Terralaboris asbl

Peut-il y avoir cumul entre les indemnités de maternité et celles d’incapacité de travail temporaire ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 mars 2006, R.G. 45.119

Mis en ligne le vendredi 28 décembre 2007


Cour du Travail de Bruxelles, 13 mars 2006, R.G. 45.119

TERRA LABORIS asbl – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 13 mars 2006, la cour du travail de Bruxelles a confirmé, après Cassation d’un arrêt de la cour du travail de Mons, que l’entreprise d’assurances doit payer à la victime la partie des indemnités d’incapacité de travail qui excède le montant des indemnités de maternité. L’organisme assureur est, pour sa part, subrogé dans les droits de l’assurée, à concurrence de ce qu’il a payé. Précisons qu’il s’agit d’un cas d’incapacité temporaire totale.

Les faits

En date du 9 mars 1994, une travailleuse fut victime d’un accident du travail, ensuite duquel elle fut en incapacité pendant 18 mois environ.

Entre-temps, la travailleuse accoucha et son organisme assureur lui paya les indemnités de maternité pendant les 15 semaines du congé de maternité. A la suite de cette période, l’entreprise d’assurances reprit le paiement des indemnités d’incapacité temporaire totale.

L’intéressée sollicita le paiement des indemnités d’incapacité de travail complètes pour la période correspondant au congé de maternité.

La décision du tribunal

Le tribunal du travail ne fit pas droit à la demande, vu l’interdiction de cumul contenue à l’article 136 §2 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

L’arrêt de la cour du travail de Mons du 7 janvier 2000

L’arrêt considéra qu’en vertu de l’article 22 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, la victime était en droit de bénéficier des indemnités journalières et que la loi sur les accidents du travail ne contient aucune disposition interdisant ou limitant le cumul des indemnités qu’elle prévoit avec d’autres prestations. En conséquence, pour la cour, l’entreprise d’assurances ne peut se prévaloir de l’article 136 §2 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 pour échapper au paiement des indemnités d’incapacité temporaire totale.

Si la victime connaît une période d’incapacité de travail pour une cause étrangère à l’accident du travail (en l’occurrence grossesse et accouchement), mais si elle reste par ailleurs atteinte d’une incapacité temporaire totale causée par l’accident, elle est en droit de bénéficier des dispositions de l’article 22, c’est-à-dire des indemnités journalières pour la période correspondante. La cour poursuit en signalant qu’il appartient à l’assuré social d’informer son organisme assureur de l’action engagée en vue d’obtenir celles-ci.
Pour la cour, suivre la thèse de l’entreprise d’assurances, étant que pendant la période concernée l’intéressée n’aurait droit qu’à la différence entre l’indemnité d’incapacité temporaire totale et l’indemnité de mutuelle, reviendrait à faire bénéficier l’entreprise d’assurances des indemnités indûment payées par l’organisme assureur.

L’arrêt de la Cour de Cassation du 25 novembre 2002

La Cour de Cassation relève que, si le cumul est interdit, il appartient à l’organisme assureur d’octroyer les prestations prévues par la loi du 14 juillet 1994 en attendant que le dommage soit effectivement réparé en vertu du droit commun ou d’une autre législation, mais qu’il est subrogé de plein droit au bénéficiaire, à concurrence du montant de ces prestations. L’octroi de celles-ci n’est pas indu lorsque les conditions légales sont réunies. Ces dispositions sont applicables en ce qui concerne l’assurance maternité.

La Cour suprême confirme la règle selon laquelle les prestations de l’assurance maternité et les indemnités d’incapacité de travail prévues dans le cadre de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail couvrent les unes et les autres le dommage qui consiste en la perte ou la réduction de la capacité de gagner sa vie en travaillant. En conséquence, le paiement n’est pas indu et le paiement des prestations de l’assurance maternité n’a pas eu pour effet de subroger à la victime son organisme assureur.

La décision de la cour du travail de Bruxelles du 13 mars 2006

Dans son arrêt de renvoi, la cour du travail de Bruxelles rappelle les principes selon lesquels :

1- le cumul est interdit (article 136 §2 alinéa 1er de la loi du 14 juillet 1994) ;

2- dans l’attente de la réparation du dommage, l’organisme assureur octroie les prestations prévues par cette loi (article 136 §2 alinéa 3) ;

3- il est subrogé de plein droit au bénéficiaire à concurrence du montant de ces prestations pour la totalité des sommes dues en vertu du droit commun ou d’une autre législation et qui réparent totalement ou partiellement le dommage (article 136, §2 alinéa 4).

Il n’y a pas lieu de considérer que ces prestations de l’organisme assureur constitueraient un indu lorsque sont réunies les conditions prescrites à l’article 295 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, c’est-à-dire lorsque l’organisme assureur est mis, lors de la demande d’octroi des indemnités de maternité, dans la possibilité d’exercer son droit de subrogation à l’égard de l’entreprise d’assurances.

Dès lors que les indemnités étaient dues, l’organisme assureur, qui les a payées, est subrogé dans le droit de l’intéressée aux indemnités d’incapacité temporaire de travail pendant la période correspondant au congé de maternité, et ce à concurrence des montants payés.

Les indemnités de maternité et les indemnités journalières prévues par la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail réparent toutes deux le même dommage, étant la perte ou la réduction de la capacité de gagner sa vie en travaillant.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision de la cour du travail, qui confirme la position de la Cour de Cassation dans son arrêt du 25 novembre 2002, est double :

1- il est rappelé que le mécanisme légal prévu par l’article 136 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 est applicable, en vertu de l’article 117 alinéa 1er de la même loi, à l’assurance maternité. L’interdiction de cumul vise dès lors les indemnités de mutuelle perçues dans ce cadre également ;

2- il y a subrogation légale, mais il s’agit de la subrogation de l’organisme assureur dans les droits de l’assurée sociale et non l’inverse. En conséquence, l’entreprise d’assurances est tenue de rembourser à l’organisme assureur ce que celui-ci aura déboursé et la différence revient à la travailleuse.


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