Terralaboris asbl

ONSS et régularisation de cotisations de sécurité sociale en cas de non respect des règles de publicité du travail à temps partiel

Commentaire de Trib. trav. Charleroi, 5 novembre 2009, R.G. 09/295/A

Mis en ligne le mercredi 26 mai 2010


Tribunal du travail de Charleroi, 5 novembre 2009, R.G. 09/295/A

TERRA LABORIS ASBL – Mireille JOURDAN

Dans un jugement du 5 novembre 2009, le Tribunal du travail de Charleroi déboute l’ONSS d’une demande de régularisation des cotisations de sécurité sociale suite au non respect de la législation en matière de temps partiel, au motif d’une enquête indigente.

Les faits

Une enquête est effectuée par l’inspection sociale de l’ONSS auprès d’une entreprise et, lors de celle-ci, son administrateur gérant ne peut produire la preuve des mesures de publicité des horaires de travail à temps partiel. L’administrateur expose, lors de ce contrôle, que cette publicité est respectée et qu’il propose de fournir les avis à l’inspection sociale. Un rapport d’inspection sera rédigé 18 mois plus tard constatant la régularisation des prestations de 18 travailleurs. Se fondant sur l’article 22ter de la loi du 27 juin 1969 concernant la sécurité sociale des travailleurs, l’ONSS présente à l’employeur des formulaires F33 détaillant la rémunération de l’ensemble des travailleurs en vue de la régularisation des cotisations sociales dues dans le cadre d’un temps plein pour la période qu’il considère litigieuse étant de deux ans auparavant. La société ne paie pas, ne marquant pas accord avec le décompte de rémunérations sur la base d’un temps plein.

Citation est lancée.

Position des parties devant le Tribunal

L’ONSS se fonde sur l’audition à laquelle il a été procédé par l’inspection sociale constatant que, à partir du moment où l’administrateur gérant de la société n’était pas en mesure de remettre lors du contrôle sur place les avis de publicité, il y avait lieu à application de l’article 22ter et dès lors présomption irréfragable de travail à temps plein.

La société ne conteste pas, pour sa part, avoir occupé par le passé plusieurs ouvriers dans le cadre de travail à temps partiel et à horaire variable.

Elle se fonde sur le fait qu’elle a proposé de fournir les avis litigieux qu’elle n’était pas en mesure de produire lors de la visite de contrôle et, par ailleurs, fait état du fait qu’il n’y a aucun constat de ce contrôle, permettant de conclure à une infraction dans son chef. Or celui-ci serait indispensable pour une régularisation.

Subsidiairement, elle invoque le caractère réfragable de la présomption et considère qu’elle prouve le nombre d’heures effectivement prestées (contrat de travail, états de prestation, billets de paie et bilans).

Position du Tribunal

Le Tribunal rappelle les principes en matière de publicité du travail à temps partiel et de régularisation des cotisations de sécurité sociale sur la base d’un temps plein en cas d’infraction. En vertu de la loi programme du 22 décembre 1989 (articles 157 et suivants), les prestations des travailleurs occupés à temps partiel peuvent faire l’objet d’un contrôle, organisé de manière stricte : le contrat de travail à temps partiel (prévu par l’article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail) doit être conservé à l’endroit où le contrôle peut avoir lieu et, si le travailleur preste à horaire fixe mais selon un cycle variable, l’employeur doit respecter les cycles figurant dans le règlement de travail ou, à défaut, il y a lieu de prévoir des mesures de publicité de l’horaire du travail par la voie d’un avis affiché au moins 5 jours à l’avance dans les locaux de l’entreprise. Cet avis doit être daté et déterminer l’horaire de travail individuel. Il doit être conservé pendant un an et l’affichage doit intervenir avant le commencement de la journée du travail.

Les dérogations aux horaires de travail doivent être consignées dans un document ad hoc.

En cas de non respect des obligations qui précèdent, l’article 22ter de la loi du 27 juin 1969 vient sanctionner l’employeur, étant qu’il y a présomption de prestations à temps plein.

Le Tribunal rappelle que, si l’employeur veut apporter la preuve contraire, il ne suffit pas, dans l’hypothèse où il est impossible de déterminer le nombre exact d’heures de travail faute de mesures de publicité correctement respectées, d’alléguer que les prestations de travail ne se sont pas déroulées dans le cadre d’un temps plein pour échapper à la présomption légale. Ceci aboutirait à priver l’article 22ter de toute utilité.

L’objet de la preuve à apporter par l’employeur porte sur l’étendue des prestations de travail, le Tribunal rappelant que l’objet de la disposition légale est de prévenir et de réprimer le travail clandestin (Cass., 4 octobre 1999, J.T.T., 2000, p. 156). Cette mesure législative a d’ailleurs été renforcée par la loi programme du 27 décembre 2004, qui prévoit qu’à défaut de publicité des horaires de travail normaux des travailleurs concernés, les travailleurs à temps partiel sont présumés – sauf dans les cas d’impossibilité matérielle d’effectuer les prestations de travail à temps plein constatées par les services d’inspection – avoir effectué leurs prestations dans le cadre d’un contrat de travail en qualité de travailleur à temps plein.

En l’espèce, le Tribunal examine les conditions de l’enquête à laquelle il a été procédé, étant que les inspecteurs sociaux ont le droit de dresser des procès-verbaux, conformément à l’article 9 de la loi du 16 novembre 1972. Ces procès-verbaux font foi jusqu’à preuve du contraire. Ils doivent reprendre les constatations matérielles faites par les inspecteurs sociaux et celles-ci peuvent être utilisées avec leur force probante par les inspecteurs sociaux du même service, des autres services ou encore par les fonctionnaires chargés de la surveillance du respect d’autres législations. Le Tribunal rappelle l’enseignement de la Cour de cassation (Cass., 28 avril 1997, Pas., 1997, I, p. 516) selon laquelle les renseignements recueillis par les inspecteurs sociaux dans ces conditions ont la force probante d’une présomption de l’homme.

Le dossier constitué en l’espèce est cependant considéré par le Tribunal comme étant particulièrement succinct, se bornant à un rapport d’enquête et à l’audition du gérant – audition contenant des contradictions et ne pouvant en aucune manière constituer une reconnaissance de l’infraction. Le Tribunal considère ne pas pouvoir se fonder sur cette déclaration et, se tournant vers les autres éléments du dossier, il constate ne pas disposer du procès-verbal des constatations non plus que de celui des auditions faites lors de l’enquête sur place. Il relève également que les pièces relatives aux conditions de rémunération (pièces que l’ONSS a du se faire remettre à l’époque et qui lui ont permis de calculer la régularisation) ne sont pas davantage produites.

En vertu de l’article 870 du Code judiciaire, l’ONSS est tenu, comme le rappelle le Tribunal, d’apporter la preuve des faits qu’il allègue et qui sont ici contestés. Reprenant la doctrine (J.F. LECLERCQ et D. de ROY, « Les ressources de la jurisprudence de la Cour de cassation dans l’approche des missions de l’ONSS », J.T.T., 2005, p. 425 et 427), le Tribunal retient que l’exigence de continuité du service public ne justifie pas d’affranchir les autorités des règles de procédure applicables aux parties en litige.

L’ONSS n’établit donc, pour le Tribunal, nullement la matérialité des faits ni le fondement de la régularisation des cotisations sociales.

Intérêt de la décision

Ce jugement du Tribunal du travail de Charleroi rappelle d’une part l’essentiel des obligations de l’employeur en cas d’occupation à temps partiel (horaires variables, cycles variables, dérogations, …) ainsi que l’obligation pour l’ONSS, demandeur de régularisation de cotisations de sécurité sociale, d’apporter la preuve des faits et, en l’occurrence, l’élément matériel de l’infraction. Le Tribunal insiste également sur l’exigence que soient produits les constats, les procès-verbaux d’audition, etc… faits lors de l’instruction administrative. Il rappelle, enfin, la force probante des éléments figurant dans les rapports d’enquête effectués dans le cadre de la loi du 16 novembre 1972 : il s’git de présomptions de l’homme.


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