Terralaboris asbl

Obligations du commettant / entrepreneur et de l’ONSS

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 27 octobre 2009, R.G. 8.732/2009

Mis en ligne le lundi 7 juin 2010


Cour du travail de Liège - section de Namur, 27 octobre 2009, R.G. 8.732/2009

TERRA LABORIS ASBL – Sandra CALA

Dans un arrêt du 27 octobre 2009, la Cour du travail de Liège fait un rappel précis des obligations de l’entrepreneur (ou commettant) et de l’ONSS en matière d’application de l’article 30bis de la loi du 27 juin 1969 (modifiée par l’arrêté royal du 26 décembre 1998).

Les faits

Une société relevant du secteur de la construction paie à un sous-traitant diverses factures pour travaux. Celui-ci tombe en faillite et, à ce moment, sa dette cumulée vis-à-vis de l’ONSS est de l’ordre de 150.000 €. L’ONSS introduit alors une action contre l’entrepreneur principal lui demandant de payer un montant de l’ordre de 5.000 €.

Le jugement du Tribunal du travail

Par jugement du 18 décembre 2008, le Tribunal du travail de Namur fait droit à la demande de l’ONSS. La société plaidait qu’elle avait consulté le site de la Confédération de la Construction, laquelle renvoie à celui de l’ONSS. Elle signalait avoir pu vérifier que la société cocontractante était toujours enregistrée et en ordre de paiement de cotisations. L’ONSS soutenait pour sa part que, si l’entreprise était effectivement enregistrée, elle n’était cependant pas en ordre de cotisations et que sa banque de données reprenait ce fait.

Le Tribunal considéra que la base de données fait preuve et que la société n’établissait avoir consulté ni le site de l’ONSS ni celui de la Confédération de la Construction.

Position de la Cour du travail

Suite à l’appel de la société, la Cour du travail reprend le mécanisme de l’article 30bis, §§ 3 et 4 de la loi du 27 juin 1969. S’agissant de faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi programme du 27 avril 2007 (entrée en vigueur au 1er janvier 2008), la Cour rappelle que l’entrepreneur était considéré comme solidairement responsable lorsqu’il faisait appel à un entrepreneur non enregistré. Il était, en sus, tenu d’effectuer les retenues lors des paiements même en cas d’enregistrement. Dans cette hypothèse il était cependant exempté de ces retenues si ledit sous-traitant n’avait pas de dettes sociales. Pour vérifier l’existence des dettes sociales, il était renvoyé à la banque de données que l’ONSS devait mettre sur pied. La règle était dès lors l’obligation d’effectuer les retenues et le versement à l’ONSS lors de chaque paiement. Cette règle était assortie d’une exception.

Le système ainsi mis sur pied imposait de pratiquer les retenues lors de chaque paiement de facture, et ce même si l’enregistrement du cocontractant avait été vérifié lors de la conclusion du contrat ou lors du paiement de ces factures. L’entrepreneur (ou commettant) devait également consulter le site de l’ONSS qui, selon les termes du rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 26 décembre 1998 (M.B. 31 décembre 1998, 2e édition), a force probante. Le seul cas où les retenues ne devaient pas être effectuées était dès lors celui de l’absence de toutes dettes sociales lors du paiement des factures en cause.

La Cour rappelle ensuite que, tant avant qu’à partir du 1er janvier 2008, l’obligation d’effectuer ces retenues, ainsi que l’obligation de consultation de la banque de données reposent sur l’entrepreneur (ou le commettant).

Quant à l’ONSS, la seule obligation dans son chef était celle de créer la banque de données et d’y faire figurer les mentions adéquates.

Il en découle que l’entrepreneur (ou commettant) qui veut résister à une demande de paiement de la part de l’ONSS, vu la responsabilité solidaire en matière de cotisations, est tenu d’apporter la preuve du respect de ses obligations, étant la preuve de la consultation et également la preuve de ce que les mentions qui figuraient sur cette banque de données le dispensaient de procéder aux retenues en cause. En l’espèce, la société soutient mais sans l’établir qu’elle a respecté ses obligations légales, étant la consultation soit directement soit indirectement (c’est-à-dire via le site de la Confédération de la Construction) et que la banque de données ne faisait pas état de dettes sociales.

Il en découle, pour la Cour, que la société était tenue de conserver la preuve de cette consultation ainsi que celle des mentions qui figuraient dans la banque de données, étant qu’il fallait imprimer la page apparue à l’écran, ce qui n’a pas été fait.

Pour la Cour, l’ONSS n’est pas tenu de conserver dans sa banque de données, accessible sur son site, toutes les modifications successives que celle-ci connaitra au fil du temps : il doit permettre de vérifier si au moment de la consultation l’entreprise était en règle, étant qu’elle était enregistrée ou non et qu’elle avait des dettes sociales ou non.

Il s’avère, dans le cas d’espèce, que l’ONSS produit un relevé effectué par ses services sur la base des données qui ont été enregistrées et dont il ressort que les dettes sociales existaient bel et bien. D’autres entrepreneurs - ainsi que le relève la Cour - ont d’ailleurs effectué les retenues légales vis-à-vis du co-contractant, vu cette situation.

La Cour ne suit dès lors pas la position de la société, qui considère que, si elle n’est plus en mesure d’établir dans le cadre de la procédure que, au moment du paiement des factures, les mentions consultables sur le site de l’ONSS ne faisaient pas apparaître de dettes sociales, il faudrait néanmoins que l’ONSS apporte la preuve de l’état des mentions figurant sur le site lors de la consultation. Pour la Cour, l’ONSS n’est pas tenu de conserver – consultables sur site – les mentions antérieures, étant des mentions non mises à jour.

Pour la Cour, ceci ne constitue nullement une faute dans le chef de l’Office, d’autant que celui-ci est en mesure, par d’autres moyens, de retracer l’historique de l’évolution des dettes sociales du cocontractant. L’on ne peut donc ici se fonder, comme le fait la société, sur un manquement aux principes généraux de droit (légitime confiance, bonne administration ou encore sécurité juridique). Ces principes généraux ne peuvent contrevenir à une règle de droit précise.

En conclusion, la Cour ne retient pas de faute dans le chef de l’ONSS et confirme le jugement.

Intérêt de la décision

Cette décision de la Cour du travail de Liège rappelle de manière nuancée l’étendue des obligations respectives d’un entrepreneur (ou commettant) et de l’ONSS, en cas d’application de l’article 30bis. La société qui contracte avec un sous-traitant doit, dès lors, non seulement veiller au respect de ses obligations en matière de preuve de l’enregistrement et de l’absence de dettes sociales de son cocontractant, mais elle doit aussi, en cas de litige, pouvoir établir qu’elle a, au moment du paiement des factures, effectué les consultations obligatoires.


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