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L’aide médicale urgente accordée à un étranger en séjour illégal inclut l’admission dans une maison de repos et de soins pour raisons exclusivement médicales

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 juin 2009, R.G. 50.784

Mis en ligne le mardi 8 septembre 2009


Cour du Travail de Bruxelles, 11 juin 2009, R.G. n° 50.784

TERRA LABORIS ASBL – Sandra Cala

Dans un arrêt du 11 juin 2009, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé, au vu de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, les notions d’aide urgente et d’impossibilité de retour pour raisons médicales.

Les faits

Un citoyen de nationalité moldave, en séjour illégal sur le territoire, est victime d’une hémorragie cérébrale. Il se retrouve, suite à celle-ci, hospitalisé. Il ressort d’un rapport médical qu’il conserve de nombreuses séquelles et déficits (aphasie, troubles de la compréhension, etc.).

Une rééducation pluridisciplinaire est jugée indispensable, avec l’intervention de divers spécialistes (kinésithérapeute, logopède, ergothérapeute).

En conséquence, l’hôpital introduit une demande d’intervention du CPAS afin qu’il prenne en charge les frais relatifs au placement en M.R.S. A l’appui de cette demande, figure une documentation médicale dont il ressort que l’aide d’un tiers reste indispensable.

Le CPAS va refuser, au motif de l’illégalité du séjour, estimant que l’aide sollicitée n’entre pas dans la notion d’aide médicale urgente.

La position du tribunal

Le tribunal fait droit à la demande de l’intéressé, considérant, au contraire qu’entre dans la notion d’aide médicale urgente l’admission en maison de repos et de soins dans la mesure où elle est requise pour des raisons exclusivement médicales.

Le tribunal du travail relève encore – surabondamment – qu’il y a impossibilité absolue de retour dans le pays d’origine.

La position des parties en appel

Le CPAS ne conteste pas le grave accident vasculaire cérébral mais se fonde essentiellement sur le caractère illégal du séjour. Pour lui, un placement en maison de repos et de soins est une forme d’hébergement, certes médicalisé, mais qui dépasse la notion d’aide médicale urgente, qui ne vise que des soins « urgents ». Il plaide en outre que vu les troubles du langage présentés par le demandeur, il serait plus adéquat et même nécessaire qu’il soit dans son milieu linguistique d’origine. A cet égard, il considère que l’impossibilité absolue de retour n’a pas été explicitement démontrée et qu’elle ne peut être admise de plein droit.

Quant au demandeur, il expose qu’il n’a aucune famille en Belgique et que, étant atteint de paralysie et d’autres limitations importantes, il ne peut plus se déplacer qu’en fauteuil roulant. Sur le fond, il estime que l’aide médicale urgente, au sens de l’article 1er de la l’arrêté royal du 12 décembre 1996 relatif à l’aide médicale urgente octroyée par les CPAS aux étrangers en séjour illégal est celle qui revêt un caractère exclusivement médical et dont le caractère urgent est attesté par un certificat médical. Cette aide peut être financière, prendre la forme d’un logement ou d’une autre aide sociale en nature.

Il demande confirmation de la conclusion du premier juge étant que l’objectif poursuivi, à savoir l’admission en maison de repos et de soins, n’est pas de fournir un logement à l’intéressé mais de lui permettre de poursuivre sa revalidation dans des conditions plus adaptées et d’ailleurs moins onéreuses pour la collectivité qu’à l’hôpital.

Sur la notion d’impossibilité de retour pour raisons médicales, il se réfère à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et notamment à son arrêt du 21 décembre 2005 (n° 194/2005), qui est venu compléter la définition de l’impossibilité médicale absolue de retour : pour apprécier celle-ci, il faut prendre en considération le fait que l’affection dont souffre la personne « ne peut recevoir des soins adéquats dans son pays d’origine ou dans un autre état obligé de le reprendre ».

La notion d’adéquation de soins n’étant pas définie, il ne fait, pour le demandeur, aucun doute que le juge doit apprécier non pas uniquement l’existence de tels soins dans le pays d’origine mais également la qualité de ceux-ci. Il reprend plusieurs décisions de fond et notamment un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 22 février 2007 (R.G. 48.491) selon lequel le caractère « absolu » de l’impossibilité de retour doit s’apprécier de manière raisonnable, c’est-à-dire au regard des circonstances du cas d’espèce, et de manière proportionnée à l’objectif de la législation, celui-ci étant (la limitation de) l’aide sociale. Il expose, également, un ensemble d’éléments de fait dont il conclut qu’il y a pour lui impossibilité de voyager, absence de milieu familial pouvant l’accueillir et impossibilité d’avoir sur place les soins adéquats.

La position de la Cour

La Cour considère qu’il y a lieu de confirmer la position du tribunal en ce qu’il a déterminé qu’il ne s’agissait pas en l’espèce de fournir un logement à l’intéressé mais de permettre sa revalidation dans des conditions plus adaptées et moins onéreuses pour la collectivité qu’à l’hôpital.

Elle poursuit que, si même l’aide demandée ne pouvait être justifiée sur la base de la notion d’aide médicale urgente, cette aide devrait en ce cas être allouée vu l’impossibilité absolue de retour. Cette impossibilité est justifiée non seulement par l’état de santé très chancelant de l’intéressé mais également par la circonstance que rien ne permet de dire s’il pourra bénéficier de soins adéquats dans son pays d’origine.

La Cour rappelle l’arrêt de la Cour constitutionnelle ci-dessus, selon lequel l’impossibilité absolue de retour doit être également admise en l’absence de soins adéquats possibles dans le pays d’origine.

Le jugement est dès lors confirmé.

Intérêt de la décision

Cette décision de la Cour du travail de Bruxelles démontre, à travers un cas d’espèce, l’interprétation jurisprudentielle faite des dispositions concernant l’aide sociale à accorder aux étrangers en séjour illégal. En l’espèce, l’hébergement en M.R.S. se justifie, vu les éléments du dossier, en tant que revalidation et non comme logement.


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