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Allocations d’interruption de carrière dans le cadre du congé parental : l’exclusion des travailleurs prestant à temps plein, mais pour le compte de deux employeurs, constitue-t-elle une discrimination ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 5 août 2008, R.G. 8.519/2008

Mis en ligne le mardi 6 janvier 2009


Cour du travail de Liège, Section de Namur, 5 août 2008, R.G. n° 8.519/2008

TERRA LABORIS ASBL – Sandra Cala

La Cour du travail de Liège, section de Namur, pose la question, par arrêt du 5 août 2008, à la Cour constitutionnelle. Elle constate en effet que les dispositions applicables n’autorisent pas le travailleur à temps plein au service de deux employeurs différents (deux mi-temps) à obtenir les allocations d’interruption.

Les faits

Madame B. est occupée dans le cadre de deux contrats de travail à mi-temps, pour le compte de deux A.S.B.L. différentes. L’occupation est réalisée dans les mêmes locaux, locaux qui les A.S.B.L. se partagent.

Elle souhaite obtenir un congé parental, qu’elle souhaite exercer à mi-temps, sur les deux contrats.

Elle s’adresse à l’ONEm, qui lui signifie que la chose n’est pas possible, dès lors que la réduction à temps partiel dans le cadre des deux contrats conduirait les employeurs à l’occuper à concurrence de moins d’un tiers temps, ce qui n’est pas légal.

Madame B. introduit alors deux demandes successives, l’une dans le cadre du premier contrat à partir du 1er janvier 2007, et l’autre dans le cadre du second contrat, à partir du 1er avril 2007.

L’ONEm lui reconnaît le droit aux allocations d’interruption de carrière pour la première demande (1er janvier 2007) dans le cadre de l’occupation auprès du premier employeur.

La seconde demande (prise de cours au 1er avril 2007) est refusée (décision du 13 mars 2007). L’ONEm fait en effet valoir qu’elle a déjà bénéficié d’un droit au congé parental pour le même enfant.

La décision du tribunal

Le tribunal estime la situation discriminatoire, dès lors que le travailleur à temps plein auprès du même employeur aurait pu bénéficier des avantages sollicités par l’intéressée. Il octroie dès lors les allocations d’interruption de carrière sollicitées.

La position des parties en appel

L’ONEm interjeta appel du jugement rendu, alléguant avoir strictement appliqué la réglementation.

La position de la Cour

La Cour commence par rappeler les textes légaux applicables, à savoir :

  • la directive européenne 96/34/CE du 3 juin 1996 (accord-cadre sur le congé parental) ;
  • la C.C.T. n° 64 du 29 avril 1997 instituant un droit au congé parental, rendue obligatoire par A.R. du 29 octobre 1997 ;
  • l’arrêté royal du 29 octobre 1997 relatif à l’introduction d’un droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de carrière professionnelle ;
  • les articles 100, 102, 104 et 104bis de la loi de redressement du 22 janvier 1985 (auxquels fait référence l’A.R. du 29 octobre 1997) ;
  • l’arrêté royal du 2 janvier 1991 relatif à l’octroi d’allocations d’interruption.

Ayant passé en revue les différents articles pertinents des réglementations susmentionnées, la Cour retient que la réglementation vise la personne occupée à temps plein, qui peut soit suspendre intégralement ses prestations de travail pendant trois mois, soit obtenir une suspension partielle, celle-ci pouvant alors s’étendre sur six mois ou plus en fonction de la réduction du temps de travail convenue.

Elle relève par ailleurs que la réglementation ne vise pas, en tant que tel, le travailleur qui est occupé à temps plein mais dans le cadre de deux contrats de travail auprès d’employeurs différents.

Elle relève enfin que les textes légaux font référence à la loi du 22 janvier 1985. Elle note également que deux interprétations peuvent être données à la loi, soit qu’elle exige que le travailleur soit occupé auprès d’un même employeur unique (ce que le texte pourrait indiquer lorsqu’il vise ’son employeur’), soit que les termes en question viseraient l’ensemble des employeurs permettant d’arriver au temps plein.

Puisque l’éventuelle discrimination soulevée réside dans une norme légale (et non réglementaire), la Cour relève qu’il y a lieu de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, seule compétente pour se prononcer sur l’inconstitutionnalité d’une loi.

La Cour interroge en conséquence la Cour constitutionnelle sur le point de savoir si l’article 102 de la loi du 22 janvier 1985, interprété comme n’ouvrant le droit à une indemnité d’interruption de carrière qu’au travailleur occupé à temps plein auprès d’un seul employeur instaure ou non une discrimination au sens des articles 10 et 11 de la Constitution entre les travailleurs occupés à temps plein auprès d’un employeur unique et les travailleurs occupés à temps plein du fait qu’ils cumulent plusieurs contrats de travail à temps partiel.

Intérêt de la décision

L’espèce concerne donc la question de l’exclusion du droit aux indemnités d’interruption pour les travailleurs souhaitant exercer un congé parental lorsqu’ils sont occupés à temps plein, mais dans le cadre de plusieurs contrats de travail différents auprès d’employeurs différents.

La question devrait être résolue par l’arrêt à venir de la Cour constitutionnelle.

Affaire à suivre donc …


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