Terralaboris asbl

Courir derrière une balle lors d’une partie de mini-foot organisée dans le cadre de l’activité professionnelle constitue un événement soudain

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 février 2009, R.G. 50.515

Mis en ligne le jeudi 18 juin 2009


Cour du travail de Bruxelles, 2 février 2009, R.G. 50.515

ASBL TERRA LABORIS – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 2 février 2009, la Cour du travail considère que, dès lors que la victime prouve qu’elle courait derrière une balle, elle établit un événement soudain, peu importent les circonstances de fait complémentaires alléguées (glissade sur une feuille ou mouvement de pivot).

Les faits

Monsieur C. est occupé par une clinique en qualité de kinésithérapeute.

Le 28 septembre 2004, il participe, dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle, à une partie de mini-foot.

Alors qu’il courait après la balle, il ressentit une violente douleur au talon gauche, douleur qui le fit chuter.

Ne pouvant marcher seul, il fut conduit à l’hôpital, où une rupture du tendon d’Achille fut diagnostiquée, donnant par ailleurs lieu à une intervention chirurgicale.

Dans la déclaration d’accident du travail, il est fait état du fait que c’est en courant derrière la balle qu’il a senti une douleur au talon gauche.

Il est par ailleurs auditionné par l’inspecteur de l’entreprise d’assurances, auquel il explique qu’en pivotant, alors qu’il courait derrière la balle, il a ressenti la douleur au talon. Dans le rapport de l’inspecteur, il était précisé qu’il n’aurait pas glissé et qu’il n’y aurait pas eu de contact avec les joueurs.

L’entreprise d’assurances refuse son intervention, en l’absence d’événement soudain dû à une cause extérieure.

L’intéressé conteste cette décision devant le Tribunal du travail.

Décision du Tribunal

Le Tribunal considère que l’intéressé établit l’existence d’un événement soudain. Pour le Tribunal, il existe des présomptions graves, précises et concordantes en ce qui concerne les circonstances de fait alléguées par l’intéressé, à savoir qu’il aurait dérapé sur des feuilles humides, aurait perdu l’équilibre et serait tombé.

Position des parties en appel

L’entreprise d’assurances interjette appel à l’encontre du jugement, sollicitant de la Cour qu’elle déclare la demande originaire non fondée.

L’intéressé demande à la Cour de retenir l’événement soudain, consistant, à titre principal, en une perte d’équilibre suite à une glissade sur des feuilles humides, à titre subsidiaire, en un mouvement de pivot réalisé en courant vers la balle et, à titre plus subsidiaire, le fait de courir derrière la balle.

Vu ces différentes explications, l’entreprise d’assurances conclut quant à elle à la contradiction dans les déclarations et donc à l’absence de preuve du fait.

Décision de la Cour

Sur le plan des principes, en matière de charge de la preuve, la Cour rappelle que, si les déclarations de la victime ne constituent pas, en soi, une preuve, les juridictions peuvent, lorsque l’accident n’a pas eu de témoin direct, se fonder sur les déclarations de la victime, pour autant que celles-ci ne soient pas contredites par d’autres éléments, et qu’elles soient concordantes. Il appartient dès lors au juge d’apprécier l’ensemble des éléments du dossier, aux fins de vérifier ce qui confirme ou infirme les déclarations.

En l’espèce, la Cour considère que le fait de courir derrière la balle a été épinglé par l’intéressé, fait dont la réalité n’est pas contestée et est confirmée par le rapport de l’inspecteur.

La Cour considère que le fait de courir derrière la balle constitue un événement soudain, s’agissant d’un fait précis, identifié et qui a pu provoquer la lésion.

Quant aux circonstances particulières invoquées par l’intéressé (glissade sur les feuilles, mouvement de pivot,...), la Cour considère qu’elles sont indifférentes, d’autant qu’elles ne contredisent pas la réalité de l’événement soudain retenu.

Elle rejette en conséquence l’appel interjeté par l’entreprise d’assurances.

Intérêt de la décision

Cette décision illustre les difficultés en relation avec les événements épinglés au titre d’événement soudain qui présentent une certaine banalité. Alors que la jurisprudence de la Cour de cassation est extrêmement claire sur ce point et qu’il ne peut être question d’exclure un fait de l’exécution du contrat, même banal ou habituel ou ne présentant aucune circonstance particulière, l’on constate que les entreprises d’assurances persistent à refuser les faits dans de telles hypothèses.

L’arrêt rappelle donc utilement que le fait tel que celui en cause (courir derrière la balle dans le cadre d’une partie de mini-foot) constitue bel et bien un événement qui peut recevoir la qualification d’événement soudain.


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