Terralaboris asbl

MENA : détermination du CPAS compétent lorsque la demande a été formée pendant la prise en charge par le système fédéral (« petit château »)

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 février 2010, R.G. 2007/AB/50.279

Mis en ligne le lundi 7 juin 2010


Cour du travail de Bruxelles, 18 février 2010, R.G. 2007/AB/50.279

TERRA LABORIS ASBL – Mireille JOURDAN

Dans un arrêt du 18 février 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles de compétence territoriale des CPAS à l’égard des MENA.

Les faits

Une jeune « MENA » (mineure étrangère non accompagnée), reconnue à ce titre, demande une aide sociale alors qu’elle réside encore au « Petit Château ». Elle s’adresse au CPAS de Bruxelles, sollicitant l’octroi d’une aide en vue de son installation (prise en charge d’une garantie locative, paiement du premier mois de loyer et d’une prime d’installation). Le CPAS de Bruxelles invoque son incompétence. Ultérieurement, sa tutrice va informer le même CPAS de la signature d’un bail sur la Commune d’Uccle. Le CPAS d’Uccle accordera, vu l’urgence, une aide sociale en vue de rencontrer les premiers frais de cette installation.

L’aide octroyée par le CPAS d’Uccle l’est en avance sur celle du CPAS de Bruxelles.

Un recours ayant été introduit devant le Tribunal du travail contre la décision d’incompétence du CPAS de Bruxelles, le Tribunal du travail de Bruxelles statuera par jugement du 23 août 2007, concluant à l’obligation pour celui-ci d’intervenir et mettant à sa charge le premier mois de loyer et la garantie locative.

Moyens des parties en appel

Le CPAS interjette appel, à titre principal, sur le fait qu’il n’est pas compétent pour allouer l’aide. Il fait grief au premier juge d’avoir conclu à cette compétence, et ce en contradiction avec la position de la Commission de conflit de compétence. Il plaide, par ailleurs, que la demande introduite auprès de lui était prématurée, l’intéressée résidant, au moment de son introduction, au « Petit Château », et fait également valoir que celle-ci n’a jamais eu de projet d’installation concrétisé sur le territoire de la Commune de Bruxelles.

L’intéressée considère quant à elle que le CPAS de Bruxelles était compétent, faisant notamment valoir qu’elle ne relève pas du régime des demandeurs d’asile (n’ayant pas de code 207). L’aide correspondant à la garantie locative et au premier mois de loyer doit, pour elle, être accordée par le CPAS du lieu de résidence, étant entendu que, en général, ce type de demande est introduit avant l’installation et le déménagement. En outre, le CPAS d’Uccle a octroyé une aide à ce titre, mais en tant qu’avance et, pour la demanderesse, le CPAS de Bruxelles tire un avantage de son inaction.

Position de la Cour du travail

La Cour résume la contestation qu’elle doit trancher comme suit : quel est le CPAS compétent pour accorder la première aide au logement d’un MENA séjournant régulièrement sur le territoire et qui doit quitter un centre fédéral d’accueil ?

La Cour constate par ailleurs que les autres éléments du dossier ne sont pas contestés, étant l’état de besoin ou l’absence de ressources.

Après avoir rappelé la règle selon laquelle la compétence du CPAS en matière d’aide sociale doit être appréciée au moment de l’introduction de la demande d’aide, la Cour conclut rapidement à la compétence du CPAS de Bruxelles.

La demande a en effet été introduite au moment où l’intéressée résidait au « Petit Château », soit sur le territoire de la Commune de Bruxelles. En vertu de la loi du 2 avril 1965, article 1er, le CPAS compétent est en principe celui du lieu de la résidence du demandeur. Reprenant l’avis – conforme – du Ministère public, la Cour rappelle un arrêt du 29 mai 2008 (C. trav. Bruxelles, 29 mai 2008, R.G. 50.181), qui a jugé que la compétence à l’égard des MENA est celle du CPAS de la Commune où est située la résidence de fait et que ceci est confirmé par une réponse ministérielle posée en 2006, relative aux questions de renvoi de responsabilité entre organismes (Question parlementaire n° 3-5558 de Madame NYSSENS – 27 juin 2006, Bull., n° 3-78, sess., 2006-2007). Si la demande est prématurée, ceci ne concerne pas la détermination de la compétence territoriale du CPAS mais son fondement éventuel et l’appréciation de l’aide.

La Cour renvoie à la décision de la Commission de conflit de compétence invoquée par le CPAS concernant le demandeur d’asile ne lie pas le juge.

La Cour rappelle à cet égard la modification législative intervenue par la loi du 22 décembre 2008 (loi du 22 décembre 2008 portant des dispositions diverses (1), M.B., 29 décembre 2008) introduisant une nouvelle dérogation au principe de la compétence du CPAS du lieu de résidence concernant les demandeurs d’asile qui quittent les structures d’accueil. Elle rappelle que, parmi les catégories autres que les demandeurs d’asile, la dérogation vise notamment les MENA, mais que cette règle ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce, dans la mesure où ladite dérogation n’était pas encore en vigueur au moment de la décision litigieuse. Surabondamment, à supposer que tel soit le cas, la Cour rappelle encore que cette dérogation vise uniquement la garantie locative.

Elle souligne également qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi du 22 décembre 2008 ci-dessus (Exposé des Motifs, page 11) que la règle spécifique de compétence qui y est édictée ne vaut pas si la personne ne peut déterminer le logement dans lequel elle va s’installer.

Appliquant ces principes au cas d’espèce, la Cour rappelle que l’accès au logement constitue un droit fondamental essentiel et que celui-ci doit être garanti à chacun, afin de lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine. Assurer cette aide est la mission des CPAS.

Si l’on ne pouvait exiger du CPAS qu’il donne un « blanc-seing » à l’intéressée, il s’avère cependant que celle-ci était dans une situation voisine d’une personne sans abri qui cherche un logement. Qu’une demande ait été introduite à titre préventif auprès du CPAS était une mesure de précaution, destinée à éviter un refus par un bailleur potentiel. La Cour rappelle encore ici l’article 1er de la loi du 8 juillet 1976, pour conclure qu’il relève des missions du CPAS d’examiner une telle demande et d’accorder l’aide nécessaire afin que le demandeur ne se trouve pas dans la situation indigne d’une personne sans logement. Enfin, en ce qui concerne l’intervention des CPAS respectifs, la Cour retient que le CPAS d’Uccle est intervenu vu la carence du CPAS de Bruxelles, mais que ce dernier était saisi de la demande en premier, qu’il était compétent et qu’il doit, en conséquence, s’acquitter.

Intérêt de la décision

La Cour du travail de Bruxelles revient, dans cet arrêt, sur les règles en matière de compétence du CPAS vis-à-vis d’étrangers séjournant en Belgique en séjour légal, ici une MENA. La Cour rappelle brièvement – quoique considérant celles-ci non applicables – les modifications intervenues sur les règles en matière de garantie locative, par la loi du 22 décembre 2008 portant des dispositions diverses (1). Elle souligne également que les décisions de la Commission de conflit de compétence ne lient pas les juridictions.


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