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Notion d’inaptitude permanente ou temporaire au travail d’au moins 33%

Commentaire de C. trav. Liège, 22 juin 2009, R.G. 35.552/08

Mis en ligne le mardi 4 août 2009


Cour du travail de Liège, 22 juin 2009, R.G. 35.552/08

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 22 juin 2009, la Cour du travail de Liège rappelle ce qu’il faut entendre par inaptitude (permanente ou temporaire) au sens de la réglementation chômage, notion notamment utilisée aux fins de permettre la suspension de la procédure de suivi en matière d’activation du comportement de recherche d’emploi.

Les faits

Le directeur du bureau de chômage notifia fin août 2006 à une Dame B. son refus de suspendre la procédure de suivi en matière d’activation du comportement de recherche d’emploi sur la base du motif d’inaptitude au travail.

L’ONEm y considérait que l’intéressée ne présentait ni une inaptitude permanente au travail d’au moins 33%, ni une inaptitude temporaire au travail du même ordre justifiée pour une période de deux ans au moins. En l’espèce, l’inaptitude permanente au travail reprise sur le formulaire rempli par le médecin de l’ONEm visait un taux de 20%.

La procédure

L’intéressée introduisit un recours devant le tribunal du travail de Liège, qui désigna un expert judiciaire avec pour mission de déterminer si elle présentait une inaptitude permanente au travail de 33% au moins (la référence étant faite à toute activité que l’intéressée pourrait exercer en fonction de sa formation et de ses aptitudes professionnelles) ou si elle présentait une inaptitude temporaire du même ordre pour une durée de deux ans au moins.

L’expert remit son rapport en juin 2007 et considéra qu’il y avait en l’espèce inaptitude permanente au travail de 10%, la demanderesse ne présentant pas, par ailleurs, une inaptitude temporaire au travail d’au moins 33% pour une durée de deux ans au moins. L’expert précisait que les taux avaient été évalués par rapport à toute activité qu’elle pourrait exercer selon les critères repris dans la mission qui lui avait été confiée.

La position des parties en appel

La Dame B. interjeta appel, contestant le rapport d’expertise et faisant valoir qu’elle était atteinte depuis juin 2006 d’une inaptitude permanente au travail d’au moins 33%.

L’ONEm sollicitait, pour sa part, la confirmation du jugement.

La position de la Cour

La Cour rappela les principes en matière d’inaptitude au travail, au sens de la réglementation chômage, étant l’article 59bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui vise l’incapacité physique de travail. La Cour rappelle que l’inaptitude au travail d’au moins 33% désigne, à concurrence de ce taux, l’incapacité physiologique du travailleur (incapacité qui est souvent une incapacité fonctionnelle) à exercer le travail qu’il pourrait normalement exercer, en l’absence de celle-ci. Pour apprécier l’inaptitude permanente, il y a lieu de se référer à tout travail que le travailleur pourrait normalement exercer, abstraction faite de cette incapacité. Par contre, l’inaptitude temporaire doit être mesurée au regard du travail effectivement exercé par le travailleur au moment où celle-ci a débuté. Il est précisé que, en l’occurrence, cette distinction est inopérante, l’intéressée n’ayant jamais travaillé.

Appliquant les principes au cas d’espèce, la Cour constate que le premier juge avait chargé l’expert de se prononcer sur l’inaptitude permanente par référence à toute activité qui pourrait être exercée eu égard à la formation et aux aptitudes professionnelles de l’intéressée, critères qui n’avaient pas, toutefois, été repris à propos de l’inaptitude temporaire.

Pour l’expert, l’inaptitude permanente au travail de 10% était donc inférieure au seuil réglementaire et l’inaptitude temporaire était inexistante. L’expert avait précisé les références qu’il avait retenues, étant toute activité que la dame B. pourrait effectuer en fonction des deux critères fixés dans sa mission, étant sa formation et ses aptitudes professionnelles.

Rappelant l’avis du Ministère public, la Cour retient que la notion d’inaptitude au travail retenue est ainsi inexacte, dans la mesure où n’a pas été considérée uniquement l’incapacité purement physique mais l’incapacité de travail au sens médico-socio-économique de l’expression. Il y a dès lors erreur d’interprétation et la Cour de préciser que l’incapacité physiologique à travailler doit se mesurer par référence au travail que le travailleur serait normalement apte à exercer, si cette incapacité n’existait pas et l’exemple est donné, pour un ouvrier sans qualification : il n’y a pas lieu d’avoir égard pour celui-ci au travail exercé par un ouvrier hautement spécialisé. La Cour décide, dès lors, de désigner un nouvel expert qui repartira sur des bases clarifiées à la fois sur le plan médical et terminologique. La Cour relève ici qu’il s’indique de retenir cette solution car, inviter l’expert à revoir et à compléter son rapport impliquerait de le modifier « en se faisant peut-être intellectuellement violence ».

La mission confiée au nouvel expert est double, étant qu’il lui est demandé de déterminer

  • s’il existait à la date litigieuse, une inaptitude permanente au travail d’au moins 33%, c’est-à-dire une incapacité physique au sens tel que défini dans l’arrêt d’au moins 33% à exercer tout travail que la dame B. aurait pu normalement exercer sans cette incapacité,
  • dans la négative, s’il y avait incapacité temporaire au travail d’au moins 33% pendant une période de deux ans au moins, c’est-à-dire une incapacité physique d’au moins ce taux à exercer tout travail que la dame B. aurait normalement pu exercer, sans cette incapacité, pendant cette période.

Intérêt de la décision

L’intérêt de cette décision est incontestable, étant qu’elle rappelle qu’au sens de la réglementation chômage, où existe la notion particulière « d’inaptitude permanente » il y a lieu d’entendre par là l’incapacité physique à exercer tout travail que le chômeur aurait pu normalement exercer, en l’absence de celle-ci.

Le deuxième point d’intérêt est le choix fait par la Cour de désigner un nouvel expert, plutôt que d’amener celui qui s’est déjà prononcé à devoir se dédire : la pratique démontre en effet rarement un revirement dans les conclusions de l’expert, dans une telle hypothèse.


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