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Des céphalées subjectives et sporadiques doivent être prises en considération pour la détermination de l’incapacité permanente de travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 9 mars 2009, R.G. 49.746

Mis en ligne le jeudi 18 juin 2009


Cour du Travail de Bruxelles, 9 mars 2009, R.G. 49.746

ASBL TERRA LABORIS – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 9 mars 2009, la Cour du travail de Bruxelles a été amenée à se prononcer sur l’évaluation, en ce qui concerne le taux d’incapacité permanente de travail, de céphalées subjectives survenant de manière sporadique et écourtées par le traitement. La Cour estime qu’il y a atteinte au potentiel économique de la victime, même si cette atteinte est légère.

Les faits

Dans le cadre du règlement judiciaire de l’accident du travail survenu à Monsieur L., un rapport d’expertise a été déposé, concluant à une incapacité permanente de 2%, en raison de céphalées, reconnues comme étant post-traumatiques, survenant de manière sporadique (une à deux fois par mois, et s’étendant sur une période de 3 à 4 jours), céphalées qui répondent à un traitement antidouleurs, celles-ci disparaissant une demi-heure après la prise des comprimés.

Le jugement

Le Tribunal entérina le rapport d’expertise, notamment en ce qu’il retient un taux d’incapacité permanente de 2%.

Position des parties en appel

L’entreprise d’assurances interjeta appel de cette décision, invoquant que l’accident n’aurait provoqué aucune incapacité de travail. Elle soulignait le caractère subjectif des céphalées. Insistant, dans le rapport du sapiteur neurologue, sur un doute possible quant au caractère post-traumatique des céphalées, elle soutenait renverser la présomption.

L’intéressé sollicita pour sa part la confirmation du jugement.

La décision de la Cour

Vu l’objet de la contestation, la Cour fait un rappel complet des principes en matière de réparation et de présomption de causalité.

Elle souligne ainsi que la présomption est applicable même si la lésion invoquée est postérieure à l’accident ou si elle a été constatée au moment de l’accident. Elle rappelle qu’il n’y a pas de distinction, dans la loi, entre les lésions selon le moment où elles surviennent. La Cour rappelle par ailleurs que le mécanisme légal ne distingue pas selon la cause des lésions, à savoir si elles sont dues directement à l’accident ou si elles constituent l’aggravation d’une première lésion (causalité indirecte). La Cour rappelle que cette distinction n’est pas contenue dans les arrêts de la Cour de cassation des 30 septembre 1996 et 16 octobre 2000.

Elle rappelle enfin que les règles en matière de revision n’ont pas d’incidence sur les principes ci-dessus énoncés.

En ce qui concerne le caractère subjectif des céphalées (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas constatées par des examens médicaux), la Cour retient de l’expertise que celles-ci ont été considérées comme existantes, pouvant être vérifiées au travers de la prise des médicaments et de l’expérience médicale de l’expert.

La Cour estime en conséquence que, quoiqu’elles soient subjectives, la preuve des céphalées est rapportée à suffisance de droit.

La Cour considère par ailleurs que les céphalées constituent une lésion, de sorte que la présomption de l’article 9 s’applique, ces céphalées étant considérées comme imputables à l’accident, sauf renversement de la présomption.

Sur ce point, l’entreprise d’assurances ne rapporte par la preuve à sa charge, l’existence d’un doute du neurologue quant à l’imputabilité ne suffisant pas. Il en va de même du fait que les céphalées auraient changé de forme après une interruption de deux mois. Elle ajoute encore que la circonstance que la persistance de ces céphalées soit rares ne prouve pas davantage le renversement de la présomption, à savoir qu’elles ne sont pas dues à l’accident du travail.

En ce qui concerne la contestation quant à la répercussion des céphalées sur la capacité de travail de l’intéressé, la Cour estime qu’elles provoquent effectivement une incapacité de travail, même en considération de métiers manuels.

La Cour souligne en effet la diminution de la concentration induite par les céphalées, concentration qui est nécessaire quel que soit le travail effectué, même manuel.

Par rapport au marché général du travail de l’intéressé à prendre en considération, la Cour estime qu’il y a lieu de retenir les professions intellectuelles, dès lors que l’intéressé est titulaire d’un diplôme (à l’étranger) en géographie et en histoire et qu’il pourrait être amené à y enseigner, voire encore en Belgique, une fois l’équivalence obtenue. Pour la Cour, la formation suivie dans le pays d’origine confirme l’aptitude de principe aux professions intellectuelles et la possibilité de recyclage dans ce type de profession.

Enfin, quant au fait que les céphalées soient sporadiques et qu’elles se soient bien améliorées suite au traitement, la Cour considère qu’il en résulte que l’incapacité de travail est peu importante, de sorte que le taux accordé (2%) apparaît adéquat.

Intérêt de la décision

Cet arrêt contient un rappel complet des principes en matière de renversement de la présomption de causalité et d’application de celle-ci aux lésions survenant après l’événement soudain. Elle confirme par ailleurs que des céphalées, même subjectives, peuvent être considérées comme étant une lésion et bénéficier, en conséquence, de la présomption de causalité.

L’arrêt contient par ailleurs des précisions intéressantes sur l’évaluation du dommage en raison de céphalées, en ce qu’elle retient des troubles de la concentration, qui affectent également les professions manuelles. L’arrêt précise par ailleurs que, lorsque la personne est titulaire d’un diplôme, même si elle ne peut le valoriser en Belgique, cette circonstance peut être prise en considération dans le cadre de l’appréciation du marché général du travail propre à la victime.


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