Terralaboris asbl

L’absence de moyen de transport constitue-t-elle un motif légitime d’abandon d’emploi ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 2 juin 2009, R.G. 8.083/06

Mis en ligne le mardi 4 août 2009


Cour du travail de Liège, section de Namur, 2 juin 2009, R.G. n° 8.083/06

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 2 juin 2009, la Cour du travail de Liège, section de Namur, rappelle les conditions permettant de justifier un abandon d’emploi.

Les faits

Le demandeur originaire, habitant Namur, obtient un contrat d’intérim auprès d’une société sise à Perwez. Ce contrat débute le 12 juillet 2004 et est suivi d’un contrat d’engagement direct, allant jusqu’à la fin du mois de septembre. Il s’agit d’un contrat pour une entreprise horticole (nettoyage des abords autoroutiers). Il doit commencer ses prestations, sur le chantier, à 6 heures du matin et, auparavant, s’être rendu au siège de l’entreprise pour y être conduit.

A partir du 4 août 2004, il ne présente plus au travail. Il avait, en effet, acheté un véhicule d’occasion deux mois auparavant pour un prix dérisoire et ce véhicule est tombé en panne définitive. N’étant plus en mesure d’être présent à l’entreprise à l’heure convenue, il signale à son employeur qu’il souhaite mettre fin à son engagement. Les transports en commun (Namur-Perwez) ne permettent en aucun cas d’arriver au travail à temps et seul un moyen de transport individuel pourrait lui permettre d’exécuter son contrat.

S’étant inscrit au chômage, il se voit notifier ultérieurement une exclusion de quinze semaines pour abandon d’emploi sans motif légitime.

La position du tribunal

Sur recours de l’intéressé, le tribunal du travail de Namur annule la sanction administrative, considérant que le travailleur s’est trouvé dans un cas assimilable à un cas de force majeure.

La position des parties en appel

L’ONEm interjette appel, contestant l’existence d’une force majeure. Pour lui, le travailleur n’a même pas cherché à trouver un moyen de transport de substitution (covoiturage) et n’a entrepris aucune démarche auprès de son employeur afin de sauvegarder le contrat de travail.

L’intéressé maintient, pour sa part, que la situation dans laquelle il s’est trouvé était un cas de force majeure, aucune possibilité autre de déplacement n’existant en l’occurrence.

La position de la Cour

La Cour rappelle les principes, étant qu’il faut entendre par chômage intervenu par suite de circonstances dépendant de la volonté du travailleur, notamment l’abandon d’un emploi convenable sans motif légitime. Il s’agit de l’hypothèse prévue à l’article 51, § 1er (1°) de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et la sanction de cet abandon d’emploi est une exclusion de 4 à 52 semaines.

Pour la Cour, les hypothèses prévues par l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991, qui fixe les critères de l’emploi convenable, et en conséquence, de l’abandon justifié ou non, sont des critères à caractère exemplatif. Le texte de l’article 22, alinéa 1er contient, en effet, l’adverbe « notamment » (Le caractère convenable de l’emploi s’apprécie notamment selon les critères ci-après ».

Rappelant la doctrine (J.-Fr. FUNCK, « Les conditions d’admissibilité », GSP, Partie I, livre IV, Titre III, Chap. III, 2. ainsi que B. GRAULICH et P. PALSTERMAN, Les droits et obligations du chômeur, EPDS, 2003, Kluwer, p. 117 et s.), la Cour reprend les divers critères admis en jurisprudence, étant les raisons familiales, l’exercice d’une autre activité, la modification des conditions de travail, l’inaptitude physique, la démission forcée sous la menace d’un licenciement, etc.

Elle précise, ensuite, que l’abandon d’emploi ne doit en aucune manière résulter d’un cas de force majeure ou d’un cas assimilable à une force majeure. Il suffit qu’il soit justifié par un motif légitime.

En l’espèce, rappelant les éléments de fait qui sont établis par les données du dossier, la Cour arrive à la conclusion que l’abandon d’emploi était légitime, l’intéressé n’étant plus en mesure de se présenter à son travail à l’heure convenue. Pour ce, elle se fonde sur divers éléments, étant notamment le désir manifesté par le demandeur de travailler, désir concrétisé par l’inscription auprès d’une agence d’intérim ainsi que l’achat d’une voiture, de même que la survenance d’une panne irréparable, qui aboutit à empêcher l’intéressé d’honorer ses engagements.

Pour la Cour du travail, le statut d’intérimaire, par sa précarité, ne permettait par ailleurs pas à l’intéressé de prendre utilement contact avec ses collègues, qu’il ne connaissait pas.

C’est donc dans le contexte où l’intéressé a fait preuve d’une volonté évidente de travailler qu’est survenu un événement fortuit indépendant de la volonté du travailleur et sur lequel il n’avait pas de prise, faute de moyens financiers.

Intérêt de la décision

Le cas d’espèce est intéressant à deux égards, d’une part sur le plan des principes, puisque la décision rappelle que la force majeure n’est pas requise mais un motif légitime et d’autre part sur l’examen en fait de l’existence de la volonté de travailler, volonté tenue en échec par un événement indépendant de la volonté de l’intéressé et contre lequel il n’a aucune prise.


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