Terralaboris asbl

Règlement collectif de dettes : les allocations familiales ne sont pas des créances hors masse

Commentaire de C. trav. Mons, 7 juin 2010, R.G. 2009/AM/21.725

Mis en ligne le jeudi 24 février 2011


Cour du travail de Mons, 7 juin 2010, R.G. 2009/AM/21.725

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 7 juin 2010, la Cour du travail de Mons rappelle que, au sens de l’article 1675/13, § 3 du Code judiciaire, si les dettes alimentaires sont hors masse, ce n’est pas le cas des allocations familiales.

Les faits

Une Dame W. est admise en règlement collectif de dettes par jugement du juge des saisies de Charleroi du 24 juin 2004.

Ultérieurement, par jugement du 7 décembre 2005, le tribunal de la Jeunesse statue en ce qui concerne l’hébergement de ses enfants et prévoit notamment la rétrocession par elle de la moitié des allocations familiales au père.

Le plan de règlement amiable des dettes est homologué par le juge des saisies en mai 2005.

Un an plus tard, le médiateur dépose une requête en révision du plan, afin que soit prise en compte la question de la rétrocession des allocations familiales qui couvre une période antérieure à l’admissibilité à la procédure en règlement collectif.

Un nouveau plan est homologué par le juge des saisies en décembre 2006, intégrant la créance due au père.

La situation de la médiée se modifie en 2008 (nouveaux créanciers détenant une créance antérieure à la décision d’admissibilité, décès de son propre père et exercice d’un emploi dans le cadre du plan Activa).

En 2009, une requête en suspension est ainsi transmise au greffe et parallèlement, la médiée arrête de rétrocéder les allocations familiales, et ce pour la période de décembre 2008 à mai 2009.

La position du tribunal

Saisi par le père, le tribunal du travail de Charleroi rend un jugement le 23 juin 2009, dans lequel il considère que l’accord acté dans le jugement du tribunal de la jeunesse doit continuer à sortir ses effets. Cet accord, relatif à la rétrocession de la moitié des allocations familiales échappe, pour le tribunal, en tant que tel à la compétence des juridictions du travail. Cependant, ce créancier d’aliments entre en concours avec tous les autres créanciers et ne bénéficie pas, en tant que tel, d’un privilège. En conséquence, la rétrocession doit rentrer dans le cadre du paiement au marc le franc comme les autres créanciers.

Position des parties en appel

Le père interjette appel sur le caractère non privilégié de sa créance à l’égard de la mère des enfants et sur le paiement au marc le franc. Il fait valoir que sa créance est postérieure à la décision d’admissibilité et, s’agissant d’une créance alimentaire, qu’elle est manifestement privilégiée. Le caractère alimentaire découle du fait que la mère perçoit l’intégralité des allocations alors qu’ a été mis en place un régime d’hébergement alterné. Il fait enfin valoir qu’il est difficilement concevable que des allocations familiales soient affectées au paiement de dettes ordinaires, alors que leur destinataire final est l’enfant et lui seul.

Quant au médiateur de dettes, il fait valoir, sur la question litigieuse, que seules les créances alimentaires bénéficient du privilège évoqué par le père.

La position de la Cour

La Cour rappelle que l’article 1675/7 § 3 du Code judiciaire interdit au médié de poser des actes susceptibles de favoriser un créancier, étant cependant exclu le paiement de la dette alimentaire (sauf en ce qui concerne les arriérés). Pour cette dette, la loi prive le débiteur et le médiateur de toute possibilité de choix : il est interdit de faire entrer dans la masse les aliments dus pour la période postérieure à l’ordonnance d’amissibilité.

La Cour rappel que, dans l’examen des intérêts en présence, le législateur fait ainsi passer le créancier d’aliments avant la protection du débiteur surendetté. Pour la Cour, c’est le sens qu’il faut donner à cette disposition du Code judiciaire, qui interdit toute remise pour les dettes alimentaires non échues au jour de la décision arrêtant le plan de règlement judiciaire.

Reprenant la doctrine (F. de PATOUL, « Le règlement collectif de dettes », chronique de jurisprudence 1999-2004 – Droit bancaire et financier, 2004, VI, p. 358), la Cour rappelle que le créancier alimentaire est dans la masse pour les arriérés dus jusqu’au jour d’admissibilité et est hors masse pour les aliments dus à partir de cette date. Il peut ainsi prétendre à être payé intégralement et peut recourir aux voies d’exécution. Ainsi, une cession ou une délégation qui lui aurait été consentie conserve ses effets à l’égard de tous les autres créanciers, et ce nonobstant la décision d’admissibilité.

Cependant, en ce qui concerne les allocations familiales, celles-ci ne sont pas assimilables à des créances alimentaires. Le créancier des allocations familiales n’a aucun privilège qui lui permettrait de faire valoir qu’il s’agirait d’une dette hors masse. La dette de la médiée vis-à-vis du père des enfants résulte, ainsi que le relève la Cour, de l’exécution d’un accord intervenu entre les parties et entériné par le tribunal de la jeunesse. Cette situation a d’ailleurs entraîné la révision du plan amiable élaboré et l’homologation d’un nouveau plan aux termes d’un nouveau jugement. Cette créance n’est, ainsi, pas postérieure au plan et le créancier doit subir la loi du concours étant un créancier dans la masse.

Intérêt de la décision

L’espèce tranchée par la Cour du travail est intéressante en ce qu’elle rappelle que l’article 1675/7 § 3 du Code judiciaire vise exclusivement les créances alimentaires.

S’agissant, en l’espèce, d’un accord des parents sur la répartition des allocations familiales en cas d’hébergement partagé, accord entériné par un jugement du tribunal de la jeunesse, il y a créance ordinaire, donc créance dans la masse et paiement au marc le franc.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be