Terralaboris asbl

Etendue de l’obligation d’information contenue dans la Charte de l’assuré social

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 février 2008, R.G. 49.819

Mis en ligne le mercredi 5 novembre 2008


Cour du travail de Bruxelles, 7 février 2008, R.G. n° 49.819

TERRA LABORIS Asbl – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 7 février 2008 la Cour du travail de Bruxelles a précisé la portée des obligations contenues dans l’article 69 des lois coordonnées.

Les faits

Un couple non marié a un enfant, né le 21 mai 2001. Celui-ci est reconnu par le père. Le 9 septembre 2005, la mère quitte son compagnon et réintègre le domicile de ses parents, où elle se fait domicilier le lendemain.

Dans la quinzaine, la Caisse d’allocations familiales est informée de la séparation et envoie un courrier au père et à la mère, leur signalant à tous deux qu’en cas de coparenté, le père peut bénéficier des allocations familiales mais que celles-ci sont payées à la mère. Il est précisé que lorsque des modalités particulières sont convenues, la Caisse doit être avisée, ce qui est également à faire lors de tout changement de la situation. Ce courrier précise également la possibilité de payer les allocations familiales sur un compte bancaire, auquel les deux parents auraient accès, compte pour lequel un formulaire particulier doit être demandé.

Dans la lettre au père, une précision complémentaire est donnée, étant que s’il y a des enfants mineurs domiciliés avec lui, il peut demander les allocations familiales correspondantes et que, à cette fin, il doit adresser une demande écrite.

Cette précision ne figure pas dans la lettre adressée à la mère, celle-ci recevant toutefois des explications complémentaires en ce qui concerne les allocations familiales attribuées sur la base d’une situation de chômage.

Le père réagit immédiatement et demande à la Caisse de lui verser les allocations familiales, l’enfant étant domicilié chez lui.

Quelques semaines plus tard, la Caisse avise la mère du fait qu’elle ne recevra plus les allocations familiales, celles-ci étant payées au père, puisque l’enfant est domicilié chez lui et qu’il a formé la demande de percevoir celles-ci.

Une information est ensuite donnée au père en ce qui concerne le montant des allocations.

La mère dépose alors une requête devant le juge de la jeunesse d’Oudenaarde afin d’obtenir une décision demandant la garde de l’enfant, garde exclusive, qu’elle sollicite dans l’intérêt de celui-ci, vu le comportement agressif du père. Après l’introduction de la procédure, les parents vont arriver à un accord, dans lequel figure notamment le sort des allocations familiales à partir du 1er septembre, étant qu’elles sont allouées à la mère, le jugement précisant que la résidence principale de l’enfant doit être établie chez celle-ci. Un jugement confirmant cet accord sera rendu le 13 janvier 2006.

La mère va alors introduire une requête devant le tribunal du travail de Bruxelles afin d’obtenir les allocations familiales à partir du 31 octobre 2005.

La position du tribunal du travail

Le tribunal statue en appliquant l’article 69 des lois coordonnées le 19 décembre 1939, relatif à la situation visée et alloue, à partir du 1er novembre 2005, les allocations familiales à la mère et non au père, faisant ainsi droit à la demande.

La position des parties en appel

La Caisse va interjeter appel, considérant qu’elle a respecté le prescrit de l’article 69 et que, à bon droit, elle a accordé les allocations familiales au père, de telle sorte qu’elle demande la réformation du jugement et la confirmation de sa décision initiale.

La position de la Cour

La Cour va rappeler l’article 69 des lois coordonnées, dont le prescrit est clair. Les allocations familiales (et de naissance) sont payées à la mère et, si celle-ci n’élève pas effectivement l’enfant, elles sont payées à la personne physique ou morale qui remplit ce rôle. En cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale, en l’absence de cohabitation, et si l’enfant n’est pas élevé exclusivement ou principalement par un autre allocataire, les allocations sont également payées intégralement à la mère. Elles le seront au père, à sa demande, au cas où il y a identité de résidence principale au sens de la loi du 8 août 1983 organisant le Registre national des personnes physiques (art. 3, alinéa 1er, 5°). Le tribunal du travail peut désigner l’allocataire, dans l’intérêt de l’enfant, s’il y a désaccord des parents sur l’attribution des allocations.

La Caisse invoque à l’appui de sa thèse, qui est le respect de cette disposition légale, l’ensemble des informations qui ont été envoyées au père et à la mère, étant qu’elle a signalé au premier qu’il pouvait faire une demande - ce qu’il s’est empressé de faire, vu que l’enfant était domicilié chez lui - et à la seconde, les conditions dans lesquelles elles pourraient lui être payées.

La Caisse a même informé les parents de la possibilité de faire trancher le problème par le tribunal, et ce dans l’intérêt de l’enfant, ce qui a été fait immédiatement par la mère et la Cour relève que celle-ci a immédiatement demandé à percevoir celles-ci.

Pour la Cour, dès lors qu’un accord est intervenu entre les parties, accord entériné par le Juge de la jeunesse, il ne fait aucun doute que les allocations familiales doivent être versées à la mère, et ce d’autant plus que la chronologie des faits démontre qu’elle élève l’enfant. La demande est encore renforcée du fait que le paiement des allocations à elle-même intervient manifestement dans l’intérêt de celui-ci.

Pour la Cour, la décision du tribunal est dès lors fondée : les allocations doivent être payées à la mère vu l’accord intervenu et vu la décision de justice ; le fait que la mère a continué à élever effectivement l’enfant a encore renforcé le fondement de la décision.

Pour la Cour, lorsque les institutions de sécurité sociale communiquent une information à l’assuré social, cette information, en application de l’article 3 de la Charte de l’assuré social, doit être précise et complète, afin de permettre à l’assuré social de faire valoir ses droits et de comprendre ses obligations.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision est de rappeler implicitement que l’article 69 des lois coordonnées (§ 1er, alinéa 3) constitue un tout supposant en cas de désaccord sur l’allocataire l’intervention du tribunal afin de désigner celui-ci. En l’espèce, il n’y avait pas désaccord immédiat mais accord trouvé rapidement, à l’initiative de la mère, qui avait sollicité la domiciliation de l’enfant chez elle. La Caisse doit, dès lors, être attentive à cette hypothèse, étant entendu que la Charte de l’assuré social implique l’obligation pour elle d’informer la mère du fait que, l’enfant restant domicilié chez le père, l’article 69 autorise, en l’absence de réaction de sa part à elle, le paiement à ce dernier.


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