Terralaboris asbl

Le fait de se fouler la cheville constitue un événement soudain, et ce même si la victime n’établit pas les circonstances de ce fait (faux mouvement)

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 avril 2008, R.G. 48.514

Mis en ligne le mercredi 25 mars 2009


Cour du travail de Bruxelles, 28 avril 2008, R.G. 48.514

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 28 avril 2008, la Cour du travail de Bruxelles estime que le simple fait, pour un bagagiste, de se tordre la cheville ou de se « croquer » le pied en descendant d’une camionnette constitue un événement soudain, et ce même si la victime n’établit pas les circonstances évoquées ultérieurement (avoir mal placé son pied sur la barre de sécurité).

Les faits

Monsieur D. était occupé comme bagagiste pour une entreprise d’aviation. Il signale avoir été victime d’un accident du travail en date du 22 juin 1999, étant de s’être foulé la cheville (ou croqué le pied) gauche en descendant d’un véhicule de service.

Il bénéficie de premiers soins à l’aéroport puis est emmené dans un établissement hospitaliser, qui pose un plâtre. Quelques semaines plus tard, est diagnostiquée une fracture de la malléole.

L’accident fut, dans un premier temps, accepté par l’entreprise d’assurances, qui prit en charge l’incapacité de travail jusqu’au 21 novembre 1999.

En janvier 2000, elle procède cependant à une enquête, au cours de laquelle est auditionné le collègue de travail qui accompagnait Monsieur D. le jour de l’accident. Sur la base des éléments recueillis lors de cette enquête, l’entreprise d’assurances notifié à l’intéressé un refus de prise en charge.

Monsieur D. introduit dès lors une action devant le Tribunal du travail de Bruxelles, en vue de la reconnaissance des faits comme accident du travail, sollicitant également l’indemnisation des conséquences de l’accident.

La décision du tribunal

Le Tribunal fit droit à la demande et désigna, avant dire droit sur les séquelles, un médecin-expert.

Pour le Tribunal, l’événement soudain est le fait pour Monsieur D. de s’être tordu la cheville, ajoutant cependant que ce fait accidentel, précis dans le temps et dans l’espace, suppose un faux mouvement.

La position des parties

L’entreprise d’assurances interjeta appel du jugement, reprochant au Tribunal d’avoir supposé l’existence de l’événement soudain alors qu’il ne pouvait se baser que sur une certitude.

Elle soulignait par ailleurs que l’intéressé a varié dans ses déclarations puisque la citation évoque qu’il a mal posé sur le pied sur la barre de sécurité en descendant de la camionnette, élément qui ne se retrouve pas dans les autres déclarations de l’intéressé ou dans celle du témoin. Elle considère en conséquence que cette version des faits, non corroborée, ne peut être retenue.

Elle contestait enfin que le fait de la torsion de la cheville, alors qu’il n’y a eut ni faux mouvement ni effort déterminé, puisse constituer un événement soudain.

La décision de la Cour

Examinant les déclarations de Monsieur D., contemporaines à l’accident, de même que celles du témoin, la Cour retient pour établi le fait qu’il s’est tordu la cheville ou s’est croqué le pied en descendant d’une camionnette de service, soit pendant l’exécution du contrat de travail.

Pour la Cour, ce fait bien défini (torsion) constitue un événement soudain au sens légal. Elle ajoute qu’il ne s’agit pas d’un fait de la vie courante, dès lors qu’il est survenu à l’occasion d’un mouvement effectué par la victime dans le cadre de la tâche professionnelle (chargeur de bagages).

La Cour estime par ailleurs qu’il est indifférent d’examiner les circonstances nouvelles invoquées dans la citation (postérieures à la décision de refus), dès lors qu’existe un fait constitutif d’événement soudain.

Vu que la lésion est prouvée, de même que la survenance de l’accident dans le cours de l’exécution du contrat, la Cour reconnaît l’existence de l’accident.

Elle rouvre les débats quant à l’indemnisation.

Intérêt de la décision

Cet arrêt illustre la notion d’événement soudain (qui constitue l’un des éléments de preuve à charge de la victime), rappelant qu’une torsion du pied peut constituer un tel événement, peu importent les circonstances (faux mouvement, chute, glissade, efforts, …) qui entourent ce fait précis. Elle rappelle par ailleurs que, dès lors que le geste ou mouvement est posé dans le cadre de l’exercice d’une des tâches contractuelles, il ne peut être question d’un fait de la vie courante.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be