Terralaboris asbl

Retard dans la remise des déclarations trimestrielles

Commentaire de C. trav. Liège, 4 novembre 2008, R.G. 35.594/08

Mis en ligne le vendredi 20 février 2009


Cour du travail de Liège, 4 novembre 2008, R.G. 35.594/08

TERRA LABORIS ASBL – Mireille JOURDAN

Dans un arrêt du 4 novembre 2008, la Cour du travail de Bruxelles se prononce sur la nature des indemnités sanctionnant la non remise ou la remise tardive des déclarations trimestrielles. Réformant le jugement du tribunal, elle estime que les indemnités ont une nature licite et non pénale.

Les faits

Un employeur a remis ses déclarations trimestrielles (ONSS) en retard. L’ONSS a alors appliqué la sanction prévue par la réglementation, à savoir une indemnité forfaitaire, telle que prévue par les articles 29 de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs salariés et 54 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi.

Cette indemnité restant impayée, l’ONSS assigna l’employeur devant le Tribunal du travail, sollicitant sa condamnation au paiement de la dite indemnité.

La décision du tribunal

Le Tribunal qualifia l’indemnité de sanction pénale, présentant un caractère plus répressif que préventif. Il refusa ainsi de faire droit à la demande de l’ONSS.

La décision de la Cour

La Cour rappelle tout d’abord les obligations de l’employeur en termes de déclaration justificative des cotisations dues. Elle souligne qu’en application de l’article 29 de la loi du 27 juin 1969, dans sa version applicable à l’espèce, l’employeur qui omet de faire la déclaration dans les délais fixés est redevable à l’ONSS d’une indemnité, dont le montant et les modalités d’application sont fixés par le Roi. Exécutant cette disposition, l’article 54 de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 prévoit une indemnité forfaitaire d’un certain montant, augmentée d’une somme fixe par tranche de hauteur des cotisations dues.

Pour déterminer si cette sanction présente un caractère pénal ou non, la Cour du travail s’appuie sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits l’homme, dont elle dégage les critères suivants : pour que la nature pénale soit retenue, il faut tenir compte (1) de la qualification donnée par le législateur, (2) du but de la mesure (essentiellement répressif, préventif et/ou dissuasif et non indemnitaire, c’est-à-dire réparant un dommage), (3) de la gravité de la sanction, appréciée par rapport à sa hauteur maximale.

La Cour examine ensuite l’indemnité forfaitaire au regard de ces critères.

Elle retient que la mesure est qualifiée d’indemnité et que le non respect par l’employeur de son obligation de déclaration impose un surcroît de travail à l’administration, qui établit elle-même le montant des cotisations, ce qui démontre l’existence d’un préjudice dans son chef, permettant de conclure que l’indemnité a vocation à indemniser celui-ci. Enfin, elle retient que le montant de l’indemnité est modeste et proportionné. Quant à la majoration par tranche de cotisations dépassant un certain montant, il s’agit, au yeux de la Cour, d’un indice supplémentaire du caractère indemnitaire de la mesure (des cotisations élevées témoignant d’un nombre important de membres du personnel et donc d’un travail plus important dans le chef de l’ONSS pour établir le montant des cotisations dues). Retenant une relation causale entre le montant de l’indemnité et le préjudice, la Cour estime qu’il se dégage du 3e critère une nature davantage indemnitaire que répressive.

Elle rappelle enfin l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 janvier 2003 (n° 9/2003), qui, statuant sur les majorations et les intérêts dus en cas de retard dans le paiement des cotisations, les a qualifiés d’indemnitaires.

Sur la base de ces considérations, la Cour du travail estime que les indemnités ont une nature civile et non pénale. Elle réforme en conséquence le jugement et fait droit à la demande originaire de l’ONSS.

Intérêt de la décision

L’arrêt se prononce sur la nature des indemnités sanctionnant l’absence ou le retard dans la déclaration trimestrielle. Il se fonde essentiellement sur le fait que l’absence d’accomplissement par l’employeur de cette formalité a un coût administratif pour l’ONSS, qui doit s’enquérir des informations nécessaires pour établir les cotisations dues, rédiger la déclaration et affecter du personnel à ces opérations. Il est cependant à noter que l’indemnité peut être appliquée en cas de retard dans la déclaration. Si les cotisations sont établies sur la seule base de la déclaration de l’employeur, l’argument lié à l’indemnité des coûts administratifs apparaît bien moins prégnant.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be