Terralaboris asbl

Moment de la fixation des séquelles de l’accident (prise en compte des éléments survenus postérieurement au rapport d’expertise)

Commentaire de C. trav. Liège, 7 avril 2008, R.G. 34.771/07

Mis en ligne le mercredi 5 novembre 2008


Cour du travail de Liège, 7 avril 2008, R.G. 34.771/07

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 7 avril 2008, la Cour du travail de Liège confirme que, dès lors que la victime fait valoir une évolution dans son état de santé postérieurement au dépôt du rapport d’expertise faisant des propositions d’indemnisation, il convient de vérifier la question, par le recours à une expertise complémentaire. Dans cet arrêt, la Cour estime par ailleurs que les juridictions du travail sont compétentes pour se prononcer sur le régime de congé et de mise en disponibilité des membres du personnel enseignant (Communauté française).

Les faits

Monsieur A., professeur de français dans un établissement de l’enseignement libre, est victime d’un accident du travail en date du 26 septembre 2002 : il reçoit un capuchon d’un stylographe sur la tête, lancé par un élève, est insulté par un autre et doit subir l’hilarité de sa classe suite à l’incident.

L’accident est reconnu au terme d’une procédure judiciaire (l’événement soudain étant la réception du capuchon), le Tribunal désignant en outre un expert (neuropsychiatre) pour évaluer les séquelles de l’accident.

Celui-ci dépose son rapport en 29 septembre 2004, exposant que les séquelles sont partiellement en lien avec l’accident, quoique que ce soit essentiellement le vécu de l’attitude de la direction et des collègues qui ont permis le développement de celles-ci.

Avant que l’affaire ne revienne devant le Tribunal, 2 années se passent, au cours desquelles le médecin de l’intéressé constate une aggravation de l’état de santé.

La position des parties

Monsieur A. demandait au Tribunal du travail de redésigner le même expert, afin que soit évaluée la situation actuelle, avec correction éventuelle du taux d’IPP. Il se fondait sur divers rapports médicaux pour prouver l’aggravation de son état de santé, de même que sur un échange de correspondance avec le pouvoir organisateur quant à ses demandes de mutation (refusées).

La décision du tribunal

Le Tribunal refusa de faire droit à cette demande, estimant que les éléments (dont les éléments médicaux) déposés ne prouvaient pas la nécessité d’une remise en question de la date de consolidation ou du taux d’IPP. Il désigna cependant à nouveau l’expert, mais pour se prononcer sur la cause des absences, et ce dans le cadre du décret du 5 juillet 2000 de la Communauté française fixant le régime des congés et disponibilités pour maladie ou infirmité de certains membres du personnel enseignant (M.B. 18.08.2000).

La décision de la Cour

Sur la première question, la Cour considère que, vu qu’aucune décision judiciaire définitive n’a été prononcée quant aux séquelles de l’accident, l’intéressé a le droit de faire examiner l’éventuelle évolution de son état. Pour la Cour, dès lors que le médecin de l’intéressé atteste de l’existence d’une évolution après le dépôt du rapport, un nouvel éclairage médical est nécessaire pour se prononcer.

Elle relève à cet égard que les parties se fondent sur le rapport complémentaire de l’expert (ayant statué sur la cause des absences, conformément à la mission confiée par le jugement attaqué), qui fait état d’un conflit avec le pouvoir organisateur (qui prend de plus en plus de place) et d’une absence de réelle modification dans cet état. Nonobstant ces éléments, la Cour estime nécessaire une mise au point quant à l’existence ou l’aggravation de l’état de santé et quant au lien causal avec l’accident.

Quant au second point, la Communauté française attaquait le jugement en ce qu’il a confié à l’expert une mission concernant la cause des absences, éléments qui ne relèvent pas de la compétence matérielle des tribunaux du travail. La Cour du travail refuse de suivre la Communauté française, soulignant la définition large de l’article 579 du Code judicaire.

Intérêt de la décision

La décision rappelle que, dès lors que la procédure judiciaire en fixation des séquelles de l’accident du travail n’est pas finie, la victime conserve, jusqu’à la décision judiciaire finale, le droit de faire valoir les évolutions de son état de santé. Elle précise encore que, s’agissant du domaine médical, le recours à un avis spécialisé s’impose.

Quant au second point, relevons que la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 8 mai 2006 (R.G. S050028F, Juridat), que la compétence des juridictions du travail telle que fixée par l’article 579 est limitée aux indemnités prévues par la réglementation sur la réparation des accidents du travail non aux demandes fondées sur le statut administratif ou toute autre réglementation ne visant pas la réparation des accidents du travail. Dans l’arrêt annoté, la Cour du travail renvoie, pour asseoir sa compétence à une décision antérieure du 17 janvier 2005 (9e chambre, R.G. 31.488/03).


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