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Sécurité sociale d’outre-mer : réduction de la rente en cas de différence d’âge

Commentaire de C. trav. Liège, 24 novembre 2009, R.G. 036.044/09

Mis en ligne le mercredi 14 avril 2010


Cour du travail de Liège, 24 novembre 2009, R.G. 036.044/09

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 24 novembre 2009, la Cour du travail de Liège confirme l’absence de discrimination injustifiée dans l’article 21, §3 de la loi du 17 juillet 1963, qui fixe un mode de calcul particulier de la pension de survie, tenant compte de l’âge des conjoints.

Les faits

Monsieur X, de nationalité belge, né en 1931, est assujetti, pour une grande partie de sa carrière, à l’Office de sécurité sociale d’outre-mer. Il prend sa pension de retraite (à charge de l’OSSOM) le 1er décembre 1993. Il décède en février 2006.

Sa veuve introduit alors une demande de pension de veuve. Le brevet de pension lui reconnaît un montant mensuel brut de l’ordre de 275 €.

L’intéressée introduit un recours devant le Tribunal du travail.

Position de la demanderesse

La demanderesse considère la disposition légale discriminatoire et source d’inégalité entre hommes et femmes, inégalité fondée sur l’âge respectif de ceux-ci et fait encore valoir que cette inégalité compromet son droit de mener vie conforme à la dignité humaine au regard du droit à la sécurité sociale et du droit à l’épanouissement culturel et social. Elle se fonde sur un arrêt de la Cour constitutionnelle du 29 novembre 2000 (infra).

L’OSSOM plaide l’inapplicabilité de l’arrêt de la Cour constitutionnelle invoqué par la demanderesse à l’appui de sa thèse et expose que le montant de la pension est le fruit du système de capitalisation et des règles applicables, étant donné la différence d’âge entre feu son conjoint et elle-même.

Position du Tribunal du travail

Le Tribunal du travail va débouter la demanderesse, au motif d’une part de l’inapplicabilité de la décision de la Cour constitutionnelle invoquée et, d’autre part, par voie de conséquence, de la légalité du calcul effectué par l’OSSOM.

Position de la Cour du travail

La Cour du travail commence par rappeler le mécanisme mis sur pied par la loi du 17 juillet 1963, étant que l’assuré auprès de l’Office bénéficie d’une rente de retraite viagère, à l’âge de sa pension, rente dont le montant dépend des cotisations versées (article 20). Si l’épouse a le même âge que l’assuré, la rente de veuve est de 60% de celle-ci (article 21). En cas de différence d’âge, le taux de la rente est modifié conformément à un barème approuvé par le Roi.

Les coefficients applicables pour la détermination de la rente de veuve figurent ainsi dans un arrêté royal (arrêté royal du 15 décembre 1970 – modifié par arrêté royal du 28 décembre 2006).

La Cour du travail rappelle que l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 29 novembre 2000 (C.A., 29 novembre 2000, arrêt n° 12/2000, M.B., 2 février 2001, p. 2782) a conclu à l’inconstitutionnalité de l’article 21 en ce qu’il exclut du droit à la pension de survie les hommes dont l’épouse a cotisé au régime que la loi organise. La Cour du travail relève dans cet arrêt que la Cour constitutionnelle ne s’est pas prononcée sur une discrimination basée sur l’âge des époux et qu’il ne peut dès lors être invoqué à l’appui de la demande. La Cour rappelle également que le législateur a mis un terme, par la loi du 20 juillet 2006 portant des dispositions diverses, à la discrimination en cause et elle souligne que le libellé antérieur du texte était discriminatoire non vis-à-vis des veuves mais vis-à-vis des veufs.

Elle retient dès lors qu’aucune discrimination injustifiée n’est établie en ce qui concerne le mode de calcul de la pension de survie, qui prend en compte l’âge des conjoints. Elle s’appuie sur le fait que le régime d’outre-mer est dérogatoire par rapport au régime général des pensions, n’étant pas fondé sur la répartition mais sur la capitalisation des cotisations. Vu l’absence de mise en commun des cotisations au profit de tous, les rentes de survie vont dépendre du montant total des cotisations versées par l’époux décédé et également de la durée théorique de survie du conjoint survivant. Plus la durée du versement sera importante, plus – théoriquement – le nombre de rentes à verser sera élevé, ce qui justifie la réduction du taux en conséquence. Le système est dès lors fondé sur le mode de financement du régime de pension et, à la demande de la veuve, qui souhaitait voir poser une nouvelle question à la Cour constitutionnelle, la Cour du travail répond qu’il n’y a pas de discrimination injustifiée et qu’il y a lieu à l’application des dispositions légales.

Appliquant le barème au cas d’espèce, la Cour constate que la différence d’âge entre les conjoints est de 16 ans et qu’il y a lieu de retenir un coefficient de 0,43495.

Pour la Cour, les calculs de l’OSSOM sont dès lors corrects, n’étant pas contestés dans leurs montants.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail ci-dessus rappelle une particularité du régime de pension du secteur outre-mer, étant le financement par capitalisation, ce qui implique une prise en compte, dans la pension de survie, de l’âge du conjoint survivant. Un coefficient doit en effet être appliqué, aux fins de tenir compte de sa survie probable et, si le conjoint survivant est jeune, la pension se verra ainsi réduite de manière substantielle. Ajoutons que le texte en vigueur depuis le 1er janvier 2007 a ajouté comme condition que l’un des deux n’ait pas atteint l’âge de 65 ans (Loi portant des dispositions diverses du 20 juillet 2006, article 217, 4°).


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