Terralaboris asbl

Conditions d’existence d’une force majeure dans le chef du chômeur

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 4 juin 2009, R.G. 50.839W

Mis en ligne le mardi 10 novembre 2009


Cour du Travail de Bruxelles, 4 juin 2009, R.G. n° 50.839W

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 4 juin 2009, la Cour du travail rappelle les conditions dans lesquelles la force majeure peut être invoquée pour que le chômeur soit dispensé d’exécuter une de ses obligations. Il doit s’agir d’un obstacle insurmontable.

Les faits

Monsieur C. introduit une demande d’allocations de chômage auprès de la CAPAC et explique avoir volontairement quitté son emploi. Dans un premier temps, une décision de non-admissibilité est prise au motif d’un passé professionnel insuffisant. Il est précisé à l’intéressé que s’il veut sauvegarder ses droits il doit rester inscrit comme demandeur d’emploi et continuer à se présenter au contrôle communal.

Après audition de l’intéressé, cette décision est rapportée et le demandeur est admis. Une sanction d’exclusion est cependant prise pour abandon d’emploi sans motif légitime. À l’issue de la période de quatre semaines objet de la sanction, une demande est réintroduite étant une déclaration personnelle de chômage C109. Dans celle-ci, l’intéressé signale qu’il n’a pas pointé pendant toute la période depuis la première demande d’allocations. La CAPAC demande à l’ONEm de reconnaître la force majeure, ce qui est refusé par l’Office vu les mentions du C29 (décision d’exclusion) informant l’intéressé de l’obligation de se présenter au contrôle communal.

La CAPAC précise ultérieurement que l’intéressé a cru que les mentions du C29 ne vaudraient qu’en cas de contestation, ce qui ne fut finalement pas le cas.

Vu le maintien par l’ONEm de sa décision, l’intéressé introduit un recours devant le tribunal du travail.

Position du tribunal

Le tribunal admet l’existence d’une force majeure et fait dès lors droit au recours.

Le tribunal considère en effet que le dossier a été encodé sur la base d’un numéro de registre national incorrect, ce qui a orienté son instruction à partir de données inexactes et a abouti à la décision de non-admissibilité. Cette erreur est imputable à la CAPAC et est à l’origine de l’absence de pointage. Ceci constitue, pour le tribunal, la force majeure invoquée.

Position des parties en appel

Sur appel de l’ONEm, qui considère que les conditions de la force majeure ne sont pas réunies, la Cour du travail est dès lors saisie de la question de l’existence de celle-ci. Pour l’Office, en effet, les faits ne répondent pas à la définition de la force majeure : s’il y a erreur d’information de l’organisme de paiement, celle-ci n’est pas imputable à l’ONEm et la décision qu’il a prise l’a été de manière régulière.

Position de la Cour

La Cour doit en l’espèce appliquer la réglementation relative au pointage communal en vigueur à l’époque mais actuellement supprimée. Elle n’en dégage pas moins d’une part les règles relatives à la constatation de la force majeure et de l’autre les possibilités d’existence d’une telle force majeure pour le chômeur qui résulterait des échanges d’informations entre l’ONEm et les offices de paiement.

En ce qui concerne la force majeure, elle rappelle que celle-ci ne peut résulter que d’un événement indépendant de la volonté humaine que l’homme n’a pu prévoir ou prévenir. Elle rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation sur cette question (Cass., 18 sept. 2000, S.00.0016Nt). L’erreur peut, selon la Cour, en raison de certaines circonstances, être constitutive d’une force majeure mais ceci à la condition qu’il puisse se déduire des circonstances en cause que la personne qui invoque l’erreur a agi comme l’aurait fait toute personne raisonnable et prudente placée dans la même situation. Le simple fait d’une mauvaise information, même donnée par une personne qualifiée, ne peut suffire.

La Cour relève, par ailleurs, des circonstances de l’espèce qu’il n’est pas établi qu’une information erronée ait été donnée par la CAPAC à l’intéressé ni que cette information serait à l’origine de l’absence de pointage par celui-ci. Il ne peut davantage être constaté que l’erreur commise quant à l’obligation de se présenter au contrôle serait constitutive d’une force majeure vu qu’il s’agit d’une obligation générale dont l’intéressé ne nie par ailleurs pas avoir eu connaissance. Il s’en déduit, pour la Cour, que si l’intéressé a entrepris de ne pas se présenter c’est une décision de sa part qui a été volontairement prise.

De telles circonstances ne peuvent constituer une force majeure, étant qu’il ne peut s’agir d’un obstacle insurmontable et indépendant de la volonté du chômeur.

Intérêt de la décision

Si la question du contrôle communal a perdu de son actualité, la Cour du travail retient ici, dans cette relation triangulaire (ONEm, organisme de paiement et chômeur) que l’assuré social ne peut, pour s’exonérer d’une obligation vis-à-vis de l’Office, invoquer la force majeure alors que la décision prise l’a été sur une base volontaire. La force majeure ne pourrait exister que si elle résultait d’un obstacle totalement étranger au chômeur, indépendant de sa volonté et qui aurait rendu totalement impossible l’exécution de son obligation.


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