Terralaboris asbl

Egalité hommes et femmes pour le calcul de la carrière

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 17 septembre 2009, R.G. 38.992

Mis en ligne le lundi 4 janvier 2010


Cour du travail de Bruxelles, 17 septembre 2009, R.G. n° 38.992

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 17 septembre 2009, la Cour du travail de Bruxelles clôt un long dossier : celui qui a amené la Cour de justice à rendre son arrêt du 30 avril 1998 sur l’égalité de traitement en la matière.

Rétroactes

Suite à un recours introduit par Monsieur P. devant le tribunal du travail de Verviers contre une décision lui octroyant une pension de retraite de travailleur salarié calculée sur la base d’une carrière de 44/45es, le tribunal du travail de Verviers rendit un jugement le 22 novembre 1994 réformant la décision de l’ONP.

L’intéressé avait demandé que sa carrière soit calculée en 40/40es, se fondant sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes. Il faisait valoir la violation du droit communautaire, étant la directive 79/7/CEE relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité du traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale.

Le tribunal du travail de Verviers s’est fondé sur l’arrêt VAN CANT (C.J.C.E., 1er juill. 1993, VAN CANT, Aff. C.154/92, Rec. 1993, I, p. 3811), selon lequel dès lors qu’un état membre a modifié sa législation pour instituer le même âge de la retraite pour les hommes et les femmes, il n’est plus en droit de maintenir une différence selon le sexe dans le mode de calcul de la pension. Le tribunal du travail de Verviers a ainsi dit pour droit que la pension devait être calculée en 40es au lieu de 45es.

Suite à l’appel formé par l’ONP, la Cour du travail de Liège rendit un arrêt, en date du 10 novembre 1995, déclarant l’appel non fondé.

L’ONP se pourvut alors en Cassation et la Cour suprême, doutant de la compatibilité de la loi du 20 juillet 1990 avec le droit communautaire, rendit un arrêt le 4 novembre 1996, posant trois questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés Européennes.

La réponse fut donnée par celle-ci dans son arrêt du 30 avril 1998.

L’arrêt de la Cour de justice du 30 avril 1998

La Cour de justice a considéré, à propos de la problématique soulevée, que la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale doit, en son article 7, § 1er a), être interprétée en ce que, si une réglementation nationale a maintenu une différence dans l’âge de la retraite entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, l’Etat membre concerné est en droit de calculer le montant de la pension différemment selon le sexe du travailleur.

L’arrêt de la Cour du travail de Liège fut en conséquence cassé par arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 1999.

Position de la Cour du travail de Bruxelles

Saisie, ainsi, de l’appel de l’ONP contre le jugement du 22 novembre 1994, vu la cassation de l’arrêt de la Cour du travail de Liège du 10 novembre 1995, la Cour du travail de Bruxelles doit répondre à l’argumentation de l’ONP selon laquelle la loi du 20 juillet 1990 instaurant l’âge flexible de la pension de retraite n’a pas supprimé la différence entre hommes et femmes quant à l’âge de la pension, de sorte que celui-ci continue à être fixé à 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes.

Reprenant les rétroactes, étant que la contestation originaire porte sur l’interprétation de l’article 7 de la directive, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la jurisprudence communautaire selon laquelle en cas de maintien dans les réglementations nationales d’une différence entre l’âge de la retraite entre travailleurs masculins et féminins, le montant de la pension peut être calculé différemment selon le sexe du travailleur.

Il en résulte, pour la Cour du travail de Bruxelles et, ainsi que décidé par la Cour de cassation dans son arrêt de renvoi, que la loi belge, qui a maintenu ladite différence dans l’âge de la retraite entre hommes et femmes et qui, en conséquence, procède à un calcul différent des pensions entre ceux-ci, n’est pas contraire au droit européen.

La Cour met ainsi un terme, par cet arrêt du 17 septembre 2009, à une procédure introduite il y a plus de quinze ans.

Intérêt de la décision

C’est pour le rappel de l’arrêt de la Cour de justice, qui a répondu aux questions préjudicielles posées par la Cour de cassation, que la décision ci-dessus est intéressante. La procédure avait en effet été initiée peu après l’entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 1990 introduisant un âge flexible de la retraite et qui avait prévu que tant les hommes que les femmes pouvaient, dès le 1er janvier 1991, prendre leur pension de retraite entre 60 et 65 ans sans qu’il y ait de diminution pour cause d’anticipation. L’arrêt VAN CANT du 1er juillet 1993 était, pour sa part, venu préciser que lorsque le même âge était fixé dans la législation nationale, une différence selon le sexe dans le mode de calcul de la pension ne pouvait plus être maintenue. Dans son arrêt du 30 avril 1998, la Cour de justice a statué dans l’hypothèse où une différence dans l’âge de la retraite est maintenue, dans une réglementation nationale, ce qui était le cas pour la Belgique.


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