBAIN

Dans un arrêt du 20 mars 2008, la Cour du travail de Liège, section de Namur, a été amenée à trancher une contestation quant à la personne de l’employeur (couple exploitant ensemble un café-restaurant) et quant à la période de régularisation des cotisations vu l’absence d’affichage des horaires des travailleurs à temps partiel.

Les faits

En janvier 1992, Mme C., salariée à temps plein, rachète avec son époux, Monsieur B., le fonds de commerce du café-restaurant dans lequel était occupé ce dernier comme garçon de café. Elle devient l’exploitante officielle de l’établissement, dont elle ne s’occupe qu’en soirée et pendant les week-ends.

Le personnel occupé par l’établissement est sélectionné et engagé par Monsieur B., qui en effectue la gestion. Les contrats de travail sont cependant signés par Mme C., qui dispose d’ailleurs de l’immatriculation ONSS.

Le couple divorce en mai 1999, sans que cela n’entraîne de modification dans l’organisation et la gestion du café-restaurant. L’établissement ne sera officiellement repris par Monsieur B. qu’en janvier 2002, à l’issue de la liquidation de la communauté.

Un contrôle est effectué en janvier 2000, à l’occasion duquel l’inspection constate l’absence d’affichage des horaires alors que trois travailleurs à temps partiel sont occupés selon un horaire variable. D’après un calcul effectué par l’inspection pour le mois de janvier 2000, le personnel déclaré est insuffisant pour couvrir les périodes d’ouverture du café-restaurant.

Sur le fondement de l’article 22ter, l’ONSS régularise les cotisations versées, sur la base de prestations de travail à temps plein, et ce pour la période du 1er trimestre 1997 au 3e trimestre 2001.

Courant 2002, la récupération est menée par la voie de 3 citations successives, dirigées à l’encontre de Mme C. Celle-ci assigne, en février 2004, son ex-époux pour le voir déclarer employeur du personnel ou, à titre subsidiaire, afin qu’il soit condamné à la garantir des condamnations qui seraient portées à sa charge. Elle soutient en effet qu’il était responsable du personnel et, dès lors, seul responsable du défaut de publicité des horaires.

La décision du tribunal

Le Tribunal fait droit aux demandes de l’ONSS et condamna Mme C. seule à la régularisation. Il estime que M. B. n’avait pas la qualité d’employeur et que les fautes (absence des contrats sur le lieu d’occupation et défaut d’affichage) sont uniquement imputables à Mme C.

La décision de la cour

En ce qui concerne le litige ayant la personne qui a la qualité d’employeur, la Cour du travail rappelle que

  • cette qualité suppose de disposer du pouvoir de direction mais que cette autorité peut être déléguée. Dans ce cas, l’employeur est le mandant, et non celui qui donne les ordres
  • l’employeur, personne physique, est celui qui se présente, vis-à-vis des tiers, comme le propriétaire du fonds de commerce, soit celui qui est titulaire du registre de commerce, et est immatriculé à la TVA et à l’ONSS.

Dès lors que c’est Mme C. qui a signé les contrats de travail (du personnel recruté par son époux), qu’elle est titulaire du registre du commerce et est seule immatriculée à l’ONSS, c’est elle qui doit être considérée comme l’employeur, et ce même si elle a délégué ses pouvoirs à M. B.

La Cour retient donc que c’est à juste titre que c’est à son encontre que la procédure de recouvrement a été dirigée par l’ONSS. Elle est en effet, vis-à-vis de cet organisme, responsable des éventuelles fautes ou manquements de son mandataire.

Examinant ensuite l’action en garantie, la Cour retient que M. B. était chargé de la gestion du personnel, ainsi qu’il l’a reconnu lors de son audition par l’inspection des lois sociales, qu’il était présent continuellement dans l’établissement (au contraire de Mme C.) et que le personnel le considérait comme l’employeur. Sur ces bases, la Cour estime qu’il devait également veiller à l’affichage des horaires, d’autant plus qu’il était co-associé et que cette formalité ne requiert pas d’instruction particulière de la part de l’employeur.

Elle fait donc droit à la demande de garantie, à concurrence des trois quarts. Elle précise en effet que Mme C. aurait dû veiller à ce que M. B. remplisse les obligations d’affichage.

La Cour examine ensuite la portée de la présomption et son mode de renversement. S’alignant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, elle précise que la présomption sera renversée si l’employeur démontre que les travailleurs n’ont pas presté dans le cadre d’un temps plein.

En l’espèce, la Cour retient que la prestation à temps partiel n’est pas établie et, d’ailleurs, invraisemblable du fait du peu de personnel occupé par rapport aux heures d’ouverture de l’établissement. Elle se fonde également sur la déclaration d’un ancien travailleur, faisant état d’une durée hebdomadaire de travail de 60h.

Quant à la période de régularisation (1997-2001), la Cour constate qu’il n’existe de preuve de l’absence d’affichage que pour le mois du contrôle (janvier 2000). Relevant l’existence de l’obligation de conserver les horaires affichés pendant 1 an (article 159 de la loi-programme du 22 décembre 1989) et constatant qu’ils n’ont pu être produits lors du contrôle, la Cour estime la présomption (non renversée) activée pour l’année 1999.

En ce qui concerne les années antérieures à 1999 et la période postérieure au jour du contrôle, la Cour considère qu’il n’existe pas de preuve d’une absence d’affichage et dès lors qu’elle ne peut faire application de la présomption.

Elle limite en conséquence la période de régularisation du 1er janvier 1999 au 14 janvier 2000.

Intérêt de la décision

La décision annotée contient l’essentiel des principes en matière de présomption d’occupation à temps plein en cas de défaut d’affichage des horaires des travailleurs à temps partiel. Elle rappelle par ailleurs que la présomption ne peut être appliquée que pour les périodes où le défaut d’affichage est établi.

Elle examine également la question de la détermination de l’employeur, en cas de commerce exploité par des copropriétaires (ici des époux).

Enfin, la décision contient des développements juridiques quant à la motivation formelle des décisions prises par l’ONSS et des effets de l’avis rectificatifs.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be